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Nouveau rapport des Amis de la Terre International

Négociations sur le climat à Cancún : qui essaie de tirer profit de la lutte contre la déforestation ?

La lutte contre la déforestation avec le dispositif REDD (acronyme de Réduction des Emissions liées à la Déforestation et à la Dégradation des forêts) est au cœur des négociations internationales sur le climat de Cancun. Pourtant, alors que les aspects les plus controversés de ce nouveau mécanisme sont toujours en discussion, de nombreux projets pilotes ou volontaires sont déjà en train de se mettre en place et d’anticiper sur les conclusions officielles. L’objectif est clair : influencer les négociations et les orienter dans un sens favorable aux entreprises et aux pays développés. Une bonne idée est en train se transformer en cauchemar pour les communautés et les peuples qui dépendent des forêts comme le révèle le nouveau rapport des Amis de la Terre – « REDD : les réalités noir sur blanc » – avec de nombreux exemples à l’appui.

Les études de cas menées par des organisations membres des Amis de la Terre du monde entier montrent clairement que les peuples autochtones et les communautés locales sont marginalisés au moment de développer ces projets. Ces populations risquent fort d’être désavantagées face aux grandes entreprises et aux investisseurs qui ont la capacité de consacrer des moyens colossaux pour participer à des réunions internationales, influencer des décideurs politiques ou financer des projets pilotes qui leur sont favorables. Des entreprises comme BP ou Shell sont déjà des acteurs majeurs du mécanisme REDD. Pour ces entreprises, l’enjeu principal du mécanisme REDD consiste à intégrer les forêts au marché du carbone pour pouvoir générer des crédits carbone et permettre aux pays industrialisés d’acheter des droits à polluer plutôt que de réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre. Intégrer les forêts dans les marchés carbone multiplie pourtant encore les risques de dépendre des vicissitudes de ces marchés et des variations des prix. Cela aboutit par ailleurs à une privatisation de la forêt et à une restriction des droits des communautés autochtones comme le montrent, par exemple, nos études de cas au Brésil, au Liberia ou en Indonésie. De plus, en jouant sur les failles de la définition d’une forêt qu’applique l’ONU, ces projets permettront de poursuivre l’exploitation industrielle de bois et le remplacement des forêts naturelles anciennes par des monocultures d’arbres. Pour le coordinateur du programme Justice climatique des Amis de la Terre International, Joseph Zacune : « Par le biais des pourparlers de l’ONU sur le climat, les gouvernements sont en train de faire à propos des forêts des propositions dangereuses, qui mettront en péril les populations et l’environnement. Ces études de cas montrent que les gros investisseurs foncent pour tirer profit de projets forestiers qui ne feront rien pour réduire les émissions et qui seront nuisibles pour les communautés locales. » Pour Sylvain Angerand, chargé de campagne pour les Amis de la Terre France : « Les pays développés ont une attitude ambiguë : plutôt que de vouloir à tout prix faire entrer les forêts dans le marché du carbone pour soi-disant les protéger, comment se fait-il qu’aucune proposition ne soit sur la table pour mettre un terme aux subventions et aux politiques commerciales qui constituent les moteurs de la déforestation ? »

