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MAROC | 28.07.2005 | 13h23

La stratégie du développement durable

le développement humain durable | Par Lahoucine Afraoui

Placer l’homme et son épanouissement au centre des préoccupations politiques et au cœur de toute stratégie de développement, tel est, à mon sens, l’essence et la substance même du projet de société que le Maroc ambitionne de réaliser sous l’impulsion de S.M. le Roi Mohammed VI.

Ce projet sociétal est, véritablement, un chantier historique de grande envergure dont les orientations sont, pour la première fois, clairement définies et bénéficie d’une ferme volonté politique pour le mener à bien. C’est un défit majeur dont les enjeux et l’objectif ultime visés ne sont autres que de hisser le Maroc au rang qui doit être le sien dans le concert des nations. Mais, la tâche s’avère exceptionnellement ardue. En effet, lorsque plus de la moitié de la population se trouve être analphabète, que l’écrasante majorité de ces illettrés sont des femmes et surtout que notre taux d’alphabétisation des adultes (47%) se trouve être inférieur de 14 points par rapport à la moyenne des pays en voie de développement (61%) (source PNUD), notre situation frise alors l’humiliation. Il devient légitime de se poser la question du bilan de notre action durant les cinquante années d’indépendance. Il est facile d’imaginer les conséquences néfastes et les handicaps au développement qu’engendre une telle situation. Lorsque environ la moitié de la population se trouve cantonnée dans un monde rural, longtemps marginalisé, presque exclus et en proie à des sécheresses chroniques dévastatrices et sans un minimum vital de conditions de vie décente, les dégâts ainsi engendrés peuvent être considérables. Lorsque la frange la plus dynamique, pleine d’énergie et d’ambitions que sont les jeunes se débattent dans un chômage chronique et durable et que des centaines de milliers de diplômés sont sans travail, déboussolés et sans repères, alors le moteur du Maroc risque, si rien n’est fait, de gripper durablement. Lorsqu’une partie non négligeable de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et une autre, tranche importante, se trouve dans une situation de précarité et de vulnérabilité aiguë avec de grandes difficultés à assurer son pain quotidien, à trouver un logement décent, des soins minimums,… alors il y a à craindre que le pays soit déchiré par des fractures sociales et régionales, qui, si elles ne sont pas atténuées risquent de nous entraîner, dangereusement, dans des situations d’instabilité. Notre potentiel humain se trouve ainsi en proie à plusieurs maux et sérieusement handicapé par plusieurs problèmes qui paraissent, à première vue difficilement surmontables. Le développement humain durable est assurément le chantier le plus important mais aussi le plus difficile car c’est celui qui demandera le plus de temps et d’énergie. Il est la résultante, le point nodal et le centre de tous les autres chantiers du projet de société. Même la démocratie, les libertés et la nouvelle gouvernance ne revêtent leurs véritables significations que lorsqu’elles sont appréhendées comme des leviers déterminants du développement. Dans le rapport du PNUD sur le développement humain pour 2003 nous apprenions, chiffres à l’appuie, qu’une douzaine de groupes sociaux dans le monde rural ont un indice de développement humain (IDH) qui se situe au même niveau que celui des dix pays les plus pauvres de la planète. L’indice global du Maroc, bien qu’en progression constante, reste aussi à un niveau alarmant. Cela constitue une véritable blessure à notre fierté nationale et à notre amour propre. Un sursaut national devient impératif. S.M. le Roi vient de l’initier car il est absolument urgent d’agir de manière vigoureuse. Si plusieurs d’entre nous pensaient que la misère noire n’existe que des contrés lointaines d’Asie ou d’Afrique, la démonstration est ainsi faite par des organismes indépendants et nous découvrons, incrédules et avec consternation qu’elle est également devant nos portes et nous nous obstinons à ne peut la voir et encore moins à la traiter. Cependant, cet état de fait n’est, en réalité, que la conséquence logique du fait que 10% de la population (trois millions d’individus) se partagent à peine 1,4% des revenus globaux, qui restent eux même, somme toute, relativement modestes (source Haut Commissariat au Plan). Nous ne pouvons pas rester indifférents et accepter que de telles situations perdurent dans notre pays à l’aube du 21e siècle. Nous sommes tous interpellés et nous devons mener une opération avec une dimension d’engagement sans précédent. Nous devons également opérer une véritable rupture dans la démarche et dans la manière d’agir. Aussi, pour assurer la réussite de cette opération de mobilisation, une vision pragmatique doit être de rigueur et son ciblage est une nécessité pour concentrer les efforts sur les communes et quartiers les plus démunis afin de garantir un maximum d’efficacité et d’efficience. Il va de soi que cette action ciblée devrait être considérée comme une opération pilote dont les enseignements seront très utiles pour les phases qui devront suivre. La deuxième clé de succès réside dans une coordination ficelée aussi bien des opérations que des intervenants. Car une mobilisation induit forcement une grande diversité des acteurs agissants : multitudes d’organismes étatiques, collectivité locales, ONG, privé, citoyens et populations concernées, partis politiques… Le partage des rôles et des responsabilités, à l’échelle de la commune ou du