La révision du plan national pour la Nature en ville, menée par le Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, s’inscrit dans La Stratégie Nationale Biodiversité 2030, qui prévoit de « ramener de la nature en ville pour s’adapter aux conséquences du changement climatique et améliorer le bien-être des citadins ». Associée à ces travaux, la LPO prône un changement de paradigme afin de s’appuyer sur la préservation du vivant pour rendre les villes plus résilientes au changement climatique tout en luttant contre l’effondrement de la biodiversité.
L’étalement urbain est à l’origine de 70 % des 30 000 hectares d’espaces naturels et agricoles qui disparaissent chaque année en France en raison de l’artificialisation des sols. Certaines espèces sauvages se sont adaptées au milieu urbain et s’y sont développées. La ville peut créer des espaces propices ou défavorables à la faune. L’architecture des bâtiments et les méthodes de gestion des espaces végétalisés vont être déterminantes.
La ville peut créer des espaces propices ou défavorables à la faune. L’architecture des bâtiments et les méthodes de gestion des espaces végétalisés vont être déterminantes pour la survie des oiseaux, mammifères, insectes et autres reptiles qui partagent nos espaces de vie.
La rénovation énergétique peut avoir des conséquences désastreuses sur la nidification des hirondelles et des martinets, l’aménagement des combles peut condamner une colonie de chauve-souris, la construction d’une clôture peut couper la route aux hérissons, l’éclairage peut perturber les espèces nocturnes, une piscine ou une façade de verre peut devenir un obstacle mortel, etc.
Les conséquences sont déjà mesurables : selon le Suivi temporel des oiseaux communs (STOC) coordonné par la LPO et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), entre 1989 et 2019, les espèces des milieux bâtis ont perdu plus du quart de leurs effectifs. Plus spécifiquement, un quart des hirondelles de fenêtre, la moitié des martinets noirs, les trois-quarts des moineaux parisiens ont disparu en moins de 20 ans.
Lors d’une rencontre du Club U2B (Urbanisme, Bâti, Biodiversité) réunissant plus de 200 participants au Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, la LPO a présenté ses propositions pour rendre les villes plus résilientes aux évolutions du climat tout en luttant contre l’effondrement du vivant.
Le programme « Nature en Ville » de la LPO a pour objectif d’articuler toutes les échelles de l’habitat humain, de l’agglomération au toit-terrasse, afin de partager le territoire avec la faune. Il s’adresse aux collectivités territoriales afin de faire du vivant le fil conducteur de l’aménagement urbain, par l’acculturation et l’apport de solutions. La LPO porte 10 mesures prioritaires et réalistes pour le mettre en œuvre :
- Développer et partager la connaissance de l’état de la biodiversité sur le territoire national, en s’appuyant notamment sur des Atlas de la biodiversité communales (ABC) qualitatifs et aux protocoles unifiés
- Renforcer les trames écologiques et cartographier les points noirs des continuités écologiques, afin de prioriser les actions en matière de renaturation
- Former et mobiliser les élus et les acteurs de l’aménagement urbain, notamment pour assurer le respect de la réglementation relative aux espèces protégées
- Systématiser l’intégration de règles favorables à la biodiversité dans les outils de planification urbaine tels que les PLUi, pour en faire de leviers de protection de la nature
- Préserver l’existant à l’échelle du projet urbain en réalisant des diagnostics pédologiques et écologiques pour identifier précisément les impacts et préserver les sols fonctionnels
- Protéger les espèces sauvages du bâti dans les travaux de rénovation en assurant leur meilleure prise en compte dans les normes de construction et de rénovation.
- Favoriser l’installation du vivant en ville, en favorisant le maintien et la création d’espaces végétalisés, qui apportent le gite et le couvert à la faune sauvage1.
- Amplifier la lutte contre les pollutions lumineuses et sonores en faisant appliquer la réglementation qui est à ce jour très peu respectée
- Optimiser la renaturation des sols artificialisés en promouvant les méthodologies de réhabilitation des sols dans les marchés publics
- Intégrer la biodiversité dans les labels et certifications liés au bâti, tel que le label RGE.
Le développement humain qui se fait au détriment de la nature a aujourd’hui atteint ses limites planétaires. En ville comme partout ailleurs, il est urgent de redonner au reste du vivant la place qui est la sienne : parmi nous
Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO
1 – Partager la connaissance de l’état de la biodiversité sur le territoire national
par la multiplication d’atlas de la biodiversité communale (ABC) aux protocoles identiques, qualitatifs et incluant des critères de prospection au sein du bâti et des friches.
La connaissance de la biodiversité à l’échelle de chaque territoire est essentielle pour déterminer les zones à enjeux forts. Les ABC constituent une opportunité intéressante à cet égard mais nécessitent un travail d’homogénéisation méthodologique et la mise en place d’une capitalisation des données au niveau national. Dans un contexte de lutte contre l’artificialisation des sols (Zéro artificialisation nette – ZAN), les friches industrielles représentent une réserve de foncier à mobiliser. Mais ces espaces servent d’habitat pour certaines espèces et constituent des éléments de trames écologiques. Il est donc nécessaire de réaliser des diagnostics au sein des friches d’un territoire afin d’adapter leur usage (logements, bureaux, parc écologique, etc.) aux enjeux en termes de biodiversité.
