S’il est indéniable que pour se développer la Chine n’a pas lésiné sur tous les moyens, notamment énergétiques, pour faire tourner ses usines, il est conséquemment irréfutable que les retombées ont profondément creusé les disparités au sein de la population.
De façon générale et pour beaucoup d’auteurs, la disparité évoque une inégalité. R. Brunet, R. Ferras et H. Thery précisent que la disparité est « une inégalité ressentie, perçue et vécue comme une injustice » (R. Brunet et al. : 1992). Les indicateurs internationaux d’inégalité (coefficient Gini, indicateur R/P du revenu des 10% les plus riches par rapport au 10% les plus pauvres) montrent « qu’avec un indice Gini de 0,469 et une comparaison décile R/P de 21,6 la Chine est aujourd’hui, à l’exception de la Malaisie, le pays d’Asie aux plus forts écarts de revenus » (Yves Boquet, 2009). Bien que présente dans toutes les sociétés, les disparités sociales se sont aggravées en Chine avec le développement économique.
Face à certains problèmes environnementaux graves qui en découlent, le danger pour la santé est plus ou moins appréciable en fonction des revenus des Pékinois. En ce qui concerne particulièrement la pollution, les conséquences sont aussi graves en milieu urbain que rural.
Loin d’avoir la prétention d’aborder l’ensemble d’un problème aussi vaste et complexe que la pollution atmosphérique en Chine et ses conséquences sur le développement durable du pays, nous voulons le questionner à l’échelle de Pékin, nous interroger sur son ampleur et les moyens de s’en prémunir selon qu’on est de la classe supérieure, moyenne ou populaire.
Comme la plupart des villes des pays émergents, Pékin doit faire face à un défi important d’urbanisation qui nécessite un approvisionnement important en énergie et dont la maitrise du rejet polluant reste un problème important pour l’environnement et la santé des citoyens.
S’il est vrai que la littérature sur les liens entre exposition environnementale et inégalité sociale en occident est de plus en plus abondante, la question reste très sensible pour les autorités chinoises tant l’évidence du phénomène demeure dans la vie quotidienne des citoyens.
La récente interpellation de l’ambassade américaine en Chine par le ministère chinois de l’environnement sur la publication du niveau de pollution urbaine à Pékin souvent différent de ceux du gouvernement en illustre la sensibilité (Julie Desné, 2012).
Pour une ville de 16 410 km2 où vivent 22 millions d’habitants selon les statistiques de 2010 (Vincent Raes, 2011), la pollution atmosphérique est principalement liée aux transports, aux émissions des usines, aux chantiers et au chauffage durant l’hiver.
Le transport, en commun ou privé, représente l’une des plus importantes causes de pollution atmosphérique à Pékin.
Le réseau de transport en commun assurait en 2008 plus de 16.2 millions de passagers par jour représentant ainsi une augmentation de 21% par rapport à 2007, et 243% par rapport à 1978 (Vincent Raes, 2011). Selon Raes, Le bus reste le moyen de transport le plus pratique et le moins cher de Pékin avec une flotte de 21500 bus, desservant 671 lignes, sur un parcours de 18 000 km. Le réseau de bus de la capitale Chinoise est une des plus denses du monde et reste une source importante de pollution (Vincent Raes, 2011).
Le parc automobile privé reste une autre source de pollution importante. En 2008, le parc automobile privé de Pékin était de 3,1 millions de véhicules et affichait une augmentation de 14% par rapport à 2007. Raes remarque que les bicyclettes qui remplissaient il y a une vingtaine d’années les rues de Pékin se sont vues détrônées par les véhicules. Cette situation dénote l’importance de l’augmentation du niveau de vie des Pékinois et explique conséquemment l’importance de la pollution de l’air due au transport en ville.
En ce qui concerne la pollution de l’air d’origine industrielle, il faut reconnaitre qu’une trentaine d’industries importantes ont été identifiées dès 2002 comme principales émettrices des polluants atmosphériques. Représentant presque tous les secteurs d’activités, ces industries se situent pour la plupart à l’ouest de la ville et dans une moindre mesure au centre et à l’est de la ville (J.P Garrec, S. He, C. Rosé et F. Radnai, 2002).
