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À l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation du 16 octobre

Il n’y aura pas de justice climatique sans justice alimentaire

Slow Food appelle la COP 30 à prioriser l'alimentation dans les politiques climatiques

Le 16 octobre, c’est la Journée mondiale de l’alimentation. Alors que le monde se prépare pour la COP30 à Belém, au Brésil (du 10 au 21 novembre), le mouvement Slow Food appelle les dirigeants mondiaux à placer la transition des systèmes alimentaires au cœur des négociations climatiques.

La crise climatique a transformé notre monde et nécessite une refonte urgente de nos modes de culture, de transformation, d’échange et de consommation de notre alimentation.

C’est pourquoi Slow Food présente ses principales revendications aux représentants des gouvernements participant à la COP30.

« L’alimentation est le chaînon manquant des politiques climatiques. Elle est à la fois moteur et victime de la crise climatique, mais elle a également la capacité à devenir notre solution la plus efficace, si elle s’appuie sur les valeurs du bon, du propre et du juste. Nous appelons à ce que cette COP30 ne marque pas les mémoires pour ses belles promesses, mais pour ses actions concrètes. Qu’elle nous permette de prouver que de véritables solutions existent et peuvent être mises en œuvre. En cette Journée mondiale de l’alimentation, sous le thème « Agir ensemble pour un avenir alimentaire durable pour tous », nous rappelons aux dirigeants que le droit à l’alimentation est un droit universel, et pourtant des milliards de personnes peinent encore à accéder à une alimentation sûre, nutritive et abordable. Aujourd’hui, 2,6 milliards d’individus n’ont pas les moyens d’une alimentation saine. Nous appelons ainsi les dirigeants du monde à placer l’alimentation au centre de l’action climatique. »

Edward Mukiibi, président de Slow Food.

En cette période de grande incertitude, l’unité doit primer. Slow Food souhaite que la convention de Belém laisse derrière elle une confiance renouvelée dans le multilatéralisme, la seule voie envisageable pour résoudre la crise climatique.

Comme l’a récemment souligné la Commission EAT-Lancet, il ne peut y avoir de solution sûre à la crise climatique et à la crise de la biodiversité sans transformation des systèmes alimentaires mondiaux.

Même en abandonnant les énergies fossiles, les systèmes alimentaires actuels pourraient, à eux seuls, nous faire franchir la limite de 1,5 °C fixée par l’Accord de Paris.

La COP30 doit dépasser les accords symboliques et proposer des actions concrètes et des incitations permettant aux pays une transition vers l’agroécologie et la constitution de systèmes alimentaires justes et équitables. Les contributions déterminées au niveau national (CDN) doivent contenir des objectifs clairs, mesurables et contraignants , assortis de financements adéquats et de calendriers réalistes.

Ces plans doivent couvrir toutes les étapes de la filière alimentaire, de la production à la consommation, en passant par la réduction du gaspillage, la santé des sols et la biodiversité, en s’appuyant sur la dynamique créée par la Déclaration sur les systèmes alimentaires, issue de la COP28 aux Émirats arabes unis.

« La véritable résilience climatique commence par l’autonomisation des communautés à définir comment produire, distribuer et consommer leur nourriture » 

Edward Mukiibi, président de Slow Food

Enfin, la COP30 doit combler le déficit de financement de l’action climatique en orientant des ressources substantielles vers les pratiques agroécologiques, en particulier dans les pays du Sud. La feuille de route de Bakou à Belém doit servir à accélérer la mobilisation annuelle de 1,3 milliard de $ d’ici 2035, afin que les flux financiers soutiennent les agriculteurs et les écosystèmes, au lieu de les fragiliser.

Principales revendications de Slow Food à l’attention des gouvernements

  • Prioriser l’agroécologie : mettre fin à l’industrialisation de l’agriculture, réorienter les subventions vers le bien public et protéger la biodiversité.
     
  • Reconnaître la souveraineté alimentaire comme un mode d’action climatique : donner du pouvoir aux communautés et rejeter les fausses solutions telles que la compensation carbone et le technosolutionnisme.
     
  • Réorienter la finance climatique : consacrer 1,3 milliard de $ par an d’ici 2035 à l’agroécologie, et non aux énergies fossiles.
     
  • Garantir l’alimentation comme un droit humain : assurer à tous l’accès à une alimentation nutritive, diversifiée, riche en végétaux et culturellement cohérente.
     
  • Sortir des énergies fossiles : les systèmes alimentaires doivent s’affranchir de toute dépendance aux combustibles fossiles.
     
  • Défendre les systèmes alimentaires locaux : investir dans les circuits courts, les traditions alimentaires autochtones et les marchés paysans.
     

Déclaration commune d’une centaine d’organisations

Slow Food s’est joint à plus de 100 organisations pour signer une lettre commune réitérant ces revendications. La coalition insiste sur le fait que réduire l’élevage industriel, aligner la consommation sur le Planetary Health Diet1 et privilégier une alimentation plus végétale est essentiel pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité.

