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Dialogue sur Terre

L’Homme et la modernité

un article de réflexion écrit par Ludovic

Audrey, Mariette, Guillaume et Ludovic, fondateurs du projet Dialogue sur Terre ont quitté l’Asie, après 7 mois de voyage. Cela leur a permis de capitaliser leurs expériences, analyses et de prendre du recul sur ce qu’ils ont vécu. Leur analyse des mode de vie s’est enrichie de 9 villages et 3 fiches « Ecopratique » décrivent les pratiques écologiquement ou socialement vertueuses qu’ils ont rencontrées. CDURABLE.info diffuse la réflexion sur le rapport entre l’Homme et la modernité que ce voyage a inspiré à Ludovic.

L’origine du projet

La fleur du Dialogue sur Terre
La fleur du Dialogue sur Terre
A l’origine du projet « DIALOGUE sur TERRE », le constat que le mode de vie occidental n’est pas viable sur notre planète, et l’envie de contribuer à la construction d’une société fondée sur des valeurs écologiques. Devant les désastres écologiques avérés et les défis de l’avenir, notre moyen d’action le plus pertinent consiste à faire évoluer le mode de vie occidental vers un meilleur respect de l’environnement et de l’humain. Notre projet consiste à aller à la rencontre de personnes à travers le Monde ayant des modes de vie plus durables que le nôtre. Nous comptons ainsi rapporter des exemples de sociétés alliant respect de la nature et bien-être, qui pourraient être reproduits ou extrapolés chez nous.
intineraire du voyage Dialogue sur Terre
intineraire du voyage Dialogue sur Terre
Le dialogue est le maître mot de notre projet : dialogue avec des gens du monde entier comme un moyen de découvrir des cultures différentes et de faire connaître la nôtre, dialogue avec nos concitoyens pour leur faire découvrir la diversité et la richesse du Monde, dialogue pour sensibiliser le grand public sur le fait que notre mode de vie n’est pas durable et qu’il peut (et doit) évoluer. Le dialogue nous permettra de réfléchir ensemble à des solutions durables pour la planète, et donc pour l’humanité.
Dialogue sur Terre
Dialogue sur Terre
L’association « Dialogue sur Terre », de type collégiale, a pour vocation de faire changer les comportements des occidentaux pour tendre vers des modes de vie plus respectueux de l’environnement et de l’humain. L’approche choisie est de s’inspirer de sociétés rurales traditionnelles des pays d’Asie et d’Afrique, pour rapporter en France des exemples de modes de vie possibles et donner l’envie et les moyens de changer. Elle est constituée de quatre ingénieurs, de 25 à 31 ans, qui se sont connus à l’INSA de Lyon, dans le cadre des activités de la section musique-études de l’école. Deux couples : Mariette et Guillaume (mariés en 2007), Audrey et Ludovic (pacsés en 2009).

