Des Trente Glorieuses à la crise financière de 2008, en passant par le choc pétrolier de 1979, les nationalisations de 1981 et les privatisations de 1986 : telles sont les grandes étapes de l’histoire de l’économie française depuis 1945. Mais, derrière cette histoire officielle sans visage, celle des manuels scolaires, s’en cache une autre, secrète, qui met en scène les hommes qui ont réellement fait et défait le capitalisme français de l’après-guerre. C’est cette histoire que raconte ce livre emmené par cinq journalistes d’investigation : le rôle des anciens cadres de Vichy dans la Reconstruction, les liens du patronat avec le monde de la pègre, le financement secret des partis politiques, les dessous du paritarisme, les caisses noires des syndicats patronaux. Il plonge le lecteur dans les arcanes d’un véritable « système » né dans l’après-guerre et qui s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui…
Cette saga brosse le vrai portrait de nombreux patrons, révèle les bonnes affaires des uns dans la « Françafric », les juteuses opérations des autres dans l’immobilier ou l’industrie. On découvre comment se sont vraiment faites la plupart des grandes fortunes françaises, celles d’hier et d’aujourd’hui : subventions extorquées à l’État, entreprises publiques bradées, rachats de sociétés dans des conditions plus qu’obscures, montages financiers aux marges de la légalité, fraude fiscale, espionnage, coups fourrés, etc. La légende de patrons conquérants, prenant tous les risques pour faire leur fortune à la force du poignet, sort sérieusement écornée de ce magistral livre-enquête. MARIANNE : « C’est un pavé, une somme, presque une bible. Plus de 700 pages pour raconter l’histoire du capitalisme français, du compromis social de 1945 à « l’ère des tueurs », celle des patrons des années 2000, adeptes du toujours plus de fric et du toujours moins de règles. Sept cents pages pour dresser le portrait du patronat tricolore, des Trente Glorieuses à la crise financière de septembre 2008, ses méthodes, ses réseaux, ses lobbies, sa consanguinité aussi et, bien sûr, ses dérives et ses excès. » LES ÉCHOS : « Véritable livre noir du patronat, cet ouvrage permettra à qui en éprouve la nécessité de retrouver commodément un recensement assez complet de tout ce qu’on a reproché au patronat français depuis l’Occupation. Il y sera moins question de partage de la valeur ajoutée, de conflits du travail ou de restructurations que de manipulations louches, caisses noires, influences occultes et relations plus ou moins coupables entre les milieux politiques et patronaux. On y retrouvera avec un certain amusement des scandales passés dont on avait perdu la mémoire. La présentation en courts chapitres bien identifiés dans un sommaire efficace appuyé par un index permet de retrouver commodément tout le mal que l’on peut dire de la personne à qui on s’intéresse. »Références
Histoire secrète du patronat est publié aux éditions La Découverte dans la Collection Cahiers libres – 720 pages – ISBN : 9782707157645 – Prix public : 25 € Les auteurs : – Benoît Collombat, grand reporter, chargé de l’investigation à France Inter, est l’auteur de nombreuses enquêtes sur la Françafrique, le monde du renseignement, de la politique et des affaires. Il a publié une contre-enquête sur la mort de l’ancien ministre Robert Boulin : Un homme à abattre (Fayard, 2007). – Frédéric Charpier, auteur de films documentaires, a écrit plusieurs ouvrages sur les affaires, les services de renseignement et l’extrême droite, notamment, au Seuil, Génération Occident. De l’extrême droite à la droite Madelin (2005) et La CIA en France (2008), et aux Presses de la Cité, Les Dessous de l’affaire Colonna et Nicolas Sarkozy, enquête sur un homme de pouvoir (2007). – Martine Orange, ancienne journaliste au Monde, est rédactrice en chef de La Tribune. Elle a publié deux enquêtes sur les mondes de la grande finance : Une faillite française, consacré à Vivendi (Albin Michel) et Ces messieurs de Lazard (Albin Michel). – David Servenay est journaliste à Rue89.com en charge des enquêtes, après avoir passé onze ans à Radio France International où il a travaillé sur les affaires franco-africaines. Il a publié Une guerre noire, enquête sur les origines du génocide rwandais (La Découverte, 2007, avec Gabriel Périès). – Erwan Seznec est journaliste économique. Il a longtemps collaboré à La Tribune et à Marianne. Il a publié aux éditions Hachette une enquête sur les dérives des centrales syndicales, intitulée Syndicats, grands discours et petites combines (2006). – Acheter le livre « Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours » chez notre partenaire Amazon.fr.Les petits secrets des grands patrons