Une transition juste vers l’agroécologie et des objectifs contraignants de réduction des émissions de l’agriculture industrielle doivent ancrer l’ambition climatique pour 2035

Nous, les organisations soussignées, exhortons toutes les Parties à l’Accord de Paris à relever le niveau d’ambition de leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) pour 2035 en incluant de manière significative des engagements sur l’agriculture et les systèmes alimentaires, y compris les émissions liées à l’utilisation des terres, avant la COP 30 au Brésil.

Les systèmes alimentaires sont responsables de jusqu’à 42 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon le GIEC.

Même si les émissions de combustibles fossiles étaient immédiatement stoppées, les trajectoires actuelles des systèmes alimentaires rendraient à elles seules l’objectif de 1,5 °C inatteignable.

Les systèmes agricoles sont déjà en péril en raison de la hausse des températures. Lors de la COP 28, les Parties se sont engagées à remédier aux vulnérabilités des systèmes alimentaires et agricoles dans leurs CDN, leurs plans d’adaptation nationaux (PAN) et leurs stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB) en plaçant les personnes au cœur de l’action climatique.

La plupart des Parties se sont également engagées à respecter le Cadre mondial sur les produits chimiques et le Cadre mondial pour la biodiversité, qui prévoient explicitement la transition vers l’agroécologie et des alternatives non chimiques, ainsi que la réduction de moitié de la pollution due aux pesticides et aux engrais.

Pour atteindre les objectifs en matière de climat, de biodiversité et de pollution et respecter les droits humains, nous devons transformer en profondeur la manière dont nous produisons, distribuons et consommons les aliments.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) affirme qu’une transformation des systèmes alimentaires, notamment une transition vers l’agroécologie, peut permettre de réduire les émissions et d’améliorer la résilience climatique pour rester en dessous de 1,5 °C.

Les CDN doivent donc donner la priorité à la réduction des émissions agricoles en renforçant le soutien aux producteurs agricoles afin qu’ils passent d’une agriculture industrielle à grande échelle et à forte intensité d’émissions à une agroécologie et une agriculture écologique fondées sur la souveraineté alimentaire. Ces engagements contribueront non seulement à l’atténuation, mais aideront également le secteur alimentaire à s’adapter au changement climatique.

Le système d’élevage industriel est conçu pour profiter aux multinationales de la viande et des produits laitiers et dépend de l’exploitation des agriculteurs, des travailleurs et des animaux. Dominé par de longues chaînes d’approvisionnement et l’épuisement des ressources naturelles, il entraîne la destruction de la biodiversité et d’écosystèmes vitaux comme la forêt amazonienne.

Une transition juste implique d’encourager et de développer un système alimentaire humain, fondé sur l’agroécologie, qui soutienne les agriculteurs et les travailleurs dans cette transition.

Les pays à revenu élevé doivent montrer l’exemple en réglementant l’agriculture industrielle et en mettant en œuvre des objectifs contraignants de réduction des émissions agricoles pour le méthane et de protoxyde d’azote, parallèlement à des mesures de transition juste qui garantissent la protection sociale, la formation et la reconversion professionnelle ainsi que la participation inclusive des agriculteurs, des travailleurs et des communautés rurales.

Le rapport Global Methane Assessment 2021 du PNUE appelle à une réduction de 45 % des niveaux de méthane par rapport à 2020 d’ici 2030, mais selon le dernier rapport Methane Tracker 2025, ces émissions n’ont pas encore atteint leur pic. L’agriculture est l’une des principales sources d’émissions anthropiques de méthane et de protoxyde d’azote, en grande partie à cause de l’élevage à grande échelle et de l’utilisation non réglementée d’engrais. Les émissions de protoxyde d’azote ont augmenté de 40 % depuis les années 1980, tandis que la concentration atmosphérique de méthane augmente de manière exponentielle et est actuellement responsable d’environ un tiers du réchauffement climatique observé.

Le bilan carbone de l’élevage

Bien que de nombreux gouvernements aient inclus l’agriculture dans leurs CDN, aucun grand émetteur agricole ne s’est engagé à un plan assorti d’un calendrier pour réduire considérablement ces émissions. Pour aggraver les choses, certains pays producteurs et exportateurs de bétail excédentaire tentent de redéfinir leurs objectifs en matière de méthane dans le but de parvenir à « aucun réchauffement supplémentaire », ce qui signifie qu’ils visent à maintenir leurs niveaux élevés actuels de méthane, au lieu de les réduire.

Le méthane entraîne un réchauffement 80 fois plus puissant que le CO2 sur une période de 20 ans.

Vaches en stabulation Europe du Nord

En fait, l’édulcoration des objectifs en matière de méthane – en utilisant la mesure connue sous le nom de potentiel de réchauffement global ou « PRG » – favoriserait injustement les pays à forte production animale, étant donné qu’ils auraient une base de référence beaucoup plus élevée que la plupart des autres pays en développement. Ces objectifs ont été vivement critiqués par les scientifiques, qui leur reprochent de ne pas tenir compte des preuves scientifiques. Les adopter non seulement compromettrait l’objectif de 1,5 °C de l’Accord de Paris et son principe d’équité, mais augmenterait également le risque climatique pour toutes les nations.

