Le développement durable, un enjeu majeur pour aujourd’hui et pour demain. Les chercheurs de Le Mans Université y travaillent ! Mettre au point des solutions concrètes pour endiguer la détérioration de la nature, obtenir des indicateurs fiables, améliorer les conditions de vie des individus et permettre une conscience environnementale commune, voilà les objectifs auxquels ces projets développés en laboratoires tentent de répondre.
La pollution des océans : le plastique en ligne de mire
– avec Fabienne Lagarde, de l’Institut des Molécules et des Matériaux du Mans Soixante ans de société de consommation et d’industrialisation ont fait de la Terre une déchetterie à ciel ouvert. En cause notamment, un matériau aussi nocif qu’incontournable : le plastique. Plus exactement les micro-plastiques, qui sont le fruit de sa lente, très lente, dégradation. À l’Institut des Molécules et des Matériaux du Mans (IMMM – UMR CNRS 6283), l’équipe de Fabienne Lagarde cherche à savoir comment les caractériser, pour mieux en comprendre les risques et en anticiper les impacts. Le plastique, c’est catastrophique ! Air, sols, glaces, sédiments… Il y en a partout et particulièrement dans l’océan, si bien qu’on parle aujourd’hui du « septième continent… ». Une étude parue dans PLoS ONE fin 2014 faisait état de 5.250 milliards de micro-fragments de plastique flottant à la surface des océans. Cela représente près de 270 000 tonnes de plastique. Des quantités encore plus importantes sont probablement immergées dans les fonds océaniques, où ces polymères (matériau à partir duquel est fabriqué le plastique) se dégradent très lentement ; tandis qu’au bout de quelques mois, ceux qui sont restés à la surface et sur la terre vont se fragmenter sous l’effet du soleil ou de l’érosion et générer des micro-plastiques. Problème : la durée de vie d’un polymère est de plusieurs centaines d’années. Le danger vient d’ailleurs, principalement, de sa persistance dans le temps. Visible à l’oeil nu C’est en 2013 que Le Mans Université se saisi du sujet, qui n’en est alors qu’à ses balbutiements en France. Nanoplastics, le projet emmené par Fabienne Lagarde au sein de l’IMMM a vu le jour en 2015. Il a été parmi les premiers, émanant d’un laboratoire des matériaux, à étudier la formation des micro-plastiques. Considérés comme une pollution diffuse, au même titre que le plomb ou l’arsenic dans d’autres matrices géologiques, les micro-plastiques ont quant à eux la particularité d’être visibles à l’oeil nu. Vieillissement accéléré Cinq laboratoires français, et plus d’une dizaine de chercheur·e·s référent·e·s, travaillent autour de Fabienne Lagarde sur le projet Nanoplastics. Parmi des centaines de plastiques aujourd’hui sur le marché, ils·elles étudient plus spécifiquement les polyétilènes et les polypropilènes, qui sont les plus répandus. En laboratoire, les scientifiques créent leurs propres plastiques. Ils·elles les font ensuite se dégrader selon un processus accéléré de vieillissement, dans des conditions les plus naturelles possible, c’est à dire en y induisant des variations de température, d’humidité, de milieu etc. Puis, ils·elles observent, grâce à des spectromètres et des microscopes, les étapes de dégradation du plastique. « Il se fragmente plus vite que nous le pensions » explique la coordinatrice du projet. Malgré tout, plusieurs mois et le concours de différentes disciplines (physique, chimie, biologie…) sont nécessaires pour commencer à générer des résultats. Identifier, comprendre, prévoir Les travaux menés à Le Mans Université s’articulent selon deux axes : l’identification des plastiques retrouvés dans l’environnement et la compréhension de leurs mécanismes de dégradation. Comment retrouver les plastiques dans l’environnement ? Comment les caractériser ? Comment se sont-ils formés ? Quelles interactions ont-ils avec l’environnement et les autres polluants ? Et que vont-ils devenir ? Les réponses à ces questions sont autant d’étapes ayant pour objectif final la mise au point de matériaux de substitution ayant moins d’impacts sur l’environnement. Car s’ils peuvent avoir une dangerosité directe, pour la faune notamment qui les ingère et s’étrangle régulièrement avec, les déchets plastiques pourraient aussi présenter une toxicité pour les écosystèmes et pour l’homme. Les chercheur·e·s commencent à peine à soupçonner des impacts dus à des expositions de long terme. Se pose également la question des additifs contenus dans les plastiques, par exemple les molécules ignifugeantes, dont le potentiel toxique, bien qu’encore inconnu, est à considérer. L’ONU estime que 70% du plastique en mer finira par couler vers les profondeurs. Les océans sont par ailleurs le cimetière de millions de containers et d’épaves, mais aussi d’autres déchets liés aux catastrophes naturelles, au manque d’assainissement, aux décharges côtières ou autres déchets sauvages. Selon un rapport de la Fondation de la navigatrice Ellen MacArthur au forum économique de Davos en 2014, entre 4 et 12 millions de tonnes de plastique sont jetés à la mer chaque année.
D’ici 2025, la quantité de déchets plastiques entrant dans le milieu marin pourrait être multipliée par dix.Pour aller plus loin >
– « Caractériser le vieillissement et la fragmentation des plastiques pour comprendre leur devenir dans les océans… » – Fanon Julienne, doctorante. La gestion des déchets en temps de crise : au service de l’économie circulaire – avec Mathieu Durand, du laboratoire Espaces & Sociétés En temps normal, la gestion des déchets est un service important pour le fonctionnement des territoires, mais il devient essentiel après une catastrophe naturelle. En occident, elle est intégrée aux politiques publiques. Pour en faire des actions durables, il faut pouvoir adapter la gestion des déchets à l’espace concerné. Mathieu Durand est urbaniste, géographe au sein du laboratoire Espaces et Sociétés (ESO – UMR CNRS). En 2017, l’ouragan « Irma » ravage une partie des îles de Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Anguilla et les Iles Vierges. Il éprouve sévèrement la côte nord de Cuba et oblige la Floride à mettre en place une évacuation de plus de six millions d’habitants. C’est dans ce contexte que naît le projet DéPOs (Déchets post-ouragan – ndlr). Les sciences humaines et sociales au service du développement durable Agro-écologie, reforestation, biodiversité, transports… Le développement durable est fortement ancré au laboratoire ESO (UMR CNRS). D’ailleurs, l’Université, pionnière, travaille sur la problématique des déchets depuis les années 70 (le terme « rudologie » n’a-t-il pas été inventé par Jean Gouhier à l’Université du Mans ?). C’est donc logiquement que le laboratoire a été impliqué dans ce projet de recherche, piloté par l’Université de Marne-la-Vallée, de même que l’association parisienne Robin des bois et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFFSTAR). DéPOs s’intéresse à la spatialisation des risques ainsi qu’aux actions de résilience permises par la planification et l’adaptation des organisations en place face à des contraintes exceptionnelles. Le travail se fait principalement sur le terrain, en co-construction avec les partenaires locaux. Collectes d’informations, d’artefacts, entretiens, enquêtes auprès de la population, identification des flux de déchets… Tous ces éléments permettent d’établir une cartographie des « métabolismes territoriaux ». Vers plus de recyclage et d’économie circulaire En quoi est-ce urgent, après une crise, de traiter les déchets ? À court terme, il s’agit de garantir l’accès des secours et de limiter les impacts sanitaires et environnementaux. Dans un second temps, c’est le redémarrage économique du territoire qui ne doit pas être entravé. Les enjeux de développement durable arrivent ensuite. Or, en inversant l’ordre des priorités, on simplifie l’intendance en période de crise. L’enjeu de ces études est de plus en plus prégnant car les budgets sont en baisse et les risques de catastrophes, en hausse. En de nombreux endroits encore, la gestion des déchets consiste à les évacuer en dehors de la ville. Aujourd’hui, il faut voir plus loin, ne plus considérer le déchet comme une finalité mais comme une étape avant transformation. C’est le principe de l’économie circulaire. En la matière, les pays du Sud ont beaucoup à nous apprendre. Dans ces régions, les lacunes de recyclage liées au manque de structures accélèrent la mise en place de circuits de gestion alternatifs. Ces processus, pas toujours étiquetés « développement durable », en sont pourtant bel et bien. Les travaux de Mathieu Durand, en mettant en lumière à la fois les lacunes de gestion dans différentes zones du globe mais aussi des outils stratégiques variés, ont vocation à compiler des ressources afin de pouvoir