Une réglementation dédiée au développement durable[[Cette article fait suite à l’article publié par le même auteur en 2005 à la revue du Conseil d’Etat n° 7/05 intitulé : « droit des marchés publics en Algérie : réalité et perspectives »]] La réglementation des marchés publics (RMP) vient d’être renforcée par la publication du décret présidentiel [[N°08-338 du 26 Chaouel 1429 correspondant au 26 octobre 2008, modifiant et complétant le décret présidentiel N°02-250 du 13 Joumada El Oula 1426 correspondant au 24 juillet 2002]] portant réglementation des marchés publics. Cette modification tant attendue qui a fait l’objet, au demeurant, d’une large concertation entre les différents acteurs de la commande publique, constitue une avancée qualitative dans la construction du dispositif réglementaire régissant les marchés publics en Algérie.
En effet, s’inscrivant dans une logique de bonne gouvernance économique, la RMP [[réglementation des marchés publics (RMP)]] se veut, de par les nouvelles dispositions introduites, être un véritable levier de la croissance économique productrice du bien-être social. Cette évolution est par ailleurs perceptible à la volonté de s’inscrire dans le cadre des standards internationaux et de capter au mieux les tendances universelles, notamment en prévision de l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation Mondiale du Commerce. Les principales modifications introduites dans le nouveau texte précité sont déclinées ci-dessous :Insertion de la commande publique dans une optique de développement durable.
L’une des innovations du nouveau décret qui marque un jalon important dans le rôle que doit jouer à l’avenir le droit des marchés publics, est sans doute celui de l’intégration de la notion du développement durable dans la commande publique. Le développement durable, se définissant comme celui qui concilie développement économique, équité sociale et protection de l’environnement, trouve ainsi sa traduction dans la commande publique par la prise en charge particulière des dimensions sociale et environnementale en sus, bien entendu, de la dimension classique (économique), dont les marchés publics ont toujours constitués un levier fondamental – Intégration de la dimension sociale Les marchés publics, de par leur poids dans l’économie nationale, ne peuvent être en marge des préoccupations majeures des politiques publiques en matière d’emploi et d’insertion professionnelle. Bien plus, la RMP, eu égard au fait qu’elle constitue un canal important par lequel s’exécute une grande partie des programmes publics d’investissement, notamment dans le domaine du BTPH, traditionnellement considéré comme grand pourvoyeur d’emplois, est appelée plus que jamais à jouer un rôle actif dans l’atténuation des tensions sociales et la concrétisation du pacte social. C’est précisément dans cet esprit que l’article 50 in fine a explicitement prévu « les clauses de travail » comme clauses obligatoires dans un contrat administratif, en ce sens que la législation du travail doit trouver sa place et sa pleine application dans les marchés publics, notamment en matière du respect des droits des travailleurs, de l’hygiène et de la sécurité, de la prohibition du travail au noir et du travail des enfants et de l’encouragement aux différentes formules d’insertion professionnelle y compris l’emploi des personnes handicapées . A ce titre, l’article 9 in fine prévoit que « les cahiers des charges doivent contenir les mentions appropriées pour informer les soumissionnaires des termes des clauses de travail ». Plus loin encore, le dernier alinéa de article 50 pose le principe de la main-d’œuvre locale comme condition importante sur laquelle les candidats peuvent être départagés, en fonction des critères arrêtés dans ce sens dans le cahier des charges de l’appel d’offres. – L’intégration de la dimension environnementale Le service contractant doit désormais prendre en compte la dimension environnementale dans les marchés publics dans la mesure où « la protection de l’environnement » doit faire l’objet d’une clause expresse dans le cahier des prescriptions spéciales et ce, en application de l’avant dernier alinéa de l’article 50 du nouveau décret. Cette prescription procède du principe que le service contractant doit être concerné au premier chef quant à l’impulsion d’une nouvelle dynamique environnementale dans le domaine des marchés publics. Celle-ci doit être mise en œuvre par, non seulement, le respect des dispositions de la loi N°03-10 du 19 Joumada El Oula 1424 correspondant au 19 juillet 2003 relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable, mais aussi et surtout par l’insertion dans le cahier des charges de l’appel d’offres, des clauses affichant clairement l’option de l’administration en faveur de l’utilisation écologique et rationnelle des ressources naturelles disponibles et l’usage des procédés technologiques non polluants. A ce titre « le plan national d’action environnementale et de développement durable (P.N.A.E.D.D) » prévu par la loi 03-10 précitée, constitue le cadre référentiel par excellence. Il va sans dire que l’insertion des clauses environnementales dans le cahier des charges de l’appel d’offres suppose, en amont, l’intégration, par les services contractants, des exigences écologiques dans la phase maturation de projet c’est-à-dire lors de l’expression des besoins, ce qui implique aussi l’adhésion et la contribution des maîtres d’œuvre qui doivent, eux aussi, répondre aux attentes de l’administration selon des termes de référence précis, notamment en ce qui concerne le choix des produits (énergie, matières premières, matériaux) et des procédés de construction.Consécration des principes fondamentaux régissant les marchés publics.
Le nouveau texte introduit une disposition importante dans son article 2 bis ayant trait aux principes fondamentaux régissant la commande publique à savoir : – 1er principe : le libre accès à la commande publique Ce principe à valeur constitutionnelle, découlant de la notion du libre accès du citoyen au service public, suppose l’impartialité de l’administration quant à l’accès des candidats aux marchés publics, en ce sens qu’elle ne peut écarter un soumissionnaire en se fondant sur des conditions et critères non prévus dans la réglementation ou non fixés dans le cahier des charges de l’appel d’offres. Partant de là, toutes les exigences exprimées à l’endroit des candidats dans le cadre du cahier des charges, doivent être dictées par le seul souci de l’administration d’attribuer le marché à « une entreprise jugée apte » à l’exécuter,et ce, dans les meilleures conditions d’efficacité possibles. – 2ème principe : l’égalité des chances et du traitement des candidats Corollaire du principe d’égalité de tous devant la loi , l’égalité de traitement des candidats n’est qu’une simple transposition adaptée au droit des marchés publics. Ce principe requiert de ce fait un comportement non discriminatoire de la part du service contractant à l’égard des candidats soumissionnaires. Il est donc mis à la charge de l’administration, l’obligation de traiter de façon strictement identique tous les candidats à la commande publique ; en amont, par la communication des mêmes informations, lors du lancement de l’avis d’appel à la concurrence et en aval, par l’application rigoureuse des critères insérés dans le cahier des charges de l’appel d’offres, lors de l’évaluation des offres. – 3ème principe : la transparence des procédures d’appel à la concurrence La réglementation prévoit un formalisme précis en matière de procédures de passation, dont la finalité est d’assurer toute la transparence voulue, permettant un choix objectif, neutre et non contesté du candidat retenu. Cette transparence se manifeste notamment dans le visa préalable du cahier des charges par la commission des marchés compétente, dans la clarté des termes de l’instruction aux soumissionnaires, dans la publicité la plus large possible et surtout dans l’information sur l’attribution provisoire qui emporte le droit de recours pour les candidats qui s’estiment lésés. Aussi, la réglementation pose la réunion des trois principes comme condition « sine qua non » à même de garantir l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Par voie de conséquence, les marchés publics doivent désormais, respecter les trois principes impératifs précités, sous peine d’exposer le contrevenant aux sanctions pénales lourdes prévues dans la loi N°06-01 du 21 Moharam 1427 correspondant au 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption.