Après l’immense succès du manifeste Indignez-vous !, Stéphane Hessel, mort à 95 ans, s’apprêtait à publier A nous de jouer !, un livre d’entretiens dans lequel il exhorte les « indignés de cette Terre » à agir avec compassion en faveur d’un « monde social« . Le livre sort le 6 mars aux éditions Autrement.
Avec ce nouvel opuscule, Stéphane Hessel passe du discours à l’action et exhorte les indignés à une action d’envergure transnationale. Après les succès phénoménaux de Indignez-vous ! et Engagez-vous !, Stéphane Hessel écrit pour répondre aux questions de ses lecteurs. S’indigner, s’engager, oui. Mais de quelle manière ? A l’heure d’une crise économique et financière qui bouleverse l’Europe et le reste du monde, qui jette des milliers d’« Indignés » dans les rues d’Athènes, de Madrid ou de New-York, Stéphane Hessel réaffirme la nécessité de l’engagement et explique comment faire entendre sa voix. Il insiste sur la dignité humaine, sur la compassion qui doit être notre moteur, et sur la nécessité d’une politique transnationale puisque nous vivons désormais dans un monde interdépendant. Comment doit-on comprendre le Printemps arabe ? Comment résoudre l’impasse palestinienne ? Comment agir dans un monde où les politiques nationales ont de moins en moins de pouvoir ? Bien sûr, il faut s’engager auprès des ONG, mais l’action parlementaire est indispensable. Stéphane Hessel poursuit et affine dans ce livre le message qu’il adresse aux indignés de cette planète : « Changez ce monde, éprouvez de la compassion et soyez les citoyens d’une authentique société mondiale. » Le projet politique est indissociable d’une éthique et d’une ambition personnelles : « Pourquoi es-tu indigné ? Parce que tu n’as pas encore changé ta vie. » Extraits « En ce début de XXIe siècle, on a de nouveau l’impression que toutes les espérances de l’humanité au nom desquelles des générations entières se sont insurgées sont désavouées ! Tout se passe comme si Dieu avait créé au cinquième jour les employés et les travailleurs, puis au sixième les banquiers et les magnats de la finance, pour se reposer le dimanche en disant aux princes de l’argent : « Régnez sur vos citoyens et multipliez les richesses ! » », lance Stéphane Hessel dans la préface à l’édition française du livre, essentiellement composé d’entretiens avec le journaliste et écrivain Roland Merck. « Bien moins unis que nos pères et nos mères, bien moins combatifs que nos aïeux qui exprimèrent leurs revendications dans la rue, souvent fourbus par la misère quotidienne, nous avons presque perdu de vue ce qui nous donne confiance et force : oser encore s’attaquer aux grands rêves de l’humanité ! L’argent sans âme chuchote mesquinement, les administrateurs dépourvus d’imagination ainsi que les médias nous murmurent que la crise va encore nous obliger davantage à nous serrer la ceinture et nous peignent un avenir incolore tout en parlant de responsabilité et d’un surcroît d’activités pour chacun, du nécessaire recul des acquis sociaux… et toujours et encore de la cure d’austérité. Ils savent pourtant que la pauvreté ronge la France et l’Europe à cause de cette poli- tique, jusque dans les classes moyennes de nos sociétés. Quand, en plus, des oasis fiscales et des paradis financiers font saigner, tels des vampires, des économies nationales entières parce que les impôts n’apportent pas suffisamment de recettes, quand des agences de notation privées ramènent des pays entiers au rang de camelote et les conduisent dans le précipice, alors l’argent n’est plus un moyen mais une fin en soi. Mais nous savons aussi ce que nous devons penser de leur conception de la « responsabilité »… qui s’avère de l’égoïsme pur ! », ajoute-t-il. « Oui, un fantôme parcourt aujourd’hui à nouveau l’Europe – le fantôme de ce que nous appellerions le « précariat », cette nouvelle classe aux contours flous, dont la population se caractérise par sa situation socio-économique et professionnelle précaire. C’est pour cela que nous faisons cet appel : Attention aux dérives ! Préservez-vous d’un monde où l’inégalité s’accroît entre les pauvres et les riches et où la pauvreté est considérée comme normale. Réveillez-vous, car l’indifférence n’est pas bonne ! Ouvrez les yeux pour voir vos rêves avec clarté et précision ! » écrit-il encore dans la préface du livre. « Oui, le monde marche sur la tête ! On nous demande de travailler plus mais de gagner moins d’argent. On nous demande d’en finir avec la solidarité parce que la concurrence, quel que soit son coût, doit donner le ton de la musique nouvelle pour soi-disant garantir la richesse. La vérité est que si cela continue ainsi, ce sont nos démocraties qui seront remises en cause. Tant que le capital passe avant les individus, tant que l’individu n’est que l’esclave de l’argent ainsi que sa victime, la paix n’est ici qu’une apparence. Elle se fait au détriment de tous ceux qui n’entrent pas dans le système et aussi, ne l’oublions pas, de la Nature ! Mais si le monde n’est plus qu’un tableau gris sur gris, nous devons saisir un pinceau et nous emparer de nouvelles couleurs ! Si la jeunesse européenne n’a pas d’avenir, l’Europe n’en aura plus non plus ! Allons donc de l’avant avec les moyens pacifiques que la démocratie nous donne avant qu’il ne soit trop tard ! Oui, l’humanité est sur la voie d’une authentique « société mondiale » mais, pour le moment, seul le capital est vraiment mondial. Il nous manque comme toujours un système d’institutions suffisamment évolué, légitime et compétent à l’échelle mondiale. Ce sont encore beaucoup plus le mal et la souffrance qui nous lient qu’une paix globale correspondant aux principes de droits de l’homme appliqués partout dans le monde et au bien-être de tous les individus. C’est pourquoi il est bon de s’indigner et de s’engager, tant que la pauvreté et l’injustice politique s’amplifient. Mais cela nécessite également – et c’est le message de ce nouvel ouvrage – responsabilité et compassion (un élément auquel nous attachons une importance particulière) afin de devenir de vrais citoyens d’une société mondiale vraie et pacifique ! » « Nous savons tous, nous les habitants de cette planète, que nous ne disposons que de cette seule et unique Terre. C’est bien pour cela que nous devons prendre soin de ses populations plutôt que de les exploiter sans ménagement. Ne perdons pas plus de temps, unissons-nous et pre- nons ensemble la voie de la société mondiale ! Il n’est pas possible d’arrêter le cours du temps, ce fleuve puissant qui ne se laisse retenir sans dommages. Les hommes construisent des murs, que ce soit au nom d’une politique inhumaine ou au nom de l’argent, mais ceux-ci finiront par tomber. Démocratie et participation, droits de l’homme et bien-être social sont des besoins de tous les peuples. Qui ne les respecte pas doit compter avec l’indignation. Allons plus loin, plus vite ! Profitons de l’opportunité du moment quand la gauche en France dispose, comme cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps, de tant de pouvoir ! Soyons un exemple et battons-nous pour une Europe sociale, pour un monde social ! » Stéphane Hessel et Roland Merk concluent la préface en français : « Le temps presse, mais il y a une issue, celle des courageux, de ceux qui ont confiance. Et nous voudrions ici prendre congé avec ces vers de Roland Merk : « Seuls ceux qui ne savent pas reconnaître le début de quelque chose craignent la fin de tout. » Oui, nous avons besoin d’indignation, de responsabilité et de compassion ».Acheter l’ouvrage
Références : A nous de jouer ! de Stéphane Hessel – Editions Autrement – Collection : HAUT ET FORT – Date de publication : 6 mars 2013 – ISBN-13: 978-2746734272 – Prix public : 12 €