repenser la façon dont nous consommons, dont nous nous déplaçons, dont nous produisons. Au Maghreb, la gestion de l’eau pour contrer le changement climatique – avec Yamna Djellouli, du laboratoire Espaces & Sociétés Au Maghreb, sécheresses, coupures d’eau et inondations provoquent de nombreux dégâts aux conséquences parfois mortelles. La ressource vitale est à la fois en voie de raréfaction et de dégradation. Au laboratoire Espaces et Sociétés (ESO – UMR CNRS), Yamna Djellouli travaille, avec les acteurs locaux en charge de la gestion de l’eau, à l’intégration de modèles de gestion de l’eau durables et adaptés aux secteurs d’activité impactés par le changement climatique. En plus d’un climat méditerranéen semi-aride, d’une démographie en forte croissance et d’une gestion parfois discutable de la ressource par les autorités, une compétition s’est installée entre les divers usages de l’eau (agricole, touristique, industriel et domestique), faisant de cette région du globe un révélateur du réchauffement climatique. Renouveler les repères et les modèles Depuis 2017, Le Mans Université, l’Université de Francfort, l’Institut pour le climat de Postdam (PIK), l’Unesco en Allemagne, mais aussi l’Université de Vienne en Autriche et le Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD) de Paris se sont associés dans le cadre du projet européen Co-Micc (Co-development of methods to utilize uncertain multi-model based information on freshwater-related hazards of climate change – ndlr), dont les travaux s’articulent autour de la gestion de l’eau douce au niveau mondial, en général et avec l’exemple du Maghreb en particulier. Comment les administrations, les ministères du M.A.T (Maroc, Algérie, Tunisie – ndlr) gèrent-ils l’eau ? Selon quelles stratégies ? Telles sont les premières questions que les travaux en cours tentent de défricher grâce à une série d’ateliers à destination des organes gestionnaires. Plus qu’un état des lieux, ce recueil de données a pour objectif d’injecter les différents paramètres climatologiques et hydrologiques dans les pratiques afin d’en assurer une utilisation durable. Les sciences « participatives » au service du développement durable Les études portent également sur le fonctionnement de trois bassins versants : Moulouya au Maroc, Sétif en Algérie et Amne Djerba en Tunisie. Au Maghreb, contrairement à ce que l’on peut observer en France, les rivières ne sont pas pérennes, le défi consiste donc à optimiser la ressource quelle que soit la période de l’année. Le climat méditerranéen, déjà soumis à une forte variabilité pluviométrique, est devenu imprévisible. Les outils en place ne sont plus adaptés, de quoi faire perdre leurs repères aux agriculteurs les plus chevronnés. Ces derniers, passée la barrière spirituelle parfois, sont d’ailleurs parmi les premiers à faire le constat du changement climatique, contraints depuis peu d’irriguer leurs parcelles… Administration, environnementalistes, agriculteurs, industriels, entreprises, associations… L’ensemble des acteurs des territoires concernés est soumis, dans le cadre du projet de recherche, à un questionnaire et à des entretiens. La gestion de l’eau douce au Maghreb passera impérativement par la mobilisation de la ressource, par davantage de transferts hydrauliques et de traitements de l’eau. Dans ce contexte, santé environnementale et santé publique sont intimement liées. Un constat : avant de gagner les politiques publiques, les actions en faveur du développement durable se traduisent, sur le terrain, par une série de réactions spontanées face aux vicissitudes du climat. Elles constituent le socle des innovations sociales à venir.
La paléoglaciologie pour prédire la fonte des glaces ?
