A l’heure de l’économie mondialisée, tandis que les frontières deviennent aussi virtuelles que les capitaux qui les traversent à très grande vitesse, les hommes et les femmes restent eux, enracinés dans un temps, un territoire, un continent. Ils posent des actions simples de production et de consommation. L’entreprise est souvent le principal lien entre ces deux mondes. Tant au niveau mondial qu’au niveau des états, la tension est forte entre pouvoir politique et pouvoir économique. Les transformations de la gouvernance mondiale sont là pour en témoigner. Il semble que les entreprises ne puissent plus être comme à coté de cette tension mais qu’elles en deviennent, au contraire, des acteurs de poids. Aujourd’hui, l’entreprise n’est plus uniquement responsable de ses résultats économiques et financiers, elle doit rendre compte sur son bilan social ou sociétal et environnemental. Ce dossier ne saurait prétendre à l’exhaustivité, il a pour objectif, à travers l’exposé d’approches théoriques, d’exemples concrets, et de réflexions, d’aborder ce qui constitue l’un des défis majeurs à relever : la RSE. Edito de Marie-Caroline Durier – Rédactrice en chef de Responsables
– Extraits du N°382 (Mars 2008) : Un concept, plusieurs approches… Bernard Bougon expose la vision nord-américaine et européenne de la Responsabilité Sociale des Entreprises L’histoire du concept de Responsabilité Sociale des Entreprises commence dès la seconde moitié du XIXème siècle. Depuis longtemps, en effet, des auteurs soutiennent que les responsabilités des entreprises, dépassant les seuls domaines économiques et légaux, sont aussi d’ordre éthique et ne peuvent se réduire aux seuls actionnaires. Ce point de vue est aussi celui de nombre d’entrepreneurs qui, au travers d’innovations managériales, ont donné et donnent un contenu pragmatique à ces responsabilités . Pourtant, cette élaboration ne s’est pas faite sans des débats, parfois vifs. Aujourd’hui, on peut distinguer deux grandes lignes dans l’interprétation de cette notion de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE). L’une portée par la tradition nord-américaine et l’autre par les entrepreneurs de l’Europe de l’Ouest. En 1979, Archie B. Caroll – professeur de management au Terry College of Business, Université de Georgie et généralement considéré aux États-Unis comme le père du sens actuellement donné à ce concept de RSE – propose de distinguer, et donc de classer, les responsabilités sociales des entreprises en quatre grandes catégories : les responsabilités économiques, juridiques, éthiques et « discrétionnaires ». Cette conception de la RSE a été reprise et critiquée par d’aut res universitaires américains, mais n’a pas été modifiée en son fond. Pour Archie B. Caroll ces quatre catégories comprennent l’ensemble des responsabilités sociales d’une entreprise que peut aujourd’hui identifier et doit accepter « un homme d’affaire consciencieux». Il propose de les organiser en forme de pyramide mais sans l’interpéter comme Abraham H. Maslow la sienne, où chaque niveau atteint permet de passer au suivant. Parcourons rapidement avec Archie B. Caroll ces responsabilités et leurs articulations. Responsabilités économiques L’entreprise se présente comme une unité économique de base de notre société. Son rôle principal est de produire les biens ou d’assurer les services dont ont besoin les hommes pour vivre en société. Il est nécessaire que cette unité de base tire de son activité les profits qui lui permettront d’assurer sa pérennité et son développement. C’est pourquoi Archie B. Caroll propose de les placer au socle de sa pyramide. Responsabilités légales Elles ne sont pas moins importantes. Pas une seconde Archie B. Caroll ne pense que l’on peut développer une activité économique sans tenir compte des ses responsabilités légales. La raison en est simple. Une entreprise est, du fait de son rôle économique, partie prenant e du contrat social tel que défini par les lois et les diverses règles édictées par la société. Si, dans la représentation pyramidale d’Archie B. Caroll, ces responsabilités