De janvier à juillet 2008, bien au-delà du Cercle Polaire Arctique, Nicolas Mingasson a réalisé une série de portraits de personnages symboles en partageant la vie des populations les plus septentrionales, illustrant ainsi les mutations rapides en cours dans l’Arctique. A travers un blog tenu au jour le jour sur le site de Libération, Nicolas Mingasson a su allier récits et portraits photographiques afin de nous convier nous aussi à l’intérieur de son étonnant périple. Ce très beau livre nous le restitue.
Introduction par Nicolas Mingasson
« L’histoire de cette histoire commence au coeur de l’Océan Arctique où j’ai partagé la vie de l’unique équipe de l’aviation polaire russe ou « spécialistes polaires russes » ayant repris la route du Pôle après la débâcle de l’Union Soviétique. Ensemble nous avons vu la banquise devenir toujours plus fine, voire même disparaître de certaines régions. Ensemble nous avons scruté l’horizon avec toujours plus de difficulté à la recherche de plaques de glace suffisamment vieilles, vastes et solides pour y poser nos avions. J’ai vu Igor, Vaschislav ou Ivan déployer des trésors de savoir-faire et de courage pour poser leurs machines sur des couches de glace trop fines ou faire hurler les turbines d’un Antonov sur une piste de seulement 600 mètres quand les normes officielles imposent 1200 mètres. Sans le savoir, nous étions témoins des premiers effets du réchauffement climatique. Il nous faudra encore quelques années pour le comprendre, alertés par la communauté scientifique internationale. Peu à peu, germe en moi le projet d’un travail photographique sur l’Arctique. Un travail auquel je pourrais porter un regard sur les populations de l’Arctique d’ores et déjà confrontées au réchauffement climatique. Un travail où mes images seraient comme des ponts jetés entre eux et nous, entre l’avant du « navire humanité » où sont postées ces sentinelles et l’arrière d’où nous sommes comme aveugles. Etre, en quelque sorte, le messager des « Sentinelles de l’Arctique ». Car oui, l’Arctique est le laboratoire du monde ! Dans les immensités brutes et enneigées de la toundra j’ai mesuré ce qu’est le respect pour sa terre, cette mère qui nous nourrit ; dans les villages autochtones du Nord Taïmyr où errent d’anciens éleveurs de rennes j’ai vu les conséquences de la rupture du lien qui les unissaient à la terre ; à Norilsk, ville que pourtant j’aime, j’ai ressenti les brûlures d’une terre à l’agonie. Presque un an après mon retour de Russie, j’ai réalisé que ce qui devait être un état des lieux photographiques s’est transformé en expérience personnelle. Au contact de ces populations, de leurs cultures, de leurs savoirs, de leur appréhension de l’espace et du temps, j’ai réalisé le fossé qui nous sépare : à mesure que nous perdions le contact avec la terre nous avons perdu la capacité de vivre avec peu et la conscience même de ce que la pénurie peut signifier. Et nous voilà, nous aussi à un tournant. Nous le voyons bien, nous le ressentons plus ou moins clairement (par choix ou par contraintes) notre civilisation va devoir retisser des liens avec la Terre. A ce moment de notre histoire les peuples de l’Arctique peuvent, comme toute sentinelle, nous aider à tracer un cap nouveau. Mais il nous faudra pour cela avoir l’humilité de tourner nos regards vers ces autres humanités. Parti à la rencontre de peuples sentinelles, je reviens convaincu qu’ils sont plus que cela, qu’ils sont aussi les gardiens d’une certaine humanité où l’homme est en accord non seulement avec son environnement mais aussi (et c’est sans doute cela le plus important) avec sa nature profonde de mammifère terrestre ».Extrait de la préface signée Jean-Marie Pelt
« Les grands complexes industriels comme celui de Norilsk la métropole du Grand Nord, annonce la montée en puissance des appétits de ressources minières que le réchauffement climatique ne manque pas de stimuler dans l’ensemble de l’Arctique. Quid alors de ces autochtones, de leur mode de vie séculaire, de leur savoir transmis de génération en génération et surtout de leurs enfants qui finiront bien par succomber aux écrans et aux consoles. C’est l’enjeu ici évoqué de manière subliminale que ces peuples doivent affronter. Seront-il eux aussi « durables »? A nous de les y aider. Et puis il y a les photos qui d’emblée ont accroché mon regard. Merveilleuses, puissamment évocatrices comme celle de cette jeune femme tout de rouge vêtue émergeant d’un troupeau de rennes. Nicolas Mingasson mène une entreprise immensément estimable ». Jean-Marie Pelt est Président de l’Institut Européen d’Ecologie et Professeur Honoraire de l’Université de Metz.Nicolas mingasson : l’Homme au coeur de sa démarche photographique
Le dernier livre de Nicolas Mingasson, Terre des Pôles a fait l’objet d’une exposition sur les grilles du Sénat. Elle circule encore dans les grandes villes de France. Il a toujours placé l’Homme au coeur de sa démarche photographique. Ce sont plus particulièrement les hommes dans les situations extrêmes qui ont motivé ses envies de rencontres. Depuis ces dix dernières années, il a consacré sa vie et son énergie à l’Arctique. Né en 1967 à Paris. Etudes de communication. Dès la fin de ses études il intègre le service photo du journal France Soir et continu dans la voie de la photographie durant son service militaire comme photographe au SIRPA dans la rédaction de « Terre Magazine ». En février 1993, il part avec le soutien logistique de l’ONG française «Solidarités» couvrir le conflit bosniaque. Il sera l’un des deux seuls photographes à atteindre l’enclave de Gorazde au cœur des territoires serbes. Son reportage sera diffusé par l’agence Gamma et publié dans le monde entier (Time, le Figaro Magazine, Paris Match…) et nominé au concours du World Press Photo. Durant les années qui suivent il mêle ses deux passions en participant ou organisant des expéditions à travers le monde : traversée du Tibet à vélo (prix de l’aventure de la ville de Paris), ascension de l’Aconcagua en un temps record, ascensions de sommets vierges en Terre de Feu, traversée à ski du lac Baïkal (exposition au Palais de la Découverte)… Au lendemain du génocide Rwandais il ouvre le bureau de l’ONG «Solidarités» à Bujumbura qui gère l’ensemble des missions Rwanda-Burundi. En 1995 il participe à la première expédition touristique à ski au Pôle Nord géographique en tant que photographe de l’expédition. C’est la révélation pour le Grand Nord. Il assouvi cette nouvelle passion en organisant les expéditions des plus grands explorateurs polaires contemporains comme Jean-Louis Etienne (Polar Explorer), Borge Ousland (1 ère traversée en solitaire de l’arctique), Rune Gjelnes (1ère traversée à ski de l’arctique) ou encore l’Université de Whashington pour le compte d’un programme de la «National Science Foundation». Il travaille également à l’organisation générale des expéditions «Mammuthus» et participe à la production du film «Raising the Mammoth» diffusé à travers le monde entier sur le réseau Discovery Channel.Références
Sentinelles de l’Arctique de Nicolas Mingasson – Editions Jean Di Sciullo – 256 pages – 100 photographies couleur et N&B – ISBN-13: 978-2360000005 – Prix public : 22,90 €