– avec Edouard Ravier, du laboratoire Géosciences La fonte des glaces… Un sujet brûlant, dans le contexte actuel de réchauffement climatique. Pour la première fois, des données paléoglaciologiques recueillies sous des calottes glaciaires aujourd’hui disparues par l’équipe d’Édouard Ravier, chercheur sédimentologue au laboratoire Géosciences (LPG – UMR CNRS) de Le Mans Université, permettent d’étudier les processus d’effondrement des calottes glaciaires en période de réchauffement climatique. D’après un large panel de spécialistes, la Terre vit sa plus forte période de chaleur depuis 2 000 ans. L’accélération de la fonte des glaces semble dès lors inéluctable. Si nous en percevons les premiers effets (hausse du niveau marin, modifications des courants océaniques et de la chaîne trophique à l’échelle globale…) nous en connaissons mal les mécanismes. Alors que le dernier âge glaciaire s’est achevé il y a environ 20 000 ans à la suite d’un réchauffement climatique global, nous manquons encore de données historiques solides et de modèles pour prédire avec précision les conséquences d’un nouveau bouleversement climatique sur nos calottes glaciaires. Pour découvrir ce qui se passe sous la glace durant ces périodes et savoir quelle était alors la dynamique d’écoulement et de fonte des glaciers, il faut pouvoir combiner données paléoglaciologiques et expériences de modélisation physique. Confronter les données de modélisation physique et paléoglaciologiques En 20 000 ans, les glaciers n’ont pas changé de modèles de fonctionnement. Ce qui a changé, c’est la vitesse à laquelle ils fondent. Pendant les périodes de changements climatiques, le rétrécissement de la calotte glaciaire est contrôlé par la dynamique de couloirs étroits où la glace s’écoule beaucoup plus rapidement que dans le reste de la calotte notamment en raison de la présence d’eau qui lubrifie la base du glacier. « Un peu comme la dérive d’un morceau de beurre qui fond dans une poêle », comme se plaît à le rappeler Édouard Ravier.C’est en 2019 que le projet Ice Collapse voit le jour, pour une durée de quatre ans. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), il a notamment permis à Édouard Ravier de continuer le développement d’un système de reproduction des calottes glacières en laboratoire unique au monde entrepris il y a maintenant 4 ans sous l’impulsion de la Région Pays de la Loire et de Le Mans Université. Cette opération permet de simuler des phénomènes naturels à plus petites échelles et en accéléré. La glace est remplacée par de la silicone sous laquelle on injecte de l’eau afin de mimer l’influence de l’augmentation de la production d’eau de fonte sur la dynamique d’écoulement d’une calotte glaciaire. Les différents scénari obtenus sont notamment immortalisés par photogrammétrie pour obtenir des modèles 3D directement comparables aux modèles numériques de terrain disponibles à la surface du globe. Déterminer la dynamique passée et actuelle des glaces Réparti dans quatre pays (France, Angleterre, Ecosse, Canada), ce projet ANR « jeune chercheur » implique d’ores et déjà six laboratoires et une zone privilégiée de recherches : l’Alberta au Canada, où deux anciens couloirs d’écoulement rapides de la glace, drainant une gigantesque calotte recouvrant une bonne partie de l’Amérique du Nord il y a 20 000 ans, ont été repérés. L’étude de cette région doit permettre non seulement de tirer des probabilités comportementales de la glace sur le reste du globe durant la dernière glaciation et peut-être sur la période actuelle. En rapprochant les expériences effectuées en laboratoire et les analyses de terrain, Édouard Ravier et son équipe proposent une approche scientifique unique pour répondre à cette problématique aux véritables enjeux sociétaux et économiques. Le but de ces travaux est d’établir un modèle spatial et temporel d’effondrement des calottes glaciaires en période de réchauffement climatique. Ils visent prioritairement à reconstruire l’origine, la chronologie et les processus de d’effondrement des courants glaciaires le long de la calotte glaciaire nord-Américaine. La combinaison de données expérimentales et paléoglaciologiques doit également contribuer à l’établissement de nouvelles lois semi-empiriques, qui permettront d’affiner les schémas prévisionnels à long terme, y compris les plus alarmistes. Pour aller plus loin > – Le projet ANR ICE Collapse – Interview d’Édouard Ravier La littérature pour éveiller les nouvelles générations à l’écologie – avec Nathalie Prince du laboratoire Langues, Littératures, Linguistiques des universités d’Angers et du Mans Étayer la recherche autour de l’éco-critique et analyser les rapports entre la littérature jeunesse et l’écologie, telle est la vocation du projet régional EcoLije, mené par Nathalie Prince, professeure de Littérature Générale et Comparée au laboratoire 3L.AM (Langues, Littératures, Linguistiques des universités d’Angers et du Mans). Convertir des chercheur·e·s à de nouvelles thématiques, c’est l’ambition des « paris scientifiques régionaux » des Pays de la