Alors que, dans 100 jours, les Français·es sont supposé·es pouvoir trier leurs biodéchets, les associations France Nature Environnement, Réseau Compost Citoyen et Zero Waste France appellent les collectivités à redoubler d’efforts afin de mettre en œuvre des solutions pratiques et adaptées pour toutes et tous.
Tri des biodéchets : à 100 jours de l’obligation, les associations appellent les collectivités à accélérer le mouvement vers la généralisation
Une obligation connue des collectivités depuis huit ans
À partir du 1er janvier 2024, tous les ménages devront pouvoir trier leurs déchets organiques, c’est-à-dire leurs épluchures, restes de repas, déchets de jardin, etc., et les séparer du reste des ordures ménagères. Une petite révolution, qui peine encore à se concrétiser sur le terrain selon les observations des associations France Nature Environnement, Réseau Compost Citoyen et Zero Waste France.
L’obligation concerne les collectivités : selon la loi, c’est à elles de proposer des solutions aux citoyen·nes pour qu’ils et elles puissent effectuer ce tri chez eux. Si certaines collectivités ont enclenché les démarches, d’autres, encore trop nombreuses, affichent un retard préoccupant à cent jours de l’entrée en vigueur de l’obligation. Aujourd’hui, une centaine de communautés de communes ou d’agglomération proposent une collecte séparée des biodéchets aux ménages, couvrant seulement 6,2% de la population française. Si davantage de collectivités soutiennent des actions de compostage de proximité, ces actions desservent rarement plus de 38 % de la population, même dans les collectivités les plus ambitieuses.
Évaluation de la généralisation du tri à la source des biodéchets
La généralisation du tri à la source des biodéchets est pourtant inscrite dans la loi depuis 2015, et l’échéance pour sa mise en œuvre est connue depuis la transposition de la réglementation européenne dans la loi AGEC en février 2020. Une directive européenne prévoit que chaque État doit veiller à ce que les biodéchets soient effectivement collectés ou recyclés à la source.
“Les collectivités ont eu huit ans pour se préparer et tester différents dispositifs”, note Pauline Debrabandere, coordinatrice de campagnes chez Zero Waste France. “L’heure n’est plus à l’expérimentation, les solutions existent : il est temps de passer à la vitesse supérieure, sur tout le territoire”.
Passer au déploiement à grande échelle
Déchets Chiffres-clés – Edition 2023
Actuellement, les déchets organiques représentent le tiers de la poubelle résiduelle des Français·es, soit 5,5 millions de tonnes de matière organique par an qui finissent enfouies ou incinérées au lieu d’être compostées et valorisées.
Selon France Nature Environnement, de multiples effets néfastes en découlent. “Mis en décharge, les déchets alimentaires fermentent et émettent du méthane, un gaz à effet de serre. Il est aussi complètement inefficace sur le plan énergétique d’incinérer ces déchets en grande partie composés d’eau (jusqu’à 90 %).”
“Les collectivités doivent faire passer le message que les déchets organiques sont une véritable ressource à valoriser. Compte-tenu des bénéfices du retour au sol de la matière organique, ces déchets n’ont pas leur place dans les ordures ménagères résiduelles”.
Du compostage de proximité à la collecte séparée en porte-à-porte ou en points d’apport volontaire, elles ont à leur disposition tout un éventail de solutions, qu’elles peuvent mobiliser de manière complémentaire en fonction des caractéristiques de leur territoire.
En effet, il est essentiel que les collectivités proposent à leurs citoyen·nes des solutions qui soient dimensionnées au nombre et à la densité de population, et qui soient donc adaptées aux différentes typologies d’habitat, qu’il s’agisse d’habitat individuel, collectif ou encore urbain dense.
“Proposer uniquement des composteurs individuels sur un territoire composé en partie d’habitat collectif, ce n’est pas adapté”, détaille Pauline Debrabandere, de Zero Waste France, “Installer un point d’apport volontaire à plus de 200 mètres d’une habitation n’est pas non plus suffisant”.
Les trois associations rappellent que le tri à la source des biodéchets et le compostage sont de formidables opportunités pour mettre en place des politiques globales de réduction des déchets sur les territoires.
“Des villes comme Besançon ont mis en place des solutions de prévention depuis plusieurs années, pour limiter les tonnages incinérés, et ça fonctionne”, défend Cécile Bussière, chargée de plaidoyer au Réseau Compost Citoyen. Réduire les biodéchets envoyés à l’incinération permet non seulement “le retour au sol de matières fertilisantes, nécessaires à nos cultures, mais aussi la réduction de l’empreinte carbone, et la stabilisation du coût de la gestion des déchets”.
MATIERE ORGANIQUE : DANS NOS SOLS, PAS DANS NOS POUBELLES !
Un appel à l’action
France Nature Environnement, Réseau Compost Citoyen et Zero Waste France appellent toutes les collectivités à redoubler d’efforts et à :
- établir pour l’année 2024 et les suivantes un plan d’action dédié au déploiement du tri à la source, soutenu par un budget précis, prévoyant un renforcement des moyens financiers et humains pour réaliser la généralisation du tri à la source des biodéchets.
- prévoir une complémentarité de solutions selon les types d’habitat sur leur territoire.
- ne pas reporter la responsabilité exclusivement sur les citoyen·nes. La première responsabilité est celle des pouvoirs publics, qui doivent tout mettre en œuvre pour que ce tri à la source fonctionne et que les citoyen·nes y participent, à travers par exemple :
- des actions de sensibilisation en porte-à-porte des ménages,
- la distribution d’équipements (bacs à compost, bioseaux),
- la mise en place d’une tarification incitative,
- le broyage des déchets verts,
- etc.