Promouvoir l’esprit d’entreprendre et créer les conditions de la confiance pour innover, pour transformer nos repères historiques et culturels en atouts, tel est l’objectif de la concertation entre les parties prenantes sur un territoire autour d’un projet. De trop nombreux projets de développement économique, qu’ils soient locaux ou nationaux, font l’objet de controverses et parfois de blocages. La concertation entre parties prenantes associée à un processus de prise de décision lisible et présent sur la durée sont les deux conditions indissociables pour créer un climat de confiance et d’intelligence partagée au profit d’un développement de projets créateurs de valeur. Dans son projet d’avis « Concertation entre parties prenantes et développement économique », le Conseil économique social et environnemental recense les bonnes pratiques existantes et formule des propositions concernant les instances de concertation dont le rôle pourrait être clarifié et les synergies recherchées, les outils à développer, les formations à mettre en œuvre, et les modalités pour les compensations à prévoir.
PRESENTATION DU PROJET D’AVIS : « CONCERTATION ENTRE PARTIES PRENANTES ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE » La concertation peut conduire à revisiter les projets. Elle met à l’épreuve leur fiabilité et permet de les améliorer. C’est aussi un moyen de veiller à la cohérence et à la durabilité du développement territorial. Les préconisations de ce projet d’avis de la section des activités économiques présidée par Jean-Louis Schilansky (Groupe des entreprises), rapporté par Mmes Laurence Hézard (Groupe des personnalités qualifiées) et Brigitte Fargevieille (Personnalité associée) sont soumises au vote de l’Assemblée Plénière du Conseil économique, social et environnemental ce 25 Mars 2014.Les enjeux du développement de la concertation
Pour 52% des Français, il n’y a pas assez de démarches de participation dans leur commune et 76% d’entre eux pensent nécessaire de développer les démarches de démocratie participative (source Harris Interactive / Respublica). Paradoxalement, on constate un retrait des citoyens par rapport aux modalités de la participation politique, dont l’abstention serait un symptôme. Le projet d’avis insiste sur l’urgence de développer une culture de la concertation publique, dont les bénéfices sont sans commune mesure avec le coût de sa mise en pratique. Quelle que soit la taille ou le secteur d’activité des projets concernés, la difficulté à les développer et les mettre en œuvre se traduit souvent par un gaspillage de temps, de moyens humains et financiers. Le moment est donc venu du renouvellement des voies du développement industriel, économique, social et environnemental soulignent les rapporteures.Projet d’Avis du CESE du 25 Mars 2014 : Concertation entre Parties Prenantes et Développement Economique Il convient pour cela de préciser le rôle des parties prenantes dans la concrétisation des projets. En effet, la concertation entre les parties prenantes devient une nécessité ressentie par de plus en plus de personnes. Sans passer sous silence les difficultés, les résistances, les frustrations que suscitent ses processus et ses procédures, l’enjeu actuel est de savoir non pas s’il faut se concerter, mais comment mieux se concerter.Une approche nouvelle de la concertation …
Les frontières distinguant la concertation des autres modes d’interaction entre parties prenantes sont floues et mouvantes suivant le contexte. La concertation se distingue de la délibération en ce qu’elle est généralement orientée vers la réalisation d’un projet alors que l’on peut délibérer sans but opérationnel à court terme. Elle se distingue également de la négociation qui suppose des interactions avec des porteurs d’intérêts en nombre restreint et bien identifiés. Enfin, cette forme de dialogue diffère du dialogue social qui répond à des modalités spécifiques et suit un rythme et un processus de décision déterminés entre les acteurs concernés. Pendant très longtemps la concertation a consisté à réunir « autour de la table » un nombre limité et stable d’acteurs publics et privés, afin par exemple de se mettre d’accord sur les règles du jeu de la régulation économique ou des politiques sociales. La montée en puissance des enjeux environnementaux, des controverses sociotechniques et des débats autour de projets d’aménagement et d’urbanisme, a contribué à une redéfinition de cette première acception. Aujourd’hui, la concertation est entendue comme un dialogue structuré et élargi, auquel les rapporteures du projet d’avis confèrent trois principales caractéristiques : – la volonté d’élargir le cercle des parties prenantes appelées au dialogue, – l’incitation à des démarches innovantes, sans opposer l’individu aux citoyens organisés en associations, organisations syndicales… – une structure à « géométrie variable », adaptée au projet et aux territoires concernés… qui n’échappe pas à la critique…