Résumé du rapport

Pour ce qui est du changement climatique, REDD semble aujourd’hui être la panacée. La «réduction des émissions dues au déboisement dans les pays en développement» comporte la promesse alléchante de freiner le dérèglement du climat, de conserver la diversité biologique en danger et d’apporter aux peuples autochtones pauvres et aux populations forestières l’argent si nécessaire à leur développement, tout en rapportant aux investisseurs des profits considérables. Cela conduit à se demander si ce n’est pas trop beau pour être vrai. Malheureusement, à cette question il faut répondre «si». Bien que REDD puisse avantager quelques communautés et la diversité biologique dans certaines régions déterminées, de façon générale il semble avoir le potentiel d’aggraver les inégalités, de rapporter très gros aux transnationales et autres grands investisseurs, et d’apporter très peu de bénéfices ou même de graves désavantages aux populations tributaires des forêts. En outre, si les gouvernements le prennent isolément, REDD pourrait détourner dangereusement l’attention de ce qu’il faudrait faire: adopter des mesures réelles et efficaces pour atténuer le changement climatique et s’adapter à ses effets. Les études de cas qui figurent dans le présent rapport montrent clairement qu’il existe déjà une véritable ruée vers le système REDD. Elles montrent aussi que les projets REDD varient beaucoup suivant les pays où ils sont mis en oeuvre et les objectifs de ceux qui les proposent. Certains projets sont conçus de façon plutôt judicieuse, d’autres ne visent qu’à maximiser les profits. Or, même dans la meilleure hypothèse, on constate que les peuples autochtones ont beaucoup de mal à se faire entendre ou à tirer avantage de REDD de façon équitable. Les organisations de la société civile que l’on considère comme des détracteurs de REDD sont souvent exclues des consultations et leurs commentaires préalables sont ignorés. En outre, il est évident que certains investisseurs essaient de hâter le processus pour arriver à un accord aussi vite que possible, même si cela implique d’exercer des pressions indues sur les parties concernées ou de laisser de côté certains points déjà accordés, comme la consultation. Une des conclusions qui s’imposent est que les grandes sociétés transnationales, surtout celles du secteur énergétique ou des industries à forte consommation d’énergie, sont en train de se diriger vers REDD à toute vitesse parce qu’il leur offre, peut-être mieux que personne, une véritable occasion de gagner sur tous les tableaux. Par le biais de REDD elles peuvent se muer en championnes du climat, même si elles continuent d’extraire des combustibles fossiles et, en même temps, gagner sans doute des centaines de millions de dollars. En plus, dans bien des pays il y a aussi des incertitudes au sujet de la possession de la terre et des droits en matière de carbone, et dans d’autres il paraît que REDD est en train de troubler les eaux encore davantage dans ces domaines. De façon générale, REDD risque fort d’aboutir à la privatisation des ressources forestières mondiales et de les faire passer des mains des peuples autochtones et des communautés locales à celles des banquiers et des marchands de carbone. D’autres commencent à se demander si REDD peut vraiment fonctionner au niveau des projets, et s’il ne sera pas trop complexe et peu recommandable de l’appliquer au plan national également. À moins que la demande de produits agricole et de bois ne diminue, REDD risque de ne pas fonctionner au niveau des projets, puisque les activités de déboisement pourraient tout simplement se déplacer ailleurs. En revanche, au plan national, REDD pourrait impliquer que tous ceux qui s’adonnent à des activités nuisibles pour les forêts, telles que la production d’huile de palme, seraient récompensés, qu’il s’agisse de communautés et d’agriculteurs de subsistance qui luttent pour gagner leur vie, ou d’entreprises forestières et de producteurs d’huile de palme soucieux d’accéder à de nouvelles sources de revenus. Si, en plus, REDD est associé aux marchés du carbone, son application à l’échelon national multiplierait les risques de dépendre des vicissitudes de ces marchés et des variations des prix, de sorte que les projets s’enliseraient et causeraient des difficultés dans l’économie du pays. Finalement, les études de cas présentées montrent que les projets pilotes REDD et la législation relative à REDD, qui incluent la plantation d’arbres en régime de monoculture et la gestion forestière durable (c’est-à-dire la poursuite de l’exploitation des forêts), et qui supposent ou créent des liens entre REDD et les marchés du carbone, sont déjà en cours, alors que cela n’a pas été approuvé encore au sein de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). De ce fait, deux nouvelles questions se posent: l’existence de projets REDD va-telle déterminer les paramètres d’un futur accord sur REDD dans la CCNUCC ? Les gouvernements vont-ils donner le feu vert à une version de REDD que les entreprises forestières pourront utiliser pour remplacer les forêts naturelles anciennes par des rangs serrés d’arbres de croissance rapide et de faible stockage de carbone ? Tel qu’il est négocié à l’heure actuelle (avec la vague ambition de «réduire les émissions» dues au déboisement et la poursuite de l’exploitation forestière et la plantation d’arbres, le tout financé par des marchés du carbone instables), REDD n’est pas le système robuste, équitable et définitif dont on a besoin en ces temps incertains. Il est important de signaler que bien des problèmes évoqués dans ce rapport sont évidents même dans les projets REDD présentés ou déjà acceptés par l’Alliance Climat, Communauté et Biodiversité (CCBA). Pour que les gouvernements réussissent à atténuer le changement climatique en s’attaquant au déboisement, ils doivent s’accorder sur un mécanisme équitable qui vise vraiment à stopper le déboisement et à réduire la demande de bois et de produits agricoles ainsi que d’autres causes sous-jacentes du déboisement. Un tel mécanisme récompenserait ceux qui ont déjà conservé leurs forêts. Il devrait mettre à profit les expériences des peuples autochtones et des populations du monde entier qui savent déjà comment gérer les forêts et en profiter durablement. Il y a là de nombreux enseignements à tirer.

Télécharger le rapport

Téléchargez le rapport au format PDF en cliquant ici.

 

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David Naulinhttp://cdurable.info
Journaliste de solutions écologiques et sociales en Occitanie.

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