Il devient évident que tout effort fourni pour contrôler les émissions atmosphériques polluantes des industries participe directement à la réduction d’une des premières causes de pollution de l’air de la ville, et les effets sur l’environnement ne seront que qualitativement bénéfiques pour l’air et à la santé des Pékinois.
Quant à la pollution provenant du chauffage, elle intervient en hiver. Depuis 2002, Elle est provoquée par au moins huit (8) millions de tonnes de charbon brulé chaque année pour chauffer les habitations indépendamment des vingt (20) autres millions de tonnes utilisés pour faire tourner les usines à Pékin.
En Hiver à Pékin, la combustion du charbon est à l’origine de 90% d’émission du dioxyde de souffre, 50% d’oxyde d’azote et 40% des particules présents dans l’air qui affectent considérablement la qualité de l’air de la ville (J.P Garrec, S. He, C. Rosé et F. Radnai., 2002).
Qu’il s’agisse de la pollution atmosphérique provenant du transport, des industries ou du chauffage, leurs augmentations ont considérablement affecté l’environnement de Pékin et questionnent le développement durable de cette ville.
A cause des disparités, les Pékinois font face à ce problème de pollution environnementale en fonction des moyens qu’autorisent leurs revenus.
La croissance économique à permis à la classe moyenne et à la classe supérieure d’acheter des voitures qui les mettent à l’abri des particules sur les routes et aussi de s’offrir des habitations idéalement placées, bien isolées contre la pollution et souvent chauffées par d’autres sources plus propres.
Les couches populaires, les plus nombreuses, qui se déplacent en transports en commun ou par des moyens plus rudimentaires comme la bicyclette ou la marche à pieds, vivent dans des habitations mal isolées et chauffées au charbon. Elles sont ainsi malheureusement exposées à la pollution atmosphérique et ses multiples conséquences sur leur santé.
En plus des problèmes de pollution atmosphérique occasionnée par la poussée de l’industrialisation, le besoin en chauffage et la forte motorisation du transport urbain, les Pékinois sont aussi confrontés aux problèmes d’embouteillage, de pollution due aux chantiers de constructions et à la nuisance sonore qui affectent la santé des classes les plus exposées : les classes populaires.
Il ressort de cette analyse que le besoin de se développer qui motive le travail de l’humain et donc des Pékinois, quelle que soit leur classe sociale, la croissance économique chinoise, ne serait-ce qu’à Pékin, a crée plus de disparités sociales et environnementales.
Il va sans dire que la poursuite de la politique de croissance, telle que nous l’avons observée, fait apparaitre un décalage des besoins sociaux et environnementaux des Pékinois selon qu’ils sont d’une part de la classe moyenne ou supérieure et de l’autre de la classe populaire.
Eu égard à ce qui précède, n’est-il pas urgent pour les nouvelles autorités chinoises d’anticiper les conséquences de cette disparité sociale et environnementale par une politique de régulation des différentes sources de pollution atmosphérique à Pékin ?
Bibliographie
Livres – BRUNET R., FERRAS R. et THERY H., 1992. Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Coll. Dynamiques du Territoire, Reclus – La Documentation Française, Paris, 470 p. Articles et référence électronique – [Benjamin Guinot, « Pollution atmosphérique et développement urbain en Chine », Perspectives chinoises En ligne], 2008/4 | 2008, mis en ligne le 01 octobre 2011 – J.P Garrec, S. He, C. Rosé et F. Radnai «La pollution atmosphérique sur Pékin Impact potentiel sur l’agriculture péri-urbaine», Courrier de l’environnement de l’INRA n°46, juin 2002. – Julie Desné – [Yves Boquet, « Dynamiques de développement et inégalités régionales en Chine », Espace populations sociétés En ligne], 2009/3 | 2009, mis en ligne le 01 décembre 2011 – Vincent RAES, « Transport urbain à Pékin : un dilemme de taille », China Institute politique intérieure, mai 2011