2 – Renforcer les trames écologiques et prioriser les enjeux de renaturation
en cartographiant les points noirs au niveau des terres comme des cours d’eau.
Le milieu urbain, peu végétalisé et très compartimenté par des murs et clôtures, rend la ville difficilement franchissable pour la faune. Les espèces inféodées aux milieux aquatiques rencontrent des difficultés similaires de déplacement en raison notamment de l’artificialisation voire l’enterrement des cours d’eau. Les points noirs de rupture des continuités écologiques sont à cartographier afin d’identifier les priorités d’action.
3 – Mobiliser élus et acteurs de l’aménagement urbain pour la prise en compte de la biodiversité
en les formant sur la réglementation relative aux espèces protégées ainsi que sur les outils et leviers existants pour préserver le patrimoine naturel.
La loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature protège de nombreuses espèces et leur habitat. Méconnue, elle est peu respectée en milieu urbain, où les besoins de la faune et de la flore sont le plus souvent ignorés. Former élus et acteurs de l’aménagement à la nécessité et aux moyens de prendre en compte la biodiversité s’avère incontournable pour parvenir à préserver efficacement le vivant.
4 – Faire des outils de planification urbaine des leviers de protection de la nature
en systématisant, notamment dans les Plan locaux d’urbanisme (inter)communaux (PLU(i)), l’intégration de règles favorables à la préservation et au renforcement du vivant en ville
Chaque collectivité territoriale doit être en mesure de préserver la biodiversité sur son territoire et de retranscrire dans les documents d’urbanisme la mise en œuvre de règles et d’actions contraignantes visant à répondre aux enjeux (exemple : imposer des clôtures perméables, des plantations de haies, des espèces végétales locales, etc.).
5 – Préserver l’existant
par la réalisation obligatoire d’études d’impact basées sur des diagnostics pédologiques et écologiques pour chaque site de projet d’aménagement urbain.
Un projet d’aménagement doit être réfléchi à l’aide de l’étude des parcelles concernées et de leur environnement proche afin de réduire au maximum les impacts potentiels sur le vivant. Les diagnostics pédologiques, encore très peu utilisés, permettent de préserver les sols fonctionnels et d’identifier les sites dégradés pouvant être renaturés.
6 – Protéger les espèces du bâti
par la sensibilisation des acteurs de la rénovation urbaine aux impacts de leurs opérations, la réalisation de diagnostics écologiques spécifiques et leur prise en compte dans les normes de construction et rénovation.
Les constructions humaines sont utilisées par certaines espèces protégées comme zones de nidification, repos et alimentation. La réglementation n’est pas suffisamment appliquée car peu de diagnostics écologiques sont réalisés pour ce type de projets.
7 – Favoriser l’installation du vivant en ville
en réalisant des espaces végétalisés favorables à la faune sauvage.
Les espaces végétalisés sont à (re)penser dans une logique de préservation de la biodiversité et de résilience climatique en impliquant tous les publics (collectivités, citoyens et entreprises). Il est urgent de faire comprendre l’importance écologique des zones dédiées à la flore spontanée et en libre évolution.
8 – Amplifier la lutte contre les pollutions lumineuses et sonores
en appliquant la réglementation prévue et en sensibilisant élus, professionnels et citoyens aux impacts négatifs sur le vivant.
La pollution lumineuse représente une perturbation majeure pour la faune et flore nocturnes. La réglementation en vigueur est très peu respectée, notamment en ce qui concerne les mesures d’extinction des éclairages. Moins connus, les impacts liés au bruit sont eux aussi conséquents. La méthodologie pour la réalisation d’une trame blanche reste à établir.
9 – Optimiser la renaturation
en promouvant des méthodologies écologiques de réhabilitation des sols artificialisés incluses dans les marchés publics.
Afin de réellement favoriser le vivant en ville. Il s’agit bien de renaturer et non de reverdir, ce qui doit figurer clairement dans les cahiers des charges des marchés publics. Par ailleurs, la filière « économie circulaire » des terres est à organiser afin de systématiser l’utilisation de terres provenant de chantiers en cours lors de ces opérations (l’utilisation de terres agricoles devant être strictement interdite).
10 – Intégrer la protection de la biodiversité dans les labels et certifications
liés à la préservation de l’environnement
Certaines certifications environnementales généralistes sont dépourvues d’axe biodiversité : ainsi le label RGE, remis aux acteurs de la rénovation, ne délivre pas de connaissances sur les espèces protégées du bâti et sur les solutions existantes pour les préserver dans le cadre des travaux.
Le programme « Territoires engagés pour la nature » vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d’actions en faveur de la biodiversité. Il s’adresse aux communes et intercommunalités quelle que soit leur taille, qu’elles soient débutantes ou initiées en matière de biodiversité.
- Rappel : la LPO préconise de suspendre les travaux d’entretien des jardins et espaces verts, pour ne pas déranger la faune sauvage pendant sa période de reproduction, de mi-mars à fin août. ↩︎