Les derniers épisodes caniculaires nous confirment l’urgence climatique de notre époque. Et face à ce constat, le végétal a un rôle central à jouer. En plus de préserver la biodiversité, il contribue au rafraichissement des espaces, à l’infiltration de l’eau, à la dépollution de l’air et des sols, au stockage de CO2 … La protection, la restauration et la gestion durable des écosystèmes végétaux sont essentielles à l’action climatique. Nos lieux de vie et aménagements urbains sont plus agréables et surtout plus résilients face aux aléas climatiques. Les élus locaux doivent déployer des politiques d’aménagement plus vertueuses. Végétaliser oui, mais comment ? Quelles espèces privilégier ? Comment gérer l’eau et les sols ? Quel type de végétaux favoriser dans des espaces fortement bâtis et laissant peu de place ? Autant de questions auxquelles VALHOR, l’Interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage, et sa communauté d’experts apportent des éclairages dans ce dossier, réalisé en partenariat avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.
AMÉNAGER LA VILLE PAR LA NATURE
Les derniers épisodes caniculaires ont renforcé la nécessité d’une approche écologique concrète dans laquelle la nature apporterait, en plus de la biodiversité ou de la beauté, des compétences techniques, de rafraîchissement, d’infiltration, de dépollution de l’air et des sols, de stockage de CO2, de lutte contre l’anxiété… L’ensemble de ces services fournis par la nature, au cœur de nos villes, rendent nos lieux de vie, nos aménagements urbains, plus agréables, mais aussi plus efficaces et plus résilients face aux aléas climatiques. Mettre le paysage au service d’un meilleur fonctionnement des villes implique de replacer au centre des débats et des enjeux l’humain, les habitants, la cité et ses usages. En effet, nous n’adaptons pas nos villes pour protéger la nature, mais pour celles et ceux qui y habitent, y travaillent ou les fréquentent. Les stratégies de végétalisation massives qui en découlent seront évidemment différentes si elles concernent les lieux d’habitat, les lieux de travail ou la constitution d’itinéraires de fraîcheur par exemple. Pour utiliser au mieux l’intelligence de la nature et adapter nos villes au réchauffement climatique par des solutions végétales, il faut inverser les regards sur notre façon de concevoir les projets. Nous devons partir de l’eau, privilégier la préservation de la ressource par de l’infiltration de surface et utiliser nos espaces verts pour cela. Il faut ensuite sélectionner des arbres adaptés au milieu urbain et les planter dans ces nouveaux cheminements de l’eau pour garantir la pérennité des services qu’ils vont produire et dont nous aurons tant besoin. Cette infrastructure verte, qui peu à peu se dessine en ville, saupoudrée au cœur de nos tissus urbains, au plus près de ceux qui en ont le plus besoin, change les regards sur les réponses à adopter en termes de gestion de la densité urbaine, de maîtrise de l’artificialisation (ZAN), de meilleur confort thermique, d’accueil de la biodiversité etc. 80 % de nos villes sont privées, 20 % publiques. Toutes les composantes de la ville doivent être mises à contribution. Si l’élu a la capacité d’agir sur le foncier public, il faut aussi mobiliser les particuliers et les entreprises dans une logique de préservation de l’ensemble des surfaces déjà végétalisées. Les maisons et leurs jardins urbains représentent 60 % des parcelles cadastrales et 70 % des arbres matures. Ce patrimoine végétal est un atout considérable pour affronter les chocs climatiques à répétition. Préparer l’avenir suppose de placer le végétal environnemental et ses ressources au cœur des projets. Les solutions simples existent, elles sont souvent végétales. Découvrez-en quelques-unes.
LE VÉGÉTAL, UNE RÉPONSE À LA DENSITÉ URBAINE
Végétaliser oui, mais comment ?
Au-delà du traditionnel jardin ou parc, comment intégrer les plantations à proximité, voire en symbiose avec les bâtiments ? Alors que la densité urbaine ne fait que s’accroître, comment gérer les contraintes de la nature en ville et expérimenter de nouveaux dispositifs ? La densité urbaine appelle à planter davantage les vides de la ville mais c’est paradoxal ! À côté des traditionnels espaces plantés que sont les rues, les places ou les parcs, il faut désormais s’approprier de nouvelles réserves foncières, tant publiques que privées. Si ces dernières années, de nombreuses villes ont commencé à « débitumer » certaines voiries au profit des espaces verts, la réserve foncière la plus importante réside à présent dans les espaces privés : les cours à planter et les jardins à préserver.« Dans les deux cas, l’objectif est de prolonger dans les interstices de la ville le réseau d’espaces plantés publics et de contribuer ainsi à toutes les échelles (l’îlot, le quartier, la cité) à réduire les îlots de chaleur et à favoriser la biodiversité, bénéfices entre autres de la présence du végétal en milieu urbain », explique Michel Audouy, spécialiste de l’histoire du paysage et paysagiste concepteur.Même un arbre unique dans une cour jusque-là minérale a son rôle à jouer. Ces plantations contribuent aussi à prévenir les inondations et/ou à atténuer la pollution atmosphérique et phonique. De manière générale, les contraintes liées à une végétalisation de proximité sont essentiellement d’ordre technique : racines, branchages (inadéquation des plantations avec le volume de sol ou aérien disponible), humidité, ombre en hiver… Intégrer les paramètres agronomiques et urbains au cas par cas en amont des projets permet d’éviter dans le temps le tronçonnage des arbres ou les tailles abusives. Une condition indispensable au bon épanouissement des végétaux et à l’appropriation des riverains.
