Suffit-il vraiment de travailler plus pour gagner plus ? La société française offre-t-elle réellement aux moins diplômés une chance de quitter un quotidien de précarité ? Ou bien serait-ce le goût du risque qui manque à ceux qui ne décollent pas du SMIC ? En janvier 2007, Elsa Fayner part pour Lille en se fixant comme objectif d’aller chercher des réponses à ces questions. Pour observer de l’intérieur le monde du travail précaire, la jeune journaliste se lance dans une recherche d’emploi, munie d’un CV sans relief. Entre les petites annonces, l’ANPE et les candidatures spontanées, elle trouve rapidement du travail. Télévendeuse d’abonnements téléphoniques, serveuse de hot-dogs en grande surface, femme de ménage dans un hôtel quatre étoiles… De son immersion, elle tire un récit surprenant, bien souvent à contre-courant des certitudes qui, à gauche comme à droite, faussent la réflexion sur les travailleurs précaires.
Son expérience comme employée d’étage dans un hôtel symbolise la mutation du marché du travail : « L’hôtel appartient maintenant à des investisseurs. Leur but est de réaliser des économies à tous les niveaux. […] En attendant la revente et la plus value, on bricole ». « On reprise, on rapièce, on s’arrange tous ensemble pour faire tourner l’établissement, solidaires », partage un salarié. Télévendeuse, Elsa subit « un vrai lavage de cerveau ». Quant un employé réalise un vente, « il doit s’applaudir, ce qui donne le signal au plateau, qui tout entier se met à battre les mains. Alors même que la plupart, nous sommes en pleine conversation téléphonique. On ne s’entend plus ». Dans un univers où tout est minuté, surveillé,optimisé, la pression est la règle. La compétition est permanente entre les vendeurs, dont les meilleurs pourront gagner leur photo sur le mur ou des tickets de jeux de grattage… Chez Ikéa, pour ses 20 heures hebdomadaires, Elsa touchera 740 euros brut à la fin du mois, malgré un rythme harassant et une polyvalence extrême. Xavier Frison dans Politis (N°989 – Semaine du 14 au 20 février 2008) rappelle qu’« en France, un salarié sur trois touchant le Smic travaille à temps partiel. Un quart de ces temps partiel gagne moins de 480 euros net par mois, et la moitié moins de 750 euros. Pour une personne seule, le RMI est de 440 euros. Une personne seule avec un enfant ou un couple sans enfant touchent 661 euros. Les travailleurs pauvres vous saluent bien ». Et pourtant, je me suis levée tôt… : Une immersion dans le quotidien des travailleurs précaires de Elsa Fayner – Editions du Panama – 172 pages – Prix public : 15 €