quartier, devient un impératif. De plus la réussite passe, nécessairement, par la gestion de l’opération en mode projet clarifiant de manière précise, les objectifs, les ressources, les calendriers et surtout un suivi très rapproché des réalisations. L’engagement sur le résultat doit être de rigueur. En outre, une forte implication des citoyens concernés permet à ces derniers de s’approprier le projet et de prendre leur destin en main après un accompagnement des autres acteurs pendant le temps nécessaire. Ils doivent être réellement placés au centre de l’opération, aussi bien au niveau de la recherche des solutions adéquates qu’au niveau des mises en oeuvre. Si le ciblage en ce qui concerne le nombre de communes rurales et de quartiers urbains pauvres est nécessaire, l’approche à adopter au niveau de chacune de ces localités doit être, quant à elle, globale car les problématiques sont interconnectées et corrélées: celles liées à l’éducation s’enchevêtrent avec celles de l’électrification et celles des soins se trouvent facilitées par la route, la lutte contre l’analphabetisation peut être couplée avec la formation à de nouveau métier….. Parmi les objectifs de l’opération du développement humain dans une commune rurale par exemple, nous retrouvons les besoins traditionnels de base à savoir, la scolarisation, les soins de base, l’électricité, l’eau potable, la route, le téléphone, l’alphabétisation, plus particulièrement des femmes,…. Toutefois, l’une des actions les plus importantes et probablement la plus difficile serait de trouver des moyens alternatifs, complémentaires aux travaux agricoles qui permettraient aux habitants d’améliorer, de manière pérenne leurs revenus et de faire face aux aléas des sécheresses qui les frappent, assez souvent, de plein fouet. Il va sans dire qu’il faudrait commencer par trouver les moyens pour améliorer les rendements des produits agricoles et d’élevages existants voire les convertir vers d’autres cultures plus adaptées. C’est probablement l’occasion de mettre en œuvre au bénéfice de ces communes les notions du commerce équitable à l’échelle du pays en les aidant à trouver de nouveaux produits et à les commercialiser dans de bonnes conditions. Les problématiques à résoudre dans les périphéries et quartiers urbains pauvres sont quelque peu différentes et s’articulent, en majorité, autour des problèmes de logements décents, d’emplois, des infrastructures de base, de culture,… Quel pourrait être le rôle des partis politiques et quelle serait leur contribution pour réussir le projet de développement humain durable ? Comment peuvent-ils agir en bannissant les récupérations bassement politiciennes et des surenchères démagogiques? Si plusieurs partis seraient impliqués au travers de leurs élus locaux, il n’en demeure pas moins que cette opération peut être considérée comme une action pilote dans les quelques six cent communes et quartiers choisis pour un encadrement des citoyens et pour des actions concrètes sur le terrain. Plusieurs partis peuvent saisir cette opportunité et s’organiser en pole pour minimiser le nombre d’intervenants dans chaque localité et agir ainsi comme acteurs à part entière. Le financement de l’opération du développement humain durable dans les localités choisies peut s’avérer être une problématique facile à résoudre car la mobilisation implique un partage des efforts et le plus difficile est, souvent, de dégager les solutions adéquates et surtout de les réaliser dans les temps impartis. Toutefois, les coûts seront élevés car c’est un rattrapage, devenu indispensable, d’un retard cumulé sur plusieurs décennies. Il convient, également, comme cela a été souligné par Sa Majesté dans son discour, de s’inspirer des expériences réussies en la matière et de faire un véritable benchmark à l’échelle internationale afin de ne pas perdre du temps à réinventer la roue. Nous devons également tirer les enseignements des programmes menés en interne et profiter de cette occasion pour les relifter en profondeur tels le premier Programme des Priorités Sociales (BAJ1) ciblant les 14 provinces les plus défavorisées, le Programme d’Approvisionnement Groupé en Eau Potable des Populations Rurales (PAGER), le Programme d’Electrification Rurale Global (PERG) et le Programme National des Routes Rurales (PNRR). Si, avec la mobilisation, nous arrivons à hisser les communes et quartiers sélectionnés au même niveau que la moyenne nationale en matière d’IDH, dans les trois prochaines années alors nous aurions relevé un véritable challenge qui nous permettra d’aller de l’avant de manière plus efficiente et plus rapide dans les phases qui suivront. Nous aurions alors fait un pas dans la réalisation du projet de société pour un meilleur épanouissement des citoyens. Cette action de terrain ciblée est à mener en parallèle avec le déroulement du projet global qui tend à favoriser l’émergence d’une croissance forte à même de créer des emplois et des richesses qui seraient alors à répartir équitablement. De nouvelles approches de développement sont à concevoir et à mettre en œuvre. Elles supposent de nouveaux modes de gouvernance, une meilleure intégration des projets, ainsi que l’abnégation des hommes et des femmes qui devraient les piloter avec détermination et dévouement. En somme, notre projet de société doit être d’une vision assez pragmatique pour qu’il reste réalisable mais devrait également porter en lui une dose non négligeable d’idéal voire, un zeste d’utopie pour qu’il soit suffisamment mobilisateur. Lahoucine Afraoui (député)

 

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