La forêt, qui couvre près d’un tiers du territoire de la France métropolitaine, souffre : des arbres meurent, victimes du réchauffement climatique ou d’attaques de ravageurs (insectes, champignons). Cependant, elle aide à réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère grâce au stockage et à la séquestration du carbone, d’une part, à la substitution des énergies fossiles par l’utilisation du bois pour le chauffage ou la construction, d’autre part. L’ONF, en collaboration avec des partenaires comme l’INRAE, a testé plusieurs solutions pour des forêts plus résilientes.
Les forêts souffrent du changement climatique
L’augmentation de la température à la surface de la terre modifie la répartition des pluies et des vents ce qui entraîne des évènements climatiques extrêmes plus fréquents. Les écosystèmes sont alors menacés et la forêt n’y échappe pas. Températures élevées et manque de pluie assèchent les sols. Les arbres ainsi privés d’eau, souffrent. On parle de stress hydrique et certaines essences voient leur feuillage sécher et tomber plus tôt dans la saison. Les forêts se trouvent alors plus exposées au risque d’incendie et aux attaques de parasites. Certains parasites prolifèrent, et en s’attaquant au tronc, aux feuilles et aux racines, ils peuvent conduire à la mort d’arbres déjà affaiblis par le réchauffement climatique.
Le manque d’eau, un risque réel pour les arbres.
Quand le besoin en eau de l’arbre est trop élevé par rapport à l’eau disponible dans le sol et que les stomates des feuilles (sortes de «pores» qui permettent les échanges gazeux) ne sont pas totalement fermés, des bulles d’air se forment dans les vaisseaux de l’arbre et empêchent la conduction de l’eau, créant une embolie que l’on appelle cavitation et qui conduit au dépérissement de l’arbre et à terme à sa mort.
Les conséquences :
En 2100, 50% de la forêt basculerait en inconfort climatique si l’on suit la prévision des +4° indiquée par le gouvernement dans sa trajectoire d’adaptation au changement climatique. Ces sécheresses à répétition mettent les arbres dans des états de stress hydrique important. Les sapins et les hêtres rougissent, les épicéas sont attaqués par les scolytes, les châtaigniers par la maladie de l’encre… Même le chêne, pourtant moins sensible aux variations climatiques, est concerné.
Résultat : une « tempête silencieuse »
La mortalité des arbres s’est accélérée dans des proportions sans précédent.
670 000 hectares de forêts sont touchées par des dépérissements dans l’hexagone (dont 300 000 ha de forêts publiques sur les 4,6 millions gérés par l’ONF).
- Augmentation du taux de mortalité en 10 ans.
- Capacité de séquestration du carbone divisée par 2 en 10 ans.
Les 3 atouts de la forêt et du bois face au changement climatique
Afin d’assurer leur croissance, les arbres absorbent le CO2 présente dans l’atmosphère. En France, 31,2 millions de tonnes de CO2 sont ainsi séquestrées chaque année dans les forêts.
Même coupés, les arbres continuent leur lutte contre le réchauffement climatique. Une partie du CO2 reste stocké dans le bois, un matériau durable. Le bois est aussi le matériau le plus renouvelable. Dans une forêt bien gérée, chaque arbre coupé laisse place à un nouvel arbre.
Le bois, substitué au ciment et à l’acier dans la construction, permet de limiter des rejets de CO2. Pour se chauffer on l’utilise à la place du charbon, du pétrole et du gaz naturel.
Séquestration, Stockage, Substitution, sont les 3 atouts de la forêt et du bois dans la lutte face au réchauffement climatique. On les appelle les 3S. Ils représentent 27% des émissions de CO2 en France.
1 tonne de CO2, c’est ce que peut stocker 1 m3 de produits fabriqués en bois.
Un panel de solutions pour des forêts plus résilientes
Face au changement climatique, on agit en terrain incertain. La meilleure formule est de tester plusieurs solutions. De nombreuses actions ont déjà été mises en place sur le terrain, depuis une dizaine d’années, grâce notamment aux travaux de recherche menés par l’ONF en collaboration avec des partenaires comme l’INRAE. Ces actions vont dans le sens d’une modification progressive un peu partout des forêts en France, avec l’impératif de créer les conditions d’une forêt plus diversifiée et équilibrée face aux enjeux climatiques, environnementaux et sociétaux.
1- Vers une forêt mosaïque
L’ONF a retenu le concept de forêt mosaïque comme fondement de l’adaptation des forêts aux changements climatiques. Le principe est la diversification, c’est-à-dire une forêt offrant un paysage varié, organisé en futaie régulière (arbres sensiblement de même âge au sein d’une même parcelle), irrégulière (arbres de tous âges au sein d’une même parcelle), zone de régénération naturelle, zones de plantations, îlots d’avenir où sont testées des essences nouvelles à caractère plus résistant aux sécheresses, tout en continuant d’y associer des zones en libre évolution (réserves biologiques, îlots de sénescence) nécessaires pour préserver la biodiversité.
2 – Privilégier la régénération naturelle
La régénération naturelle compte encore pour 80% de la régénération de la forêt. Cela signifie que l’ONF cherche en priorité à donner un coup de pouce à la nature. Les forestiers de l’ONF dégagent les jeunes pousses pour permettre leur croissance, tout en laissant se faire la germination naturelle des graines apportées par le vent ou par certains animaux.
