La Commission Européenne a présenté hier son paquet Energie-climat. Le WWF regrette le manque d’ambition générale de la Commission sur la politique de réduction des émissions de GES et le fait qu’elle ait cédé aux sirènes de l’égoïsme de certains intérêts particulier, qu’ils émanent des Etats ou des lobbies industriels. En revanche, l’Organisation Mondiale de Protection de l’Environnement se félicite de certaines avancées dans le domaine des énergies renouvelables ainsi que de l’harmonisation du marché des quotas de CO2.
Une directive sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui manque de souffle
En ce qui concerne la répartition des efforts de réduction des émissions de GES entre Etats-membres, le WWF déplore que la Commission ait limité sa zone cible à 20% alors qu’il conviendrait de viser 30%. Cela aurait été cohérent avec les décisions du Conseil européen de mars 2007 qui intégrait cet objectif de 30% en cas d’accord international satisfaisant en 2009. Si l’on souhaite limiter le réchauffement climatique à 2°C, l’objectif de réduction des émissions ne peut être que de 30% et non de 20%. Cette ambition limitée est d’autant plus surprenante de la part de l’Union européenne qu’elle avait obtenu des pays signataires du Protocole de Kyoto, lors du sommet de Bali, un accord sur un objectif de réduction des émissions des pays riches de 25 à 40%. Des améliorations drastiques de la proposition de la Commission sont donc indispensables de la part du Parlement et du Conseil Européens. « La Commission Européenne a présenté une proposition relativement faible, et pas un seul pays européen ne l’a soutenu pour des objectifs plus ambitieux », déclare avec déception Stephan Singer, responsable du Bureau Européen Climat et Energie du WWF. « 20% de réduction des émissions en 2020 par rapport à 1990, cela correspond à un maigre 10% par rapport à aujourd’hui. C’est un petit effort pour combattre une menace pouvant conduire à la fonte de l’Arctique et au déplacement de centaines de millions de personnes dans les pays en développement à cause de l’augmentation des inondations. ».Un marché carbone mieux harmonisé mais trop laxiste pour certaines industries.
Le WWF se félicite de l’harmonisation au niveau européen de la distribution des quotas de CO2 aux industriels. Mais la proposition de la Commission conduit dans le même temps à donner encore gratuitement des quotas de CO2 à des industries qui n’ont objectivement aucun problème de concurrence internationale, comme l’aviation. « C’est un cadeau financier pour ces secteurs, et un manque à gagner pour le soutien de politiques climatiques en Europe et dans les pays en développement, notamment pour l’adaptation de ces derniers» déclare Damien Demailly, chargé du programme Energie et Climat au WWF France. Le WWF approuve également l’objectif contraignant d’énergie renouvelable confirmé par la Commission.Avancer rapidement sur les propositions de la Commission
Le WWF demande au Parlement Européen et au Conseil de se mettre rapidement d’accord afin que les principales mesures soient adoptées avant les élections au Parlement en 2009. Cela afin de renforcer la crédibilité de la position européenne sur la scène internationale avant le Sommet de Copenhague en décembre 2009 où un accord global doit être trouvé sur l’avenir du Protocole de Kyoto. Pour Damien Demailly, « la France, qui prendra la présidence de l’UE pendant le second semestre de 2008, a un rôle crucial à jouer pour l’adoption rapide de ces mesures. Mais cette rapidité ne doit pas servir d’excuse à un manque d’ambition. De plus, en voulant faire adopter l’ensemble de ces mesures sous forme d’un paquet, la France prend un risque inacceptable : si elle échoue, le calendrier européen fait que l’UE ne sera pas prête pour Copenhague. La France doit être prête à faire avancer les dossiers séparément ».
L’UE va-t-elle retrouver son leadership dans la lutte contre les dérèglements climatiques ? Première réponse demain 11 septembre.
Depuis de nombreux mois, l’Union européenne fait preuve d’un silence assourdissant dans le cadre des négociations sur l’avenir du protocole de Kyoto (UNFCCC), à l’opposé des pays comme l’Afrique du Sud ou la Norvège. Elle est affaiblie par les tergiversations autour du Paquet Energie Climat qui doit définir son objectif de réduction d’émissions ainsi que ses engagements à aider les pays en développement.
En l’état, le paquet Energie climat est très en dessous de ce qui est nécessaire pour agir efficacement contre les dérèglements climatiques et maintenir l’augmentation de température en dessous des 2 degrés fatidiques. Si l’UE parle de réduire ses émissions de 30%, ce chiffre n’est toujours pas gravé dans le marbre. Et les moyens prévus pour aider les pays en développement sont non seulement faibles mais aussi remis en cause par de nombreux Etats membres, en particulier le Royaume-Uni.
Dans ce contexte de frilosité ambiante, le Parlement européen va-t-il redonner du tonus aux négociateurs européens et de l’espoir pour le climat ? Première réponse demain 11 septembre avec le vote des parlementaires européens de la Commission ITRE (Industrie, Recherche et Energie).
« Ces parlementaires ont eu à faire face à un lobby très fort de certains industriels – en particulier Shell – qui craignent de perdre beaucoup si l’Union européenne devient une zone économique leader dans l’efficacité énergétique et la limitation des émissions de gaz à effet de serre. » explique Damien DEMAILLY, chargé du programme Energie Climat au WWF-France. « Face à leur chantage à l’emploi et à la délocalisation, nous opposons une Europe sobre en énergie qui assurera plus de sécurité d’approvisionnement en produisant à l’intérieur de l’Union, ce qui créera plus d’un million d’emplois non délocalisables. Demain, la commission ITRE du Parlement va nous donner un avant-goût de ce que sera l’Europe de l’énergie dans 10 ans »
Le vote de la Commission ITRE sera suivi, le 7 octobre, de celui de la Commission Environnement. Le Parlement sera alors en ordre de bataille pour négocier avec les Etats Membres, à la tête desquels la France, présidente du Conseil européen.
Pour Serge ORRU, directeur général du WWF-France, « la France doit créer une dynamique permettant à l’Union de se désintoxiquer aux gaz à effet de serre, et en faire un continent solidaire des pays du Sud. Il lui reste moins de trois mois pour accomplir cette tâche. Si elle échoue, l’Union met lourdement en péril les chances de réussite des négociations de Poznan ».