Loire, dont a bénéficié en 2014 le groupement de recherches EcoLitt. Au sein de ce projet, EcoLije intègre le développement durable aux recherches dédiées à la littérature jeunesse. Porté par le Centre d’Études et de Recherches Imaginaire, Écriture, Culture (CERIEC) d’Angers, il associe deux laboratoires : l’AMo (L’Antique, le Moderne) à Nantes et le 3L.AM d’Angers et du Mans. Eco-graphies. Écologie et littératures pour la jeunesse (Nathalie Prince et Sébastian Thiltges dir.), PUR, 2018 en est la restitution complète. Pédagogie, écologie… Ouverture d’esprit Développer une conscience environnementale, éveiller l’esprit critique, donner aux enfants la possibilité de devenir acteurs et actrices de la transition… Les ambitions de la littérature écologiste et écologique (certains livres sont biodégradables) sont des plus louables. Les auteurs et les autrices ne tarissent d’ailleurs pas d’imagination pour inventer des formats participatifs, toujours au service de la didactique. En témoignent des ouvrages comme Dans la forêt du paresseux – en relief, à manipuler – d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud ou encore Justine et la pierre de feu – dont les choix de l’enfant déterminent le scénario final – de Marcus Pfister. Il s’agit de favoriser l’ouverture sur le monde : les thèmes choisis dans les récits étudiés ne sont pas systématiquement rattachés aux pays dans lesquels ils sont contés. En Grèce par exemple, la littérature jeunesse s’est penchée sur le cas des flamands roses de Camargue ! En cela, l’écologie constitue une porte d’entrée pour d’autres thématiques. Impossible d’amener le développement durable sans traiter le sujet des inégalités. Ainsi cette littérature possède une large cohorte d’héroïnes et fait la part belle à la diversité. Des études pionnières en Europe Né dans les années 70, le mouvement éco-critique est une nouvelle façon de lire et d’envisager l’inquiétude environnementale. Très étudié outre-Atlantique, c’est un sujet nouveau en Europe, qui plus est via le prisme de la littérature jeunesse, axe prioritaire des chercheur·e·s du laboratoire 3LAM. Il intègre un large panel de sciences humaines : de la philosophie à la sociologie, en passant par la littérature, l’histoire, la géographie et la psychologie.
Depuis quand la littérature jeunesse est-elle investie en matière d’écologie ? Quels en sont les thèmes et les motifs ? Y a-t-il des genres privilégiés pour dire l’écologie ? Avant de mesurer l’impact de cette thématique sur les futures générations, l’objectif de ces travaux comparatistes est un état des lieux des tendances à échelle européenne, prioritairement des ouvrages français, espagnols et allemands.
Traiter un sujet comme l’écologie auprès du jeune public invite à interroger l’indicible. Que peut-on dire aux enfants ? Ces derniers sont-ils des êtres coupables ou durables ? Autant de points philosophiques voire idéologiques, soulevés en filigrane et perceptibles par les adultes, à qui ces ouvrages sont finalement aussi destinés.
Les enjeux de la réduction du bruit
– avec Jean-Philippe Groby du Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Mans Thématique méconnue du champ du développement durable, l’acoustique a pourtant un vrai rôle sociétal à jouer : réduire l’impact du bruit sur les personnes. C’est en tout cas l’une des ambitions du projet DENORMS (Designs for Noise Reducing Materials and Structures), diligenté par Jean-Philippe Groby, physicien acousticien au Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Mans (LAUM – UMR CNRS). Le silence est devenu un luxe ! Partout dans le monde, le bruit est de plus en plus important et ses impacts potentiels sur la santé, physique et mentale, ne sont plus à démontrer. Cette évolution est due en grande partie au développement industriel. En France, l’arrêt temporaire du chantier du « Grand Paris » à cause, notamment, des nuisances sonores est symptomatique des désagréments occasionnés mais les aéroports, les zones industrielles, les autoroutes, les chantiers sont autant de secteurs concernés par ces problématiques. En acoustique, la recherche fondamentale prime Avant d’élaborer de nouveaux matériaux, il est nécessaire de comprendre la façon dont le son se comporte dans des environnements variés. C’est d’ailleurs la première mission du LAUM, essentiellement composé de physicien·ne·s. Si le projet DENORMS comporte effectivement un volet « innovation » sollicitant ponctuellement les sciences des matériaux (pour la fabrication), la psycho-acoustique (pour la perception), l’architecture, ou encore les transports, la majeure partie de la recherche en acoustique est fondamentale. L’émergence de ce projet réside également dans la volonté de regrouper les recherches qui se faisaient dans le domaine des matériaux poreux et les récents travaux sur les méta-matériaux, pour former un réseau international de compétences dédiées au développement d’éléments qui absorbent mieux, qui vibrent moins, plus légers et plus fins. Les méta-matériaux évoqués précédemment, correspondent néanmoins à une tendance. Ils sont parfois