Comme le constate Le Yéti, un des blogs les plus consultés sur Rue89, « vous ne trouverez pas grand chose dans les médias du microcosme » sur cet ouvrage. « Rien dans Le Monde, rien dans Le Nouvel Observateur, rien dans Libération. Un article tout de même dans Marianne, un bref entrefilet dans Le Parisien. Quelques passages chez les derniers trublions du service public radiophonique (Mermet (vous pouvez encore écouter l’entretien avec Benoît Collombat, David Servenay et Erwan Seznec en cliqant ici), Manzoni). Mais black-out sur la « lagardérienne » Europe 1, sur RTL ou sur les plateaux télés ». Je vous invite donc à découvrir ci-dessous pourquoi la presse semble en effet frileuse à évoquer ce livre qui se lit comme un polar. Avec un extrait du site BAKCHICH.info qui a réalisé un entretien avec deux des auteurs et un extrait du livre. Édifiant. Extrait du site BAKCHICH.info « En matière d’information économique, on parle souvent de la guerre des communicants. On ne croit pas si bien dire. Comme le décrypte Benoît Collombat dans un passionnant article consacré aux deux plus grandes figures de la com’ patronale Anne Méaux et Michel Calzaroni. Pour ce dernier, la figure tutélaire est le sulfureux Michel Frois, figure de la propagande de l’armée pendant la guerre d’Indochine. Une bien belle école ». « Dans l’histoire tumultueuse de ses relations avec la presse, le patronat français a globalement toujours tenté de contrôler les journalistes. Laurence Parisot, à son arrivée à la tête du Medef, avait juré qu’elle allait rompre avec ces pratiques antérieures et jouer la transparence. Or, comme le raconte David Servenay dans un article consacré à la Dame de fer des patrons, dès lors qu’un journaliste se montre un peu trop curieux, comme ce fut le cas de Guillaume Delacroix des Echos, elle ordonne à l’organisation de boycotter le journal et réclame la tête de celui qui avait osé l’interroger sur les caisses noires de l’UIMM ».Extrait du livre – Stéphane Richard : le roi du conflit d’intérêts à Bercy
La carrière fulgurante de Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui arrive en janvier à la tête de France Télécom est, à elle seule, un condensé des dérives patronales. Par Erwan Seznec. « Nommé directeur de cabinet de la ministre de l’Économie et des Finances Christine Lagarde à l’été 2007, Stéphane Richard est emblématique d’une génération de hauts fonctionnaires, en passe de reléguer au rang d’anecdotes les problèmes déontologiques posés par le pantouflage à l’ancienne. Chez lui, le conflit d’intérêts n’est plus un risque à éviter, mais le moteur d’une carrière construite à la charnière du public et du privé. L’ambivalence est inscrite dans sa formation initiale. Né le 24 août 1961, Stéphane Richard est diplômé de HEC et de l’ENA, promotion Fernand Braudel en 1987. Un de ses condisciples énarques est Nicolas Bazire, futur directeur de cabinet du Premier ministre Édouard Balladur pendant la deuxième cohabitation, de 1993 à 1995. C’est lui qui fera le pont entre Nicolas Sarkozy et Stéphane Richard. En 1991, Stéphane Richard est encore de gauche, et membre du cabinet de Dominique Strauss-Kahn, alors ministre délégué à l’Industrie et au Commerce extérieur… Au bout d’un an, il quitte la politique pour les affaires, rejoignant la Compagnie Générale des eaux (CGE). Le jeune inspecteur des finances est d’abord chargé du redressement de la filiale immobilière Phénix, en grave difficulté. Puis, en 1997, il prend la tête d’un pôle que le groupe vient de créer pour rassembler des actifs très hétéroclites, la Compagnie générale immobiliers et services (CGIS). De grands changements se préparent. La vénérable CGE est en train de devenir Vivendi. En 1996, Guy Dejouany