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Vingt sites frappés d'eutrophisation en France, 405 dans le monde...

Les eaux côtières menacées d’asphyxie par l’activité humaine

Une étude publiée dans Science et reprise par Le Monde

Dans l’excellent éditorial du Monde (édition du 17 août 2008) intitulé Mers mourantes, la rédaction constate que le mot « désert » est associé aux terres, jamais aux mers. Pourtant, les océans sont menacés de se transformer en déserts liquides, par la faute de l’activité humaine. La surpêche est la cause la plus voyante de cette grande vidange de la vie marine. Mais un autre phénomène délétère, plus discret, monte en puissance : l’eutrophisation, qui prive les eaux d’oxygène. Dans la revue Science du 15 août, Robert Diaz (Institut de science marine de Virginie, Etats-Unis) et Rutger Rosenberg (Université de Gothenbourg, Suède) recensent vingt sites frappés d’eutrophisation [[L’eutrophisation d’un milieu aquatique, tel que cours d’eau ou mares, désigne originellement sa richesse en éléments nutritifs, sans connotation négative. À partir des années 1970, le terme a été employé pour qualifier la dégradation des grands lacs comme le lac d’Annecy, le lac du Bourget ou le lac Léman par excès de nutriments. Il a aujourd’hui un sens proche de dystrophie et vient souvent comme qualificatif de sens négatif pour des milieux aquatiques d’eau douce ou marins. Un milieu aquatique pauvre en éléments nutritifs est dit oligotrophe ; dans le cas intermédiaire, on qualifie le milieu de mésotrophe. Étant donné que les facteurs naturels produisent des milieux plus ou moins chargés en nutriments en dehors de toute intervention humaine, l’état d’eutrophisation d’un milieu aquatique doit être apprécié en fonction de sa nature et ne peut pas se baser sur des indicateurs absolus. L’eutrophisation est aussi une des étapes du processus naturel qui transforme lentement les lacs peu profonds en marais, puis en prairie ou en mégaphorbiaies et finalement en forêt. Le comblement d’une mare ou d’un marais est très accéléré par la présence de nutriments artificiels, par la proximité d’arbres (feuilles mortes), mais aussi par l’absence de faune se nourrissant dans l’eau tout en exportant les nutriments (Ex : amphibiens, canards ou élan mangeant des algues, des invertébrés, et des plantes aquatiques, par dizaines de Kg par jour dans le cas de l’élan). L’atterrissement d’une petite mare en sous-bois peut se faire en quelques décennies, alors que les lacs naturels se comblent eux en dizaines de milliers voire en millions d’années. Pour en savoir plus, lire l’article consacré à l’eutrophisation sur Wikipédia.]] en France, principalement des estuaires et des lagunes côtières.