L’Homme et la modernité

L’équipe de Dialogue sur Terre s’est fixé comme objectif de se rendre dans des villages isolés et traditionnels afin d’étudier des mode de vie simple des Hommes. Mais de nos jours, évidemment, la modernité est arrivée dans tous les coins de la planète et fait évoluer bien des aspects de la vie. Regardons ensemble ce phénomène.
Lhassa-Nepal - Dialogue sur Terre
Lhassa-Nepal – Dialogue sur Terre
Dans les 9 villages retirés où nous nous sommes rendus en Asie, de la Sibérie à l’Inde, nous avons constaté que tous les villages avaient depuis au moins une décennie intégré des éléments de modernité. Dans beaucoup de cas, cette évolution a changé significativement les habitudes locales, la qualité de vie et les perspectives d’avenir des plus jeunes.
Voici les aspects positifs de ces évolutions que nous avons constatées : – accès à l’éducation et à la santé : école obligatoire, médicaments, accès aux hôpitaux ; – diminution de l’isolement : routes et véhicules motorisés, téléphones portables ; – confort domestique / hygiène : éclairage, eau courante, savons, lessive ; – meilleurs rendements agricoles, diminution de la pénibilité du travail : tracteur, machine à écosser, pesticides, engrais ; – ouverture au monde extérieur (politique, culture) : radio, télévision ; – amélioration de l’alimentation : variété de produits consommés. Dans les villages étudiés, ces évolutions, sans être vitales (les habitants pouvant manger, dormir et se protéger sans elles), augmentent réellement et immédiatement la qualité de vie des habitants, donc a priori leur bien-être. Nous ne disserterons pas plus sur ces aspects positifs de ces premières étapes du développement car ils paraissent évidents. Attachons-nous plutôt à regarder les contreparties de l’arrivée de la modernité dans les villages
Nambonetai - Dialogue sur Terre
Nambonetai – Dialogue sur Terre
Les éléments de modernité auxquels aspirent les villageois, attirés par la perspective de nouveaux conforts, engendrent des coûts qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Ils doivent maintenant, entre autres, payer des factures d’électricité, acheter du carburant, financer l’éducation de leurs enfants. Ainsi, ces villageois qui vivaient autrefois en autonomie ont maintenant besoin de ressources financières, ce qui se traduit bien souvent par l’obligation de trouver des activités professionnelles à l’extérieur du village. Cela induit d’une part un accroissement du travail : les besoins alimentaires restant les mêmes, ces nouvelles activités s’ajoutent aux activités agricoles du village pour l’autoconsommation ; d’autre part, cela constitue une modification importante de leur mode de vie, avec notamment des bouleversements familiaux. Ce sont les premiers symptômes d’un nouveau phénomène accompagnant le développement : la dépendance à l’argent.
Santar - Dialogue sur Terre
Santar – Dialogue sur Terre
Nous avons globalement observé une récente et nette perte de richesses des traditions locales, ces dernières rentrant peu à peu en concurrence avec les habitudes et la culture de la vie « moderne ». Nous pouvons citer les 4 exemples ci-dessous. – Les savoir-faire artisanaux comme la vannerie ou la construction de maisons avec des matériaux locaux s’amenuisent peu à peu face à l’arrivée d’objets et de matériaux industriels. – Les habits traditionnels sont de moins en moins portés (et le savoir du tissage commence donc à se perdre) au profit d’habits « modernes » de fabrication industrielle. – Les jeunes connaissent de moins en moins les danses et chants de leur région. – Les savoir-faire traditionnels en matière d’agriculture, de gestion des forêts et plus généralement du patrimoine naturel local, sont oubliés peu à peu face aux apparentes facilités qu’offrent les nouveaux moyens modernes. L’arrivée de la télévision dans la majorité des villages visités accentue probablement ces tendances en rendant la culture locale marginale ou vieillissante. Si à leur stade de développement, les villages n’ont pas d’impact significatif sur l’environnement de manière globale (ressources non renouvelables, effet de serre), la modernité a apporté avec elle des pollutions locales des eaux, de l’air et des sols. Nous les avons observées partout, à des échelles différentes. L’absence quasi systématique de gestion des déchets fait que l’on retrouve partout dans les villages des détritus qui dénaturent l’environnement local, et qui altèrent la qualité des sols en se décomposant. Les pesticides et engrais chimiques polluent les terres et détériorent la qualité des aliments. Nous avons vu très souvent les villageois brûler des déchets plastiques, ce qui émet des fumées nocives pour la santé. La plupart du temps, ils n’ont hélas aucune notion concernant les méfaits sur l’environnement et sur leur santé des nouveaux produits qu’ils utilisent.
St Petersbourg - Dialogue sur Terre
St Petersbourg – Dialogue sur Terre
