La publication d’une étude de l’Ecole d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, affirmant que le contenu nutritionnel des produits bio ne serait pas supérieur à celui des produits conventionnels provoque un vif émoi : en effet, elle passe sous silence l’absence de pesticides que cette alimentation garantit. Bref, un point de vue trop réducteur pour les tenants de ce mode d’agriculture. Alors, on peut se demander pourquoi les médias ont relayé cette étude, en lui donnant une trop grande importance ? A qui profite la polémique ?
La conclusion du rapport qui fait polémique : « Du point de vue de la nutrition, il n’y a actuellement aucun élément en faveur du choix de produits bio plutôt que d’aliments produits de manière conventionnelle. » Lire le rapport qui fait débat (en anglais). On apprend ainsi dans les colonnes du Monde(04/08/09), qu’en Grande-Bretagne, la Soil Association, qui représente les producteurs de bio au Royaume-Uni, proteste contre cette étude fondée sur l’analyse des données publiées depuis cinquante ans sur le sujet, et commanditée par la Food Standard Agency (FSA), l’agence gouvernementale des normes alimentaires : « Elle ne tient pas compte de l’impact des pesticides, des herbicides sur l’environnement en général et la pollution des rivières, ainsi que sur le bien-être animal ! », déplore-t-elle. Elle accuse la FSA d’avoir publié ce travail dans le très respecté American Journal of Clinical Nutrition pour court-circuiter une autre étude européenne sur le sujet, qui doit être rendue publique à la fin de l’année. Selon les conclusions préliminaires du rapporteur européen, Carlo Leifert, professeur d’agriculture écologique à l’université de Newcastle, « le bio contient davantage d’antioxydants utiles dans la lutte contre le cancer et les maladies cardiovasculaires ». En France, les réactions sont aussi très nombreuses. Le MDRGF (Mouvement pour le droit et le respect des générations futures) démontre qu’avec « un examen des 162 études scientifiques publiées au cours des 50 dernières années citées par les auteurs de l’étude publiée dans l’AJCN fait en réalité apparaître des différences significatives favorables aux aliments bios pour 6 catégories de nutriments importants ! Une communication importante a pourtant été mise en place depuis plusieurs jours pour dire…le contraire !! » Pour le MDRGF, pas de doute, c’est « une étude tronquée ». L’association poursuit dans un communiqué de presse : « l’étude publiée dans l’AJCN (The American Journal of Clinical Nutrition) n’a pas donné ces informations. Elles sont pourtant contenues dans le rapport de 209 pages réalisé par les auteurs de l’étude pour la Food Standards Agency [[Comparison of composition of organically and conventionally produced foodstuffs: a systematic review of the available literature. Report for the FSA, july 2009 http://www.food.gov.uk/multimedia/pdfs/organicreviewappendices.pdf.]], en plus de l’étude elle-même ». Le MDRGF précise encore : « ce rapport (page 17/20) montre un avantage concernant de nombreux nutriments pour les produits bios dans les 162 études publiées dans les revues scientifiques retenues. Les végétaux bios contiennent ainsi en moyenne plus de magnésium, de zinc, de composés phénoliques, de flavonoïdes, de sucres et de matière sèche que les cultures intensives, qui contiennent, elles, plus d’azote. De même les produits animaux bios contiennent plus de certains acides gras que leurs homologues non bios, contrairement à ce qui a été publié partout ». « Pourquoi une telle différence entre les données contenues dans les études scientifiques analysées et ce qui a été communiqué ? » s’interroge le MDRGF. « Les conclusions de l’étude publiée dans l’AJCN qui restreignent l’avantage pour les cultures bio aux seuls phosphore et acidité sont basées sur une analyse de 55 études seulement, choisies parmi les 162. Les auteurs ont en effet choisi d’appliquer des critères supplémentaires de sélection des études qui ont eu pour effet de faire disparaître…les 2/3 des études publiées dans des revues scientifiques sérieuses sur le sujet ! Ainsi le fait de ne pas préciser dans une étude une définition claire des méthodes de production biologique des aliments testés ou d’omettre de citer l’organisme certificateur suffisait pour voir exclure arbitrairement l’étude de la liste des études dites « de qualité » prises en compte ! 87 études sur 162 ont ainsi été exclues pour ce seul motif, soit plus de la moitié ! Les données disponibles ont donc été considérablement expurgées et l’étude publiée dans l’AJCN ne présente que les résultats de ces 55 études et ne donne pas le détail des résultats des 162 études validées disponibles, ce qui donne une image très incomplète de la réalité de la connaissance scientifique en la matière ! » « Le MDRGF regrette que l’on n’ait pas mis en avant toutes les données scientifiques objectives montrant que les produits bios contiennent en moyenne plus de certains micronutriments – dont on connaît les bienfaits pour la santé – que les produits de l’agriculture intensive. L’étude anglaise minimise ces différences, qu’elle expose pourtant dans son rapport à la FSA, et en nie l’importance pour les consommateurs, sans justification, ce que nous contestons» déclare François Veillerette, Président du MDRGF. «Nous regrettons aussi que n’ait pas été mis en avant l’absence de résidus de pesticides dans les aliments bios comme étant un élément favorable à la santé. Le MDRGF rappelle à cet effet les conclusions du rapport de l’AFSSA de 2003 qui précise que : « Le mode de production biologique, en proscrivant le recours aux produits phytosanitaires de synthèse, élimine les risques associés à ces produits pour la santé humaine et concourt à une moindre pollution environnementale, notamment de la ressource en eau.. » ajoute-t-il. Après la lecture de ces arguments, on peut se demander pourquoi les médias ont relayé cette étude, en lui donnant une trop grande importance ?A qui profite la polémique ?
C’est Laure Noualhat, journaliste à Libération qui résume bien l’affaire sur son excellent blog Six pieds sur Terre : « Dans la moisson du jour, il y aussi la polémique concernant la bio. Enfin, polémique, c’est un grand mot, j’appellerais plutôt cela l’œil du cyclone médiatique du mois d’aout. On s’ennuie un peu, nous, en aout. Les hommes politiques font trempette, les journalistes aussi, tout le monde veut de l’info sexuée (paraît-il), superficielle et légère. Alors bon, faisons feu de tout bois (bio). Mercredi, dans un canard américain que personne ne lit d’ordinaire, est parue une méta-analyse qui « révèle » que les céréales, légumes et fruits issus de l’agriculture biologique n’ont aucun avantage nutritionnel par rapport à leurs homologues cultivés en conventionnel. Branle-bas dans le landernau de la binette. Et paf!, l’info fait la Une du Figaro vendredi. L’ennui du mois d’aout, vous dis-je, ou bien, l’occasion en or de tirer à boulets rouges sur ces bios qui nous empêchent de polluer en rond » – Lire l’article de Laure Noualhat dans Libération