A l’origine, BASF produisait des colorants dérivés du goudron. Puis il y eut le caoutchouc synthétique, l’ammoniac, les engrais chimiques, les matières plastiques… Aujourd’hui, la firme allemande est le premier groupe de chimie au monde. Et si, dans les années 80, BASF était connu pour des produits emblématiques comme les cassettes audio et vidéo, aujourd’hui, il vise… nos assiettes.
Le groupe de chimie allemand BASF a annoncé lundi avoir demandé l’autorisation européenne de cultiver commercialement sa pomme de terre génétiquement modifiée (OGM) Fortuna, destinée à l’alimentation humaine et animale. « L’introduction sur le marché est prévue pour 2014 ou 2015 », a précisé le groupe allemand, numéro un européen de la chimie, qui a développé ces dernières années ses activités dans les organismes génétiquement modifiés. « La prochaine étape du processus d’autorisation consiste pour l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à en tester la sécurité pour les humains, les animaux et l’environnement », ajoute-t-il. « Cette pomme de terre est principalement destinée à l’alimentation humaine », a expliqué un porte-parole de BASF à l’AFP. Elle est dérivée des pommes de terres Fontane, l’une des variétés les plus utilisées pour la fabrication de frites. Fortuna résiste au Mildiou, un parasite très dévastateur pour les cultures de pomme de terre qui fut notamment l’une des causes de la grande famine irlandaise au XIXème siècle. Il détruit encore jusqu’à 20% des récoltes annuelles de pommes de terre dans le monde, selon le groupe allemand. BASF explique être parvenu à utiliser deux gènes de résistance au mildiou prélevés sur une variété sauvage de pomme de terre sud-américaine. BASF a déjà obtenu l’autorisation européenne d’une première pomme de terre OGM, Amflora, pour trois usages : industriel (amidon pour la pâte à papier et engrais pour le jus), alimentation animale (la pulpe) et présence de résidus jusqu’à 0,9% dans les produits pour l’alimentation humaine. Il a également demandé l’autorisation d’Amadea, une variante plus récente d’Amflora. Outre Amflora, le maïs MON810 de la multinationale américaine Monsanto est le seul autre OGM cultivé à des fins commerciales en Europe. Du côté européen, on tient toutefois à relativiser la portée de l’annonce de la demande du groupe allemand. Ainsi, il s’était écoulé près de 14 ans entre la demande d’autorisation déposée par BASF pour la pomme de terre Amflora en 1996, et la réponse favorable des autorités européennes, arrivée en 2010. L’EFSA indiquait d’ailleurs lundi ne pas avoir encore reçu la demande de BASF, qui doit lui être transmise par la Commission européenne. Elle n’a ensuite « pas de délai imposé » pour rendre son avis scientifique, et « certaines demandes n’arrivent jamais à bout », des industriels cessant de répondre aux demandes de précisions scientifiques des autorités, a souligné un porte-parole de l’autorité européenne de sécurité des aliments. La décision d’autorisation revient ensuite à la Commission européenne et aux Etats-membres. Son « homologation » serait une première, au grand dam des écologistes, dont José Bové, qui trouve la stratégie de BASF « inacceptable ». « Il ne faut pas produire de produits alimentaires de base génétiquement modifiés », a réagi lundi Stephanie Töwe, spécialiste des OGM chez Greenpeace Allemagne, pointant les risques de dissémination des modifications génétiques aux cultures traditionnelles. « Une production non-OGM durable n’est ensuite plus possible », a-t-elle ajouté.