Pour sa réouverture après deux ans de travaux, la Grande Halle de la Villette à Paris, qui était autrefois un abattoir, se réconcilie avec les animaux. Sur 3500 m2, dans une scénographie étonnante, l’exposition “Bêtes et Hommes” interroge la manière dont les humains et les animaux entrent en relation dans le monde d’aujourd’hui. Sous un angle inédit, en considérant l’animal pour lui-même – un être vivant à part entière – et non pour ce que ses représentations symboliques disent de l’homme, l ’exposition montre comment, à travers des pratiques concrètes, humains et animaux se sont mutuellement transformés. Les animaux, comme les humains, ont une histoire ; ils interprètent le monde où ils agissent et modifient leurs comportements en fonction de ce qu’ils perçoivent.
Pourquoi « Bêtes et Hommes » dont il y avait tout lieu de redouter la banalité du sujet ? Pour Yolande Bacot, directrice des expositions au Parc de la Villette, « mille signes ont témoigné qu’il y avait là matière à une vraie réflexion pour autant que l’on s’attache à la seule question de la relation des humains aux animaux aujourd’hui dans le monde occidental et que les animaux soient bien pris pour eux-mêmes et non pas dans leur représentation symbolique ou imaginaire ». La perception que l’on vit une nouvelle grande phase d’extinction des espèces, la prise de conscience que les animaux que l’on mange ne sont pas des choses transformables à l’infini sans conséquences fâcheuses pour les humains, les découvertes récentes de compétences très sophistiquées chez certains mammifères ou oiseaux de nature à ébranler les humains sur leur manière de penser le vivant, etc… nous ont alerté sur l’enjeu philosophique et sociétal de ce qui allait devenir « Bêtes et Hommes ». « Bêtes et Hommes » a pris corps puis forme avec cette proposition étonnante de Patrick Bouchain, scénographe assisté d’Isabelle Allégret, d’une installation couvrant 3500 m2, faite de huttes en cordage et toile de jute, suspendues aux fermes de la Halle. Des abris, des refuges pour symboliser ce dont tout être vivant – humain ou animal – a besoin et surtout pour créer l’intimité nécessaire à la rencontre avec des oeuvres plastiques, photographiques, à l’écoute de sons, à la découverte d’audiovisuels, etc… Car « Bêtes et Hommes » a aussi cette originalité là de donner sa place et toute sa place aux artistes sans les enrôler dans un propos qui ne serait pas le leur, tout en conservant une narration faite de témoignages audiovisuels, de textes, de citations dont une des plus jolies est sûrement celle de Kant : « L’éléphant a aussi une queue courte avec de longs poils raides dont on se sert pour nettoyer les pipes… « . Si « Bêtes et Hommes » est une exposition rigoureuse, elle n’en est pas moins très joyeuse, offrant aux visiteurs en dehors du plaisir esthétique, celui d’éprouver la présence irremplaçable d’animaux vivants ; des animaux nés en captivité ou recueillis par des zoos après avoir été soit blessés soit abandonnés. Ces animaux « en résidence » – mainates, iguanes, outardes, loutres, corneilles, vautours – résument finalement en eux-mêmes cette question centrale de l’exposition : comment vivre ensemble, humains et animaux, aujourd’hui ? «[…] on s’y promène en famille comme dans un jardin extraordinaire, butinant un savoir toujours inattendu, à la fois pointu et pédagogique, mis à la portée de tous par une scénographie audacieuse.» LE NOUVEL OBS, 18 octobre