La tendance la plus préoccupante à nos yeux pour les villages est sans doute le départ des jeunes vers les villes. Ils sont de nos jours de plus en plus éduqués et attirés par la modernité urbaine, l’accès simple aux hôpitaux, aux écoles ou à un travail en apparence moins pénible que celui de leurs aînés. Ils sont d’ailleurs souvent appuyés par leurs parents qui leur souhaitent une vie plus confortable que la leur. Si cela peut effectivement être le cas pour ceux qui trouveraient un emploi stable, tout le monde ne s’en sort pas aussi bien, comme le témoigne l’explosion des petits commerces en tout genre dans les villes des pays en développement, où les anciens ruraux vivent jour et nuit de manière très précaire dans des échoppes de quelques mètres carrés. L’éloignement des jeunes peut de plus altérer les liens familiaux, valeur très forte dans les villages où nous nous sommes rendus et où toutes les générations sont en général très soudées. Nous voyons donc apparaître un paradoxe : le développement que l’on jugeait indispensable pour le mode de vie peut réellement mettre en péril la pérennité de celui-ci en le rendant peu à peu obsolète. D’un côté on améliore la qualité de vie, l’éducation, les soins ou l’hygiène, et de l’autre on risque de perdre l’autonomie, l’identité culturelle, les valeurs ancestrales et les liens forts avec la nature et la famille, A l’extrême, on pourrait se demander pour le cas d’un mode de vie traditionnel qui « fonctionne » et dans lequel les besoins vitaux sont satisfaits, s’il ne vaut pas mieux préserver cet équilibre en refusant les améliorations de qualité de vie. Alors, que nous disent les villageois ? On s’en doute, nous avons constaté une volonté de profiter de ces évolutions modernes, souvent appuyée par un manque de recul qui empêche les villageois de mesurer toutes les conséquences d’un développement non contrôlé. Les plus jeunes y sont évidemment plus attirés que les anciens. Mais ce désir n’est pas partagé par tout le monde. Les villageois sont souvent attachés à leur village et leur mode de vie qui comporte des avantages certains, et ils ne sont pas tous prêts à en changer radicalement. On peut donc naturellement se poser la question de la compatibilité à long terme entre un mode de vie traditionnel et un accès au progrès. Nous pensons que la difficulté pour les villageois est de trouver un équilibre, c’est-à-dire savoir se contenter d’un certain degré de modernité tout en préservant les richesses culturelles et la simplicité du mode de vie. Cette décision doit être prise par eux-mêmes et par extension par les gouvernements concernés, la difficulté étant que les inconvénients du développement sont souvent moins visibles et moins immédiats que les avantages. Peut-être est-ce une tendance naturelle de l’homme de devoir expérimenter des choses pour apprendre de ses erreurs. Peut-être faut-il aller trop loin dans le développement avant de prendre réellement conscience des valeurs et des richesses laissées de côté.
TransmongolienIrkutsk - Dialogue sur Terre
TransmongolienIrkutsk – Dialogue sur Terre
Les problèmes auxquels font face les villageois dès le début de leur développement existent partout dans le monde à des échelles plus grandes : l’exode rural, la mondialisation de la culture, les grands défis écologiques, etc. Nos expériences nous amènent à réfléchir sur nos propres modes de vie – car c’est bien ça le but de notre projet. Pris dans les flots du progrès technologique, avons-nous pris le temps de nous interroger sincèrement sur toutes les conséquences qu’il a entraînées sur nos vies ? Tous les éléments de modernité ne sont peut-être pas bénéfiques si ils atténuent au final les rapports humains ou nous font perdre des valeurs qui permettent de nous épanouir, comme la solidarité ou l’hospitalité. Pensons par exemple aux personnes âgées qui chez nous finissent leur vie isolées, ou à la perte dans nos villes de commerces de proximité face aux supermarchés, nous privant un peu plus de rapports sociaux. Notre mode de vie est totalement déconnecté de la nature au point que l’on en oublie que c’est elle qui nous fait vivre, notre système apportant l’illusion que les ressources à l’échelle de la planète sont illimitées. Nous n’affirmons pas qu’il faille forcément retourner s’isoler dans les campagnes pour cultiver son champ. Pour nous la bonne réponse passe par la sobriété : arrêter les gaspillages des ressources, ne pas en vouloir plus que ce dont on a réellement besoin. Et pour ça, il faut peut-être redéfinir nos priorités. Est-ce de gagner de l’argent, ou est-ce, comme on l’a entendu tant de fois durant notre voyage, de profiter de sa famille ou d’être en bonne santé ? Apparemment la question se pose pour certains de nos concitoyens qui s’investissent bien plus dans leur travail que dans leur famille, parfois au détriment de leur santé. La richesse matérielle et le progrès ne devraient pas être des fins en soi : ils devraient plutôt être considérés comme des outils aidant à vivre mieux. Ainsi, nous pensons qu’il est possible d’évoluer vers un mode de vie qui intègre avec intelligence des éléments de modernité sans en oublier les valeurs humanistes et les liens avec la nature, dont émanent toutes nos richesses. Les problèmes écologiques que notre société engendre seraient alors résolus naturellement.

 

Ludovic
Ingénieur en génie diplômé, il a passé 6 mois au Chili dans le cadre de ses études. Il a ainsi découvert la culture sud-américaine. Pianiste passionné, il met à profit ses talents musicaux en participant à des projets artistiques divers (chorale,musique trad’, musique de chambre…). Fermement rallié à la cause écologique, il veille à préserver la planète en s’investissant au quotidien.

Langues : espagnol, anglais, notions d’allemand.

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