inspirés de ce qui se fait dans la nature, mais nécessitent encore des ajustements ou des adaptations humaines. C’est le cas par exemple d’expérimentations telles que des murs antibruit en bambou ou encore l’utilisation de ballots de paille pour isoler une maison. Tout l’enjeu est là : pour répondre au mieux aux problématiques de développement durable, il faut trouver un matériau naturel, qui n’aurait pas besoin d’être modifié pour être efficace. Concevoir des matériaux et des structures multifonctionnels DENORMS est financé par la plus vieille association intergouvernementale d’Europe, COST (European Cooperation in Sciences and Technology – ndlr), dont le but est d’inclure des pays émergents dans des réseaux de recherches internationaux. Des écoles thématiques, des workshops et autres temps d’échanges entre chercheur·e·s et ingénieur·e·s d’un pays à l’autre, ont été mis en place. Pour l’heure, le projet totalise une vingtaine d’échanges par an sur des missions spécifiques, en priorité dans des pays en développement. Aujourd’hui, DENORMS fédère 28 pays et 130 institutions, principalement des laboratoires et des entreprises, autour de la conception de matériaux et de structures multifonctionnels, aux capacités d’isolation et d’absorption maximisées. Ces objectifs correspondent aux contraintes des entreprises des secteurs de l’aviation, de l’automobile et du bâtiment notamment, intégrées à l’étude. Fondé en 1981, le Laboratoire d’Acoustique de l’Université du Mans compte aujourd’hui parmi les plus importants d’Europe.Impacts économiques du changement climatique, croissance, inégalités et bien-être
– avec François Langot, du laboratoire GAINS Quel est le coût économique prévisible du réchauffement climatique pour notre planète ? Comment favoriser la croissance mondiale dans un cadre durable et sain, c’est à dire garantissant un accès équitable à l’éducation, à la santé et plus largement aux richesses ? A défaut de déterminer une solution unique à ces questions cruciales, les travaux de François Langot ont pour but de fournir des outils permettant le chiffrage des différentes alternatives politiques pouvant favoriser une croissance verte.« Il ne faut pas opposer la lutte contre le changement climatique à la croissance économique mais au contraire utiliser le levier de l’innovation dans les technologies énergétiques pour relancer la croissance et l’emploi sur de nouvelles bases. » (conclusion du rapport Nicolas Stern, 2006)La modélisation au cœur des systèmes de prévisions économiques L’économie quantitative est conditionnée aux données recueillies et astreinte, en l’occurrence, au cadre scientifique. La diffusion du CO2 dans l’atmosphère, l’analyse des échanges économiques mondiaux ou encore les contraintes de productions des activités observées sont autant d’éléments physiques, tangibles, mesurés, que François Langot et son équipe confrontent aux mécaniques économiques ainsi qu’à notre trajectoire historique. Objectif : en tirer des modèles mathématiques permettant d’évaluer différents scénarios, et ainsi prévoir le coût de l’adaptation au changement climatique. Si le projet est porté par les sciences économiques, il fait aussi appel aux mathématiques et aux sciences du numérique. Ces travaux doivent permettre de mettre des chiffres devant chacune des décisions que pourront prendre les différents protagonistes.
1 050 milliards d’euros, le coût global du changement climatique à l’horizon 2100 (Rapport du GIEC, 2014)Accompagner et inciter les différents acteurs Dans un monde globalisé, l’économie et ses problématiques sont globalisées ! C’est pourquoi, selon l’économiste, la transition écologique imposée par le changement climatique doit être étudiée à échelle mondiale : « Le tri des déchets c’est une chose, nécessaire, mais c’est sans commune mesure avec l’utilisation journalière du charbon ou du pétrole ». Les modèles de projections mis au point dans le cadre du projet piloté par François Langot dessinent donc une nouvelle carte du monde, ou chaque pays est caractérisé et catégorisé au regard de ses ressources, de ses capacités voire des comportements alternatifs déjà en place et à valoriser.
Si nous parvenons à convaincre les entreprises et in fine à orienter les politiques publiques alors il sera possible d’aller, c’est la vocation de ce projet, vers une plus juste contribution à l’effort écologique, en proposant un panel de dispositifs d’accompagnement et d’incitation au développement durable. François Langot est spécialiste d’économie quantitative. En 2019, il a lancé le projet « Impacts économiques du changement climatique, croissance, inégalités et bien-être » au sein de l’Institut du Risque et de l’Assurance de l’Université du Mans. L’étude, qui en est à ses balbutiements est aussi une opportunité : celle de contribuer à longue tradition de travaux entamés dès les années 70 et récompensés en 2018 par le prix Nobel d’économie obtenu par William Nordhaus et Paul Romer. Nordhaus a été récompensé pour avoir intégré le changement climatique aux analyses économiques de la croissance.