La concertation est une tendance de fond présente dans l’ensemble des pays industrialisés et notamment européens, avec des origines et des effets communs. Elle trouve une incarnation propre en France, où elle s’affirme comme un élément majeur du système de décision. Pourtant, la concertation n’échappe pas à la critique précise le projet d’avis. Certaines sont de principe, d’autres portent sur les modalités de mise en œuvre. Les critiques « factuelles » sont quant à elles de différentes natures. Elles peuvent concerner : – les conditions de réalisation (coûts, délais) ; – les éléments du dispositif mis en place, le rôle de l’expertise ; – les formes de réunion comme la réunion publique ou en « mini-public » ; – les résultats, notamment ses effets sur les projets et sur la prise en compte ou non des avis des parties prenantes. L’explication des choix éventuels, ou le suivi des engagements en termes d’accompagnement peuvent aussi être l’objet de critiques spécifiques ; – la difficulté à identifier celui ou ceux qui portent la décision. L’État est parfois critiqué sur ce point : il se « défausserait » de ses responsabilités au nom de la concertation et de sa neutralité ou par absence de décision.… mais dont les effets positifs priment
Si les critiques du principe de la concertation existent, elles sont toutefois assez minoritaires. De nombreux projets mentionnés dans le projet d’avis (traitement des déchets ménagers de Moselle-Est, ZAC Paris Rive Gauche, réaménagement des Halles, capacités aéroportuaires en région Île-de-France, Chantier de Flamanville…) révèlent que la concertation a permis à chacune des parties prenante de progresser dans la compréhension des enjeux et motivations des autres. Promouvoir l’esprit d’entreprendre et créer les conditions de la confiance pour innover, pour transformer nos repères historiques et culturels en atouts, tel est l’objectif de la concertation entre les parties prenantes sur un territoire autour d’un projet. Elle incite à construire progressivement un consensus entre élus de différents bords politiques, et à différents échelons de gouvernance, en suscitant l’adhésion des citoyens et l’intérêt des acteurs économiques du territoire. Contribution au développement durable et technologique, mise en exergue des insuffisances et erreurs de conception ou encore facteur de compétitivité pour les zones urbaines, sont autant d’effet positifs de la concertation dans l’objectif d’améliorer et enrichir les projets. La concertation apparaît ainsi comme un moyen de créer de l’intelligence collective, d’éclairer la prise de décision et de en mieux fonder la légitimité.Les préconisations du CESE pour une concertation utile et efficace
Une grande partie des constats dégagés dans le projet d’avis ne sont pas nouveaux, certains sont déjà présents dans la charte de la concertation du ministère de l’environnement de 1996. La nouveauté, c’est qu’après presque deux décennies d’expérimentations, nombre de ces idées font aujourd’hui consensus. C’est ce qui permet aux rapporteures du projet d’avis de formuler 19 préconisations pour créer un réflexe collectif de concertation, qui comme le rappelle le CESE, est un élément constitutif d’un projet. Le projet d’avis préconise notamment : – D’encourager des bonnes pratiques tant pour le cadre de la concertation que pour son système d’information et de communication(concertation le plus en amont possible, approche inter collectivités, usage d’internet, intégration de l’ensemble des coûts dès l’émergence du projet…) – De désigner les instances compétentes (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Direction Générale des Collectivités Locales, Association des Maires de France, Parlement…) pour encadrer les concertations et déterminer leur rôle dans l’accompagnement des projets – De développer les outils nécessaires à la bonne conduite des concertations (« charte de la concertation », fonds de concertation local, prise de participation populaire sur les projets, processus de concertation et la mise en œuvre de formation des acteurs au débat…) – De contribuer à la formation et à l’éducation à la concertation (formation communes, intégration de la dimension concertation dans les cursus et diplômes universitaires, programmes et actions de sensibilisation…) – De revoir les procédés et modalités d’attribution des compensations (transparence, création d’un fonds commun, élaboration d’une directive territoriale d’aménagement et d’un programme d’accompagnement des projets…) – De favoriser les retours d’expérience, les recherches et les évaluations (analyse de ces récentes pratiques de concertation territoriale, identification des lieux dématérialisés de capitalisation des expériences…) « Au-delà des procédures, des réglementations et des différentes expériences étudiées à l’occasion de cet avis, la question qui se pose est celle de l’état d’esprit qui règne dans notre pays. Ces recommandations sont l’occasion de débattre et de réfléchir ensemble, de prendre conscience individuellement et collectivement, qu’il est souvent plus facile de réagir négativement à une nouvelle idée plutôt que de chercher comment la rendre possible » précisent les rapporteures du projet d’avis, qui invitent donc à créer une culture de la concertation.