légales viennent au-dessus des responsabilités économiques, elles doivent, et c’est lui qui insiste : « coexister avec les premières comme un principe fondamental du système de la libre entreprise » . Responsabilités éthiques A rchie B. Caroll exprime ici la conscience que les hommes d’entreprise doivent faire des choix et prendre des décisions dans des situations qui ne peuvent être ni prévues ni anticipées par les codes. Non seulement cela, mais les hommes d’entreprises participent aussi aux valeurs de la société où ils vivent et à l’évolution de ces valeurs. Ils auront tout naturellement le désir de les mettre en pratique dans leurs métiers. Cela relève d’une simple cohérence personnelle. Ainsi l’éthique précède en quelque sorte et suit la loi. Elle précède la loi, car tout code législatif repose sur des valeurs éthiques qui le fondent. Ainsi en est-il du Code de commerce français qui repose essentiellement sur deux valeurs éthiques : la loyauté et la bonne foi dans les affaires. Mais l’éthique suit aussi la loi car toute situation ne peut être anticipée. Ce sera à chacun dans l’exercice de son métier et dans le cadre de son rôle ou de sa fonction de faire les choix et de prendre les décisions qui seront dans l’esprit des lois ou des réglementations, c’est-à-dire, en fait, dans l’esprit des valeurs qui les fondent. Cette éthique, souligne Archie B. Caroll n’est pas laissée à l’arbitraire des perceptions des personnes. Elle fait aussi, et depuis les origines de la pensée, l’objet d’une partie de la réflexion philosophique. Ainsi l’homme d’action peut s’appuyer pour se guider dans ses choix et ses décisions sur le respect des principes de la justice ou des Droits de l’Homme et – dans un contexte anglo-saxon – sur la théorie morale de l’utilitarisme. Là encore, Archie B. Caroll, insiste pour dire que ce niveau n’est pas facultatif. Il découle comme naturellement du rapport qu’entretiennent entre eux l’éthique et les lois. Responsabilités philanthropiques La vision d’Archie B. Caroll dépend ici étroitement de pratiques et de conceptions américaines de la vie en société imprégnées par le principe chrétien de la destination universelle des biens. Il considère, d’ailleurs, que ce quatrième niveau de responsabilités philanthropiques de l’entreprise est facultatif. Elles se présentent comme la cerise sur le gâteau ( « icing on the cake »). La société (américaine) attend de tels engagements citoyens de la part des entreprises, mais celles-ci n’y sont pas obligées. C’est pourquoi certains parlent de responsabilités discrétionnaires, semblables, d’une certaine manière, aux pratiques européennes du mécénat d’entreprises. Toutes ces responsabilités que nous venons d’évoquer, s’appuient sur la théorie dite des parties prenantes. Théorie à laquelle se rallient aujourd’hui nombre de multinationales – telles que Boeing, Schneider Electric, Solvay… – si l’on en croit leurs chartes en faisant référence non seulement aux actionnaires, mais aussi aux collaborateurs, aux clients, aux fournisseurs, aux collectivités locales quant ce n’est pas à la planète dans son ensemble. – Autres articles du dossier sur la RSE : Enjeux et limites de la RSE Une présentation du livre des universitaires Michel Capion et Françoise Quairel-Lanoizelée par Bernard Chatelain Pas sans les cadres… La responsabilité de l’encadrement dans les politiques de RSE par Laurent Tertrais Des actionnaires responsables Claire Collignon a rencontré Virginie Lecourt, présidente d’Éthique et investissement Responsabilité durable Bernard Piet témoigne de l’engagement de l’entreprise Lafarge dans différents pans de la RSE Des actions au quotidien Bernard Bougon cite des exemples concrets d’entreprises fortement impliquées dans la démarche de la RSE, aux États-Unis et en FranceM&C – Régie d’espaces de Communication Responsables
Responsables, le Journal recherche Annonceurs Responsables pour soutenir son développement durable par l’achat d’espaces de communication responsables auprès de l’Agence M&C : pour plus d’informations, télécharger le Média Kit M&C Responsables