Que planter ?
Tout… Dès qu’on le peut et selon les espaces disponibles : plantes grimpantes le long des murs, arbres ou arbustes lorsque la place est suffisante, prairies dans les délaissés… La désimperméabilisation de certains espaces – autrefois dédiés au stationnement ou à la circulation – doit permettre de créer de nouvelles zones de plantations, à condition de veiller à ce que ce type d’aménagement soit quasi autonome en matière d’arrosage. Cela suppose en particulier de mettre en place des systèmes de récupération des eaux pluviales et de mixer une large palette de végétaux plus économes en eau et de plantes qui jouent davantage un rôle de climatiseur. Il faut autant que possible planter dans les sols et non sur dalle, surtout pour les arbres, afin de procurer une meilleure autonomie à la végétation. Certaines villes, en inscrivant la protection des sols dans leur PLU, foncier privé comme public, semblent avoir pris la mesure de l’enjeu. S’il n’y a pas de sol disponible, on peut avoir recours à la végétalisation des toitures. Néanmoins, ces systèmes nécessitent de se doter de compétences adaptées en termes de choix des végétaux et de gestion.« Les canicules à répétition sont évidemment un argument de plus pour inciter les communes et autres donneurs d’ordre à accélérer la végétalisation des espaces publics et privés, et à l’anticiper dans les plans d’urbanisme. » Michel Audouy, paysagiste concepteur, président des Victoires du Paysage
Comment gérer l’eau et les sols ?
C’est la gestion conjointe de l’eau et des sols qui va assurer la bonne croissance des végétaux et leur pérennité. Les arbres notamment se développeront d’autant plus qu’ils pourront explorer des sols profonds, fertiles, où ils trouveront davantage d’humidité. L’idéal est d’associer la gestion de l’eau aux systèmes de plantation par la création de zones de sols perméables plantés (en général des noues) qui absorbent le trop-plein en cas de pluies abondantes. C’est l’exemple même d’un double usage où l’eau qui tombe sur la voirie est immédiatement utile aux plantes en termes de stockage et de rafraîchissement du sol. Les végétaux qui bénéficient de ces situations passent généralement mieux l’été.« Dans les prochaines années, Il va falloir multiplier les systèmes de récupération d’eau, soit dans des citernes pour arroser pendant la période sèche, soit directement dans des zones plantées aménagées pour recueillir l’eau en provenance des surfaces minérales », précise Michel Audouy qui conclut « on ne peut pas envisager une ville verte, où la végétation a un effet de régulation climatique, si on ne l’installe pas dans de bonnes conditions de sols et d’arrosage ».Le végétal n’est pas une variable d’ajustement : il est au cœur des solutions et la ville peut pleinement compter sur les services écosystémiques rendus par la nature.
BONNES PRATIQUES
COMMENT ARROSER CORRECTEMENT DE JEUNES PLANTATIONS ? Garantir l’arrosage des jeunes arbres au cours des premières années est indispensable à leur survie et leur bonne implantation. Ainsi, ils pourront assurer leur rôle de régulateur climatique, tout en étant plus résistants aux périodes de sécheresse. Dans cette optique, il existe des méthodes simples et efficaces sur les plans financier et humain pour qu’un arbre soit autonome en eau le plus tôt possible. Un jeune arbre a néanmoins besoin d’arrosage au moins deux ans, voire trois.- • La méthode de la « cuvette » : elle consiste à confectionner une cuvette, au diamètre supérieur à celui de la motte (environ 10 à 20 cm de plus). Bien entretenue, elle doit durer de 6 mois à 2 ans et ne nécessite pas la pose d’un drain en plastique.
- • Les bons volumes d’eau : le premier arrosage doit être généreux, sans inonder. Les quantités d’eau apportées doivent être progressives et adaptées à la nature du sol et du climat. Prévoir 100 à 150 litres d’eau par arrosage pour constituer des réserves dans le sol et non en surface.
- • Les fréquences d’arrosage : afin d’assurer un bon ancrage du sujet planté, 6 à 8 interventions par an sont à privilégier. En outre, le « bassinage matinal » (arroser le feuillage des persistants), augmente les chances de reprise de l’arbre de plus de 50 %. Il faut également intégrer les notions d’arrosage préventif pour anticiper les périodes de restrictions.
Arroser un jeune arbre c’est garantir que l’investissement qu’il représente en temps, argent et eau ne sera pas gâché !
RÈGLEMENTATION
NOUVELLES MESURES SUR LES USAGES DE L’EAU Afin d’anticiper les périodes de sécheresse, des mesures de restriction minimales des usages de l’eau ont été fixées par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Elles sont applicables en fonction de quatre niveaux de gravité : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise. Même aux deux derniers niveaux, l’arrosage des arbres et arbustes plantés en pleine terre est autorisé, indépendamment du degré de sécheresse. Une règle qui s’applique aux collectivités, mais également aux entreprises et aux particuliers, en métropole comme en outre-mer.2 ans
C’est désormais le délai après plantation des arbres et arbustes plantés en pleine terre, et non plus 1 an, pour pouvoir les arroser, même en cas de restrictions des usages de l’eau.Pour en savoir plus Guide circulaire de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, mai 2023 Guide circulaire de mise en œuvre des mesures de restriction des usages de l’eau en période de sécheresse, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, mai 2023.