Brûler les mauvaises herbes plutôt que les asperger de produits chimiques dans les espaces publics, voire les laisser pousser… Parce que même hors des champs, les pesticides polluent, les collectivités territoriales promettent de changer leurs pratiques. La France est le premier consommateur de pesticides en Europe, et le gouvernement a promis de les réduire de 50% d’ici 2018 « si possible ».
L’écrasante majorité (95%) va à l’agriculture. Pour autant les « conséquences potentielles » de leur utilisation dans les zones non agricoles comme les jardins publics, cimetières, zones industrielles, aéroports… est « un enjeu de société majeur », estime le ministère de l’Ecologie. Car utilisés sur des surfaces imperméables ou peu perméables, comme des trottoirs, ils ruissèlent facilement jusqu’aux eaux superficielles ou souterraines. De plus, ils sont utilisés en ville au plus près de la population. D’où la signature vendredi dernier à Versailles d’un « accord cadre » entre la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno et les principaux représentants des collectivités territoriales (Assemblée des départements de France, des maires de France…), des gestionnaires d’infrastructures (Aéroports de Paris…) et des prestataires de service. Selon Chantal Jouanno, « la conception et l’entretien des jardins et espaces verts doivent participer à la protection de l’environnement. Par la signature de cet accord, sur la réduction de l’utilisation de pesticides, les collectivités locales et les professionnels du secteur apportent une contribution importante à l’atteinte des objectifs du Grenelle Environnement ». Ces acteurs s’engagent ainsi à améliorer leurs connaissances sur les plantes et leurs parasites, mieux concevoir leurs espaces pour avoir moins besoin d’avoir recours aux désherbants, et trouver les techniques les plus adaptées à l’espace végétal à traiter. Le secteur du paysage a déjà initié « une véritable mutation en matière d’utilisation de produits phytosanitaires », affirme l’Unep (organisation professionnelle représentative des 20 100 entreprises du paysage). L’organisation cite son baromètre semestriel 2010 Unep-Agrica selon lequel plus de 90 % des entreprises du paysage auraient déjà réduit leur utilisation des produits phytosanitaires en 2010. Pour Emmanuel Mony, président de l’Unep, « les entreprises de notre profession doivent, dans les 3 ans à venir, prendre de toute urgence le virage environnemental. Pour bon nombre d’entre elles, c’est déjà chose faite car les chefs d’entreprise sont convaincus qu’il est dans leur mission de sensibiliser leur client au respect de l’environnement ». Eric Lequertier, Secrétaire général de l’Unep constate cependant que « si les particuliers expriment leur souhait de ne plus voir les jardins privés ou publics traités avec des produits phytosanitaires, ils acceptent difficilement les mauvaises herbes, les insectes et les plantes malades ». Outre la sensibilisation des professionnels, l’éducation des clients reste donc nécessaire pour les amener à accepter d’autres façons de travailler ou de penser le jardin pour accompagner la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. En effet les méthodes alternatives existent, explique à l’AFP Ludovic Provost, de l’organisation Plante et Cité qui conseille les collectivités en la matière. Pour éviter le désherbage, rien ne vaut d’empêcher l’apparition des mauvaises herbes, notamment en utilisant des paillages aux pieds des arbres ou encore des plantes couvre-sol. Il est aussi toujours possible de brûler la plante inopportune avec de la vapeur d’eau ou un « système de mousse chaude, fabriqué à base d’amidon de maïs et de noix de coco », d’utiliser des « brosses rotatives », ou encore du purin d’ortie. En prenant un peu de recul, une autre solution plus simple – et peu onéreuse – s’impose : changer son regard sur la mauvaise herbe… et l’appeler « fleur spontanée ». « Il y a des villes comme Rennes qui font le choix de gérer l’entretien de certains espaces différemment, par exemple de laisser des gazons prendre la forme de prairies », explique M. Provost. Pour l’heure, ce sont les villes de plus de 50.000 habitants qui sont les plus ambitieuses. Une étude de Plante et Cité, réalisée en 2009, indique que plus de 60% d’entre elles ont un objectif « zéro phyto ». Le chiffre tombe à environ 15% pour les villes de 30.000 à 50.000 habitants, et à peine 5% pour les localités de moins de 5.000 habitants. Mais pour François Veillerette, président du Mouvement pour les droits et le respect des générations futures (MDRGF), ONG très active sur le front des pesticides, ce n’est pas cet accord-cadre, « pas assez volontariste », qui va tout changer. « Il y a quelques intentions. Mais (l’accord) est très flou, très léger », déplore-t-il. « Il n’y a pas d’objectifs chiffrés, pas de contraintes ». Et « il n’y a rien en terme d’exclusion » de certains types de pesticides, ajoute-t-il. « C’est ce qui nous préoccupe dans la mesure où les professionnels travaillent sur des espaces qui accueillent le public ». Il s’agit d’un « accord cadre, donc de bonne volonté », reconnaît-t-on au ministère. Un premier avait été signé en avril pour encourager les jardiniers amateurs en ce sens. Pour en savoir plus sur cette campagne, cliquez ici.Liste des signataires de l’accord cadre
Le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer – Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Pêche – Aéroport de Paris – L’Assemblée des Communautés de France – L’Assemblée des Départements de France – L’Association des Eco Maires de France – L’Association des Maires de France – L’Association des Maires de Grandes Villes de France – L’Association des Applicateurs Professionnels de Produits Phytopharmaceutiques – L’Association Française des Directeurs de Jardins & Espaces Verts Publics – L’Association Professionnelle des Sociétés Françaises Concessionnaires ou Exploitantes d’Autoroutes ou d’Ouvrages Routiers – La Chambre Syndicale Désinfection, Désinsectisation, Dératisation – Le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité – L’Union Nationale des Entreprises du Paysage – L’Union des Entreprises pour la Protection des Jardins et des Espaces Publics – Voies Navigables de France.Télécharger l’accord-cadre
– Télécharger l’accord-cadre (PDF – 135 Ko), en cliquant ici.