Le Monde (édition du 17 août 2008) donne la liste des sites concernés en France : les baies de Somme et de Vilaine (épisodique) ; l’estuaire de la Gironde et la lagune languedocienne du Prévost (périodique) ; les étangs de Berre et de Thau, les estuaires de la Loire et de la Seine (saisonnier). Auxquels s’ajoutent sans précision de périodicité les baies d’Arguenon, de Douarnenez, de la Frenaye, de Lannion, de Morlaix, de Saint-Brieuc, et Concarneau, les sites de Boulogne, Calais, Dunkerque, l’estuaire de la Canche (Picardie) et le bassin d’Arcachon. Cette étude intitulée Spreading Dead Zones and Consequences for Marine Ecosystems indique que la surface de ces zones mortes sur la planète double chaque décennie depuis les années 1960. Ces dernières représentent aujourd’hui 405 sites totalisant 245 000 km2, soit la surface de la Nouvelle-Zélande. Pour les auteurs, ces régions constituent désormais « un des éléments-clés du stress qui frappe les écosystèmes marins ». Quand l’hypoxie perdure et s’aggrave, elle « entraîne la mort des organismes qui vivent sur les fonds marins, crustacés, coquillages, corail, qui constituent le benthos », explique au Monde Louis-Alexandre Romana, responsable de l’environnement côtier à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer. La chaîne trophique qui relie le phytoplancton, le zooplancton, les petits poissons et les grands prédateurs marins est alors rompue. Car « la disparition du benthos se traduit par la perte de tonnes de carbone qui ne sont plus disponibles pour les autres espèces », ajoute le scientifique. Robert Diaz et Rutger Rosenberg ont évalué la perte de carbone dans des zones qui connaissent de longues périodes de désoxygénation. Dans la baie de Chesapeake, un des plus grands estuaires des Etats-Unis, elle est évaluée à 10 000 tonnes par an et, en mer Baltique, à 264 000 tonnes. Les processus d’eutrophisation ne sont heureusement pas toujours permanents. Ils n’en sont pas moins redoutables, précise Christiane Galus dans Le Monde. En 1976, un de ces événements dans la baie de New York avait frappé une surface de 1 000 km2, et profondément perturbé le milieu marin. Malheureusement, « l’eutrophisation a pour effet d’augmenter le volume de matière organique qui atteint le fond marin et les sédiments », rappellent les auteurs de l’article de Science. De ce fait, « l’hypoxie a tendance à augmenter dans l’espace et dans le temps, si rien n’est fait pour changer la situation ». Cela se traduit par des zones mortes quasi permanentes, tels l’estuaire du Saint-Laurent (Canada), le bassin de Gdansk (Pologne), la mer Caspienne, la mer Baltique ou l’estuaire de Tan Shui à Taïwan. Pour retourner la tendance et agir sur ces zones mortes, il faudrait diminuer les rejets des eaux usées et maintenir les engrais dans le sol. Ce qui constitue encore un sujet de recherches. Des efforts réalisés dans ce sens se sont déjà traduits par une diminution du problème.[[En Europe, en 1998, l’OSPAR a adopté une stratégie de lutte contre l’eutrophisation (Numéro de référence OSPAR 1998-18), incluant l’objectif de « combattre l’eutrophisation dans la zone maritime d’OSPAR » pour « parvenir à maintenir un milieu marin sain où les phénomènes d’eutrophisation ne se produiront pas ». Le calendrier OSPAR prévoyait de rétablir une situation normale avant 2010. Imposées par l’Union Européenne, la directive-cadre sur l’eau et la directive Nitrate devraient contribuer à réduire à la source les polluants eutrophisants marins, puisqu’elles incluent dans leur champ d’action et dans leurs objectifs tant les eaux douces que salées et saumâtres avec l’objectif de retrouver un bon état écologique des eaux.]] En attendant, MM. Diaz et Rosenberg suggèrent de réduire l’emploi des fertilisants de façon à retrouver les quantités utilisées au milieu du XXe siècle. Si rien n’est fait, le phénomène risque de s’amplifier dans les années à venir avec l’augmentation de l’activité humaine, la production accrue d’agrocarburants et le réchauffement climatique. Celui-ci, selon M. Romana, agira au travers de trois processus : le débit des fleuves, l’augmentation de la température marine, qui accentue l’activité microbienne, et les phénomènes climatiques, tels les cyclones tropicaux, qui brassent brutalement les eaux. L’éditorial du Monde (édition du 17 août 2008) rapporte que dans un rapport d’expertise scientifique rendu en juillet à la demande des ministères de l’agriculture et de l’écologie, l’Institut national de la recherche agronomique reconnaît que, pour une meilleure prise en compte de la biodiversité, il faut tâcher de « diminuer l’utilisation des engrais et des produits phytosanitaires ». Ce qui peut se faire sans perte notable de rendement. Le Monde de conclure : « Si l’on en croit un document prospectif de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publié cette année, le mouvement est timidement enclenché : d’ici quatre ans, la consommation de nitrates et de phosphates devrait diminuer en Europe de l’Ouest. Mais augmenter partout ailleurs dans le monde… » Pour aller plus loinArticle sur Wikipédia sur les zones mortesLes  » zones mortes  » apparaissent comme la grande menace du 21ème siècle pour les stocks de poissons (mars 2004) – Portail Internet du Programme de protection de l’Environnement marin contre les apports anthropiquesLacs en danger – Contacter les auteurs : Robert J. Diaz, Virginia Institute of Marine Science, College of William and Mary, Gloucester Point, VA 23062, USA. Rutger Rosenberg, Department of Marine Ecology, University of Gothenburg, Kristineberg 566, 450 34 Fiskebcckskil, Sweden.

 

Sources : L’activité humaine menace d’asphyxie les eaux côtières par Christiane Galus, Article paru dans l’édition du 17.08.08. du Monde – WikiPédiaMers Mourantes, éditorial du Monde (édition du 17 août 2008) – Science 15 August 2008 – Vol. 321. no. 5891, pp. 926 – 929

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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