a passé les commandes à Jean-Marie Messier, qui demande à Richard d’organiser les cessions d’actifs de la CGIS, avec l’idée de dégager des fonds pour investir dans le numérique. Richard s’exécute et revend hôtels, tours à La Défense, gymnases, clubs de vacances, centres commerciaux, installations portuaires à Marseille, etc. Pendant cette période, la CGIS fait travailler occasionnellement un avocat du cabinet Arnaud Claude, du nom de… Nicolas Sarkozy. En 2000, Vivendi décide de se séparer de la CGIS. Le pôle immobilier est cédé à des fonds d’investissement, dont une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, CDC Equity capital. Stéphane Richard et d’autres dirigeants prennent des parts dans la nouvelle entité (bientôt rebaptisée Nexity), via un rachat d’entreprise avec effet de levier, ou leverage buy-out (LBO). C’est le premier des trois LBO successifs qui vont faire la fortune de Stéphane Richard. Sa participation initiale, qui n’excédait pas 750 000 euros, va atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros en 2006. Pressé de restructurer Vivendi, Messier a cédé la CGIS au début d’une envolée ahurissante des prix de l’immobilier. Stéphane Richard, de son côté, a quitté Nexity pour devenir directeur général de Connex-Veolia Transport en 2003. Une forme de retour au bercail, puisque Veolia Transport est, elle aussi, une émanation de feu la CGE. À ce poste, Richard semble loin de la politique. Il en est en réalité tout proche. Fournisseur de service aux collectivités, le groupe offre en effet des possibilités de contact virtuellement inépuisables avec les élus. À titre personnel, Stéphane Richard reste en lien avec Nicolas Sarkozy, qui le fait chevalier de la Légion d’honneur le 14 juillet 2006. À la même époque, Stéphane Richard est en train de négocier avec le fisc un énorme redressement, portant sur quelque 660 000 euros. Étudiant un des LBO de Nexity, la Direction nationale de vérification des situations fiscales s’est aperçue que Stéphane Richard avait dissimulé une partie de ses revenus dans des plans d’épargne en actions, à fiscalité favorable. Les discussions prenant du temps, l’intéressé se retrouve au printemps 2007 dans une situation surréaliste. Il bataille avec Bercy… tout en étant pressenti pour devenir directeur de cabinet du ministre de l’Économie et des Finances, un poste qu’il occupera effectivement à partir de l’été 2007. Une situation proprement inimaginable au Royaume-Uni, aux États-Unis ou dans les pays scandinaves. Richard s’acquitte de son redressement quatre mois plus tard. Et ce n’est pas tout. En janvier 2006, quelques mois seulement avant de recevoir la Légion d’honneur, Stéphane Richard a été placé en garde à vue par les gendarmes de la section de recherches de Versailles, en sa qualité d’ancien directeur des affaires immobilières de Vivendi. Les enquêteurs travaillent sur un gigantesque dépassement de permis de construire portant sur 45 000 m2 bâtis entre 1996 et 2000, dans le quartier d’affaires de la Défense. La branche immobilière de Vivendi était très active à l’époque à La Défense. Stéphane Richard n’a pas été mis en examen dans ce dossier. Les investigations avançaient depuis très lentement. Une information judiciaire pour infraction au code l’urbanisme a été confiée à la juge Charlotte Bilger par le parquet de Nanterre en mai 2008. En mai 2009, Stéphane Richard a annoncé qu’il prendrait la tête de l’opérateur Orange en 2011. Il a obtenu au préalable l’avis favorable de la Commission de déontologie, qui donne un avis (alors non obligatoire) sur le passage dans le privé des hauts fonctionnaires ou des membres de cabinet ministériel. Consciente d’un possible, pour ne pas dire inévitable, conflit d’intérêts avec ses anciennes fonctions de « dircab » de la ministre de l’Économie et des Finances, la Commission lui a interdit d’avoir des contacts professionnels avec ses anciens collaborateurs au cabinet. « Je pourrai donc parler à Christine Lagarde et à Luc Châtel », alors secrétaire d’État chargé de la consommation, en a déduit le plus sérieusement du monde Stéphane Richard, dans un entretien accordé au Journal du dimanche du 17 mai 2009. Voilà qui a au moins le mérite de la franchise ».