Il est membre du laboratoire GAINS. Droit international et lutte contre les changements climatiques – avec Sabrina Robert-Cuendet, du laboratoire de droit Themis-UM A l’automne 2018, les États participants à la COP 24 de Katowice, en Pologne, débattaient et tentaient de s’entendre afin de mettre en place un accord pour contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C d’ici à 2030. Définition des territoires, déplacé.es climatiques, responsabilités dans la montée des eaux ou la dégradation de la qualité de l’air : comment le droit peut être un outil dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
« Le problème du changement climatique est assez peu abordé chez les juristes. Il reste un sujet réservé aux économistes, politiques ou scientifiques. Au mieux, ce sont les spécialistes de droit international qui s’en sont saisi.es. Il s’agit pourtant d’un phénomène social auquel le droit ne peut rester insensible tant il bouleverse la manière de le penser. » Mathilde Boutonnet, Maître de conférence, responsable de la Chaire CNRS de Droit de l’Environnement (interrogée par village-justice.com en décembre 2015- ndlr).Aller au-delà des recommandations. Le droit international actuel est encore basé sur ce qui a été mis en place après la seconde guerre mondiale. Sabrina Robert-Cuendet et son équipe considèrent le changement climatique comme un bouleversement de même ampleur et appellent donc à rebattre les cartes. Quels sont les principes historiques pertinents ? Quels sont ceux qui ne le sont plus ? Que faut-il changer dans le système juridique international pour inciter les pouvoirs publics à prendre en compte le changement climatique, alors même que les orientations délivrées lors des traités internationaux (Paris, Kyoto etc.) peinent à se concrétiser ? Les enjeux se situent tant dans l’élaboration du DI que dans son enseignement. De même que la lutte contre le réchauffement climatique est interdisciplinaire, les travaux pilotés par Sabrina Robert-Cuendet sont au carrefour du droit de l’environnement, du droit économique, du droit de la sécurité ou encore des droits de l’Homme. « En avril 2018, en Colombie, l’Amazonie a été reconnue comme personne et sa protection a été renvoyée à des plans municipaux, nationaux et inter-générationnels. (…) Renvoyer à une organisation territoriale (…) la gestion de cette entité, c’est aller au-delà du bien commun, c’est aller vers une action collective ensemble, pour protéger cet élément qu’on a reconnu comme devant être protégé par tous.» Judith Rochfeld, professeure de droit privé à La Sorbonne et autrice de Justice pour le climat – Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne (Ed. Odile Jacob), sur rtbf.com – ndlr) Vers un droit international moins anthropocentrique ? Le droit est-il actuellement un moyen de contrainte suffisant en matière de protection de l’environnement? Normes coutumières, volonté des États, décisions de justice, recommandations diverses… D’après Sabrina Robert-Cuendet les instruments juridiques sont à notre disposition, mais il manque souvent la volonté politique. Or, il est difficile de faire évoluer le DI sans une politique climatique globale, qui souvent passe par une redéfinition des statuts et donc de la place de l’humain. Plutôt que d’élaborer des sanctions, il s’agit de faire du DI un levier incitatif. Tandis que fleuri l’expression « justice climatique », il est intéressant d’observer comment la société civile se saisi du droit pour faire plier les décideurs. Ce n’est pas un hasard si en 2017, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a appelé au développement d’une spécialisation des juges et des juridictions sur les questions environnementales. Juriste en droit international (DI) public, Sabrina Robert-Cuendet s’est spécialisée en relations internationales, environnement et DI économique. Intitulé « Changements climatiques et nouveaux paradigmes du droit international » et lancé en 2018, son projet de recherche tend à redéfinir, à relire et à adapter certains pans du DI à l’aune de ce nouveau paradigme qu’est le changement climatique. La thématique est inédite, elle implique une vingtaine de chercheur.euse.s en France, en Belgique, au Canada et aux États-Unis avec en ligne de mire, la rédaction d’un manuel de droit international pour 2021. Elle est membre du laboratoire de droit Themis-UM.
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