Alors que les dépérissements s’accélèrent, l’ONF fait le choix d’accompagner les dynamiques d’évolution spontanées. Quatre cas de figure sont possibles :
- La forêt est jugée apte à résister à l’évolution climatique (50% de la forêt française serait dans ce cas) : l’ONF poursuit sa stratégie « historique » de renouvellement par régénération naturelle. C’est le scénario de reconduction de l’existant.
- La forêt en place est jugée vulnérable pour les essences-objectifs, mais d’autres essences présentes s’avèrent nettement mieux adaptées. L’objectif sera alors de favoriser ces dernières pour obtenir un mélange plus résilient. C’est le scénario de recombinaison entre espèces en place, par régénération naturelle.
- La forêt en place est jugée vulnérable pour l’ensemble des essences qui la composent. Dans ce cas on ne peut plus se limiter à la seule régénération naturelle. Il faut injecter du « sang neuf » sous forme d’enrichissement par des provenances ou des essences plus résistantes, ayant des gênes issus d’autres essences au tempérament plus méridional. C’est le scénario de transformation sur base d’essences autochtones.
- La forêt est située dans un secteur qui pourrait sortir des domaines biogéographiques et bioclimatiques connus de notre pays, pour basculer dans des situations climatiques connues uniquement à l’étranger. Les essences de secours seront donc elles aussi à identifier hors de France. Dans ce cas extrême, minoritaire en surface, l’introduction raisonnée et maitrisée d’espèces exotiques se justifie, sauf à considérer que le maintien d’une forêt à cet endroit n’est plus un objectif. On est là dans le domaine expérimental mené par le service Recherche, Développement et Innovation (RDI) de l’ONF, avec les projets d’îlot d’avenir et les dispositifs expérimentaux de diversification en gestion.
3 – Mettre en œuvre le renouvellement forestier
Le Gouvernement a lancé, à l’automne 2020, un plan de relance doté d’un volet forestier comprenant une mesure dédiée au renouvellement forestier, avec 60 millions d’euros et 10 100 ha pour la forêt domaniale. D’autres aides locales (Région, mécénat, compensation défrichement…) sont venues renforcer le dispositif gouvernemental d’aides au renouvellement forestier.
En Provence – Alpes – Côte d’Azur, cela s’est traduit au total par :
- 57 forêts publiques concernées 308 000 plants
- 510 hectares de forêts renouvelées ou enrichies.
Dans le cadre du plan d’investissement France 2030, 500 millions d’euros ont été attribués aux forêts françaises qui s’ajoutent aux 300 millions d’euros déjà déployés en 2021 dans le cadre du Plan de Relance pour rendre la filière forêt-bois plus résiliente.
Avec France 2030 « renouvellement forestier », 40 millions d’euros sont affectés à la forêt domaniale et 5000 ha de peuplements sont ou vont être régénérés.
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur :
- 960 000 € affectés à la forêt domaniale,
- 219 ha de peuplements régénérés.
4 – Diversifier les ressources génétiques forestières
Pour réussir l’adaptation au changement climatique, même si la régénération naturelle reste privilégiée, il faudra recourir plus que par le passé à la plantation ou à l’enrichissement. Ceci nécessite de disposer de ressources génétiques adaptées. Pour cela, plusieurs leviers doivent être mobilisés :
- les vergers à graines,
- la valorisation des ressources génétiques forestières via les conservatoires et banques de graines méridionales ou rares,
- la mise en place de dispositifs expérimentaux.
Ces dispositifs sont pilotés par le département Recherche, Développement et Innovation (RDI) de l’ONF qui réunit 70 chercheurs mobilisés aux côtés des forestiers.
Les îlots d’avenir
En créant en pleine forêt des « îlots d’avenir », l’ONF cherche à connaitre les essences d’arbres qui, demain, sauront résister aux climats plus chauds et secs. Ce dispositif, unique en France, permettra de démultiplier les résultats des expérimentations et de tester de nouvelles essences et provenances d’arbres afin de sélectionner les plus adaptées. Un véritable laboratoire pour les chercheurs de l’ONF.
424 îlots d’avenir ont déjà été implantés en France dont 24 en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans 6 forêts domaniales, totalisant 8 250 plants de 6 essences (sapin de Céphalonie, calocèdre, cèdre de l’Atlas, pin noir de Salzmann, sapin de Douglas, pin blanc de Bosnie).
La forêt refuge pour la faune sauvage
Plusieurs inventaires ont permis t’attester la présence d’espèces remarquables.
- Les oiseaux : plus de 150 espèces dont certaines vulnérables comme le Grand Duc d’Europe, la Chevêche, le Butor étoilé, le Crabier chevelu…
- Les chiroptères (chauve-souris) : 11 espèces inventoriées, dont les plus intéressantes : la Barbastelle d’Europe, Le Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune et soprane, le Molosse de Cestoni, le Petit rhinolophe…
- Les insectes : de nombreux coléoptères saproxyliques sont des bio-indicateurs qui attestent de la qualité écologique des forêts comme la Lucane cerf-volant, le Grand Capricorne, le Taupin… Deux espèces très rares, le Pique-Prune et le Bupreste du chêne, inféodés aux troncs et cavités des vieux arbres feuillus.
La forêt domaniale abrite aussi des espèces plus communes :
- des grands mammifères : renard, blaireau, sanglier, chevreuil et des espèces introduites (mouflon de Corse et cerf Sika),
- des petits mammifères : fouine, lièvre et lapin,
- des oiseaux chassables : bécasse, grive, pigeon et perdrix rouge.