La généralisation d'engrais azotés a permis l'essor de l'agriculture industrielle, dérèglant au passage le cycle biogéochimique de l'azote.
https://cdurable.info/comment-l-agriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-l-azote-et-compromet-l-habitabilite-de-la-terre/La généralisation d’engrais azotés a permis l’essor de l’agriculture industrielle, dérèglant au passage le cycle biogéochimique de l’azote.

La réduction de la production industrielle et à grande échelle de bétail, la réduction de la consommation conformément au régime alimentaire compatible avec la santé planétaire et le passage à une alimentation plus végétale sont essentiels pour atteindre les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité.

Les gouvernements doivent garantir le droit à une alimentation saine et nutritive, en particulier pour les communautés et les régions vulnérables. Se concentrer uniquement sur les solutions technologiques ne peut combler l’écart entre les émissions et les objectifs, des changements structurels sont nécessaires pour lutter à la fois contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement.

Les pays à revenu élevé et intermédiaire doivent redonner du pouvoir aux communautés rurales et urbaines productrices de denrées alimentaires en mettant l’accent sur les connaissances et les droits des petits exploitants, des Peuples Autochtones et des communautés en première ligne. Ils doivent encourager les pratiques agricoles qui restaurent les écosystèmes, soutiennent la biodiversité et garantissent l’accès à une alimentation saine et nutritive pour tous, permettant ainsi une transition juste dans l’agriculture dans leurs CDN.

Nous, les signataires, appelons :

  • Toutes les parties à la CCNUCC de s’opposer à l’adoption d’objectifs de « réchauffement nul » utilisant le PRG* pour la réduction des émissions de méthane.
  • Tous les pays à revenu élevé de montrer l’exemple en ancrant leurs CDN 2035 dans une transition juste, loin d’une agriculture industrielle à grande échelle et à forte intensité d’émissions, et vers l’agroécologie.

Cet engagement peut être mis en œuvre par le biais :

  • d’une législation contraignante et d’un plan assorti d’un calendrier pour réduire équitablement les émissions agricoles (y compris le méthane), tout en excluant les compensations carbone et les solutions technologiques à court terme non éprouvées.
  • de l’arrêt de l’expansion de l’élevage industriel et de la production de céréales fourragères (pas de nouvelles fermes industrielles ni d’expansion des fermes existantes), en donnant la priorité à une alimentation diversifiée pour les personnes plutôt qu’à l’alimentation animale.
  • Créer une stratégie assortie d’un calendrier et un plan de mise en œuvre de la transition juste afin de réorienter les fonds publics destinés à l’élevage industriel (y compris l’alimentation animale) vers la promotion et l’expansion d’un système alimentaire basé sur l’agroécologie qui soutienne de manière adéquate les agriculteurs et les travailleurs dans cette transition, avec des programmes de protection sociale et une participation inclusive et significative des agriculteurs, des travailleurs et des communautés rurales.
  • Veiller à ce que cette transition permette aux marchés locaux de prospérer, dont dépendent les éleveurs, les pastoralistes et les autres petits producteurs alimentaires dans les pays du Sud, sans que les multinationales ne menacent de simplement y délocaliser leurs activités destructrices pour l’environnement et de perturber les moyens de subsistance.
  • Introduire des politiques qui éliminent la surconsommation de produits animaux et soutiennent une transition alimentaire vers des aliments sains, écologiques et à base de plantes, notamment en plaçant la justice sociale et le droit à l’alimentation au centre des environnements alimentaires.

En prenant ces mesures, les gouvernements doivent garantir le droit à une alimentation saine et nutritive, en particulier pour les communautés et régions vulnérables.

Une alimentation bonne,
propre et juste pour tous

Slow Food appelle enfin les dirigeants mondiaux à faire de la COP30 un moment charnière : un moment où alimentation, culture et climat sont réunis, dans toutes les discussions et dans toutes les politiques.

Les signataires de la déclaration commune

Signer la déclaration commune

Rejoignez les personnes du monde entier qui réclament des transitions justes vers l’agroécologie.

a large field of crops with trees in the background
  1. Le Planetary Health Diet est une alimentation à l’équilibre entre l’humain et la planète, théorisée par la commission scientifique EAT-Lancet. ↩︎

Slow Food est un mouvement mondial qui rassemble des groupes locaux et des militants autour d’une vision commune : garantir à chacun un accès à une alimentation bonne pour lui, bonne pour ceux qui la produisent et bonne pour la planète. Fondé en Italie en 1986 en réponse à l’industrialisation croissante de l’alimentation et à la montée de la culture de la restauration rapide, Slow Food s’est depuis étendu à des millions de partisans dans 160 pays à travers le monde.

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Cyrille Souche
Cyrille Souchehttps://cdurable.info
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