Depuis plusieurs mois, plus personne ne fait de cadeau à George Bush. Cette semaine pourtant, tout avait bien commencer pour lui. Il recevait Nicolas Sarkozy. Alors que les anciens alliés de la campagne d’Irak se désolidarisent, la France vient revendiquer son attachement aux Etats-Unis ! «Le peuple français aime les Américains», lance Nicolas Sarkozy devant un parterre d’entrepreneurs. A la Maison Blanche, le président français renchérit : «Je veux reconquérir le cœur de l’Amérique […]. Nous sommes des amis, des alliés depuis toujours et pour toujours.» Pour le Président américain, ce moment de bonheur partagé sera de courte durée. Nicolas se rend compte qu’il en fait peut-être un peu trop. Alors oui, comme le souligne l’envoyé spécial de Libération Antoine Guiral (édition du 9 novembre 2007), il n’a pas lésiné sur les clichés pour s’offrir des standing ovations au Congrès. Oui, ses audaces sur son rejet du capitalisme spéculatif et la nécessité pour l’Amérique de porter le combat de l’environnement (« nous avons besoin des États-Unis pour sauver la planète ») ne suffisent pas à dissiper son complet virage atlantiste. Mais, il se souvient que Bush reste le leader le plus impopulaire en France et qu’il aurait été plus prudent de marquer quelques distances. Selon Le Point, Sarkozy explique alors lui-même ses démonstrations d’amitié pour Bush non seulement parce qu’il le trouve sympathique, et a un bon contact personnel avec lui (en grande partie fondé sur une hostilité commune envers les « intellectuels » qui n’ont pas le culte de l’action), mais parce qu’« il est là pour encore quinze mois et les problèmes sont trop pressants pour que nous attendions le prochain président des États-Unis pour nous y attaquer ». Alors, quant Bush s’est à son tour livré à un grand show, persuadé d’avoir trouvé en Sarkozy «un partenaire pour assurer la paix dans le monde», Nicolas se crispe. George Bush aura beau être démonstratif avec ses marques d’affection, l’illusion se fissure. Lui qui espérait un complet ralliement de la France, peut-il vraiment compter sur Sarkozy ? Quelle sera l’attitude de la France si les Etats Unis attaquent l’Iran ? A défaut d’avoir des réponses, Bush espérait finir tranquillement sa semaine.
Mais voilà, le Président français à peine parti, il apprend que la Californie porte plainte contre son administration sur les questions d’environnement (dépêche AFP du 9 novembre 2007 – voir aussi l’article sur le site du Nouvel Observateur). Après des mois de mises en garde à l’Agence de protection de l’environnement (EPA), qu’ils accusent d’inaction, les dirigeants de l’Etat américain le plus peuplé, le gouverneur Arnold Schwarzenegger en tête, ont annoncé avoir lancé des poursuites à Washington contre cet organisme fédéral.
La plainte accuse l’EPA d’avoir pris un retard abusif, de près de deux ans, dans le processus de décision sur une loi qui rendrait obligatoire une réduction de 30% des émissions des véhicules d’ici à 2016. La Californie dispose du droit d’adopter des règles plus strictes en matière d’émission de polluants que l’administration fédérale, qui doit toutefois les approuver. «Washington n’est pas fondé juridiquement à se mettre en travers de notre route, ou à ignorer les voeux de dizaines de millions d’Américains. Donc, une fois de plus, les Etats prennent les devants», a affirmé Arnold Schwarzenegger lors d’une conférence de presse dans la capitale Sacramento. Une douzaine d’Etats devraient se joindre à cette plainte, selon lui. Après les incendies survenus en octobre, la Californie est désormais en état d’urgence depuis vendredi, en raison d’une marée noire.
Désormais confronté à des catastrophes naturelles en série, le premier pollueur mondial s’interroge sur sa consommation à outrance et sur son impact sur l’environnement.
Après Hollywood, l’industrie télé arbore, elle aussi, le drapeau vert. Après avoir ignoré les problèmes écologiques, tous les programmes s’y mettent. Les séquences sur l’écologie sont désormais quotidiennes dans les journaux télévisés ou même dans les talk-show. Et c’est du jamais vu aux Etats-Unis : la chaîne NBC, depuis le 4 novembre dernier, propose avec Green is universal 150 heures de programmes sur l’écologie. Infos, séries, talk-show donnent des conseils pour consommer mieux en respectant la planète. Télérama (n°3017 – semaine du 10 au 16 novembre 2007) décrypte ce nouveau phénomène avec cette question : la télé écolo, simple mode ou tendance durable ? Emmanuelle Dasque (à lire en page 34 de Télérama), nous propose un tour d’horizon des télévisions américaines et des programmes en projet. Ainsi, après Trippin, l’une des premières émissions écologiques diffusées aux Etats-Unis (co-produit par Cameron Diaz) sur MTV, la chaîne Sundance (fondée par Robert Redford) a lancé une série de programmes hebdomadaires intitulée The Green. L’émission Big Ideas for a small planet met en avant des initiatives portées par de jeunes entrepreneurs, créateurs ou chercheurs. Discovery Channel a aussi créé l’événement en programmant ce mois-ci une série de documentaires intitulé Planet Earth. Discovery planche également sur une chaîne Planet Green pour laquelle Leonardo DiCaprio devrait réaliser une série Eco-town (sur la reconstruction d’une ville dévastée par un ouragan). Même Kiefer Sutherland (qui interprête Jack Bauer, le héros de 24 heures chrono) alerte, sur le site de la série, le télespectateur sur les dangers du réchauffement climatique et l’urgence à changer nos modes de vie.
George Bush peut se rassurer. Tout ne va pas si mal pour le système qu’il incarne. Même si la prise de conscience écologique est en marche, pendant ce temps, le prix du baril de brut, lui, s’envole et Total fait le plein. Le groupe pétrolier vient d’annoncer 3,121 milliards d’euros de profits au troisième trimestre 2007. Pourquoi les confortables marges des compagnies pétrolières ne fondent-elles pas ? s’interroge Yann Moulier-Boutang dans Libération (édition du jeudi 8 novembre 2007). Deux raisons à ce phénomène, répond le journaliste, la répercussion automatique des hausses du prix à la production sur le prix à la pompe génère des réévaluations de leurs stocks qu’elles empochent intégralement : ces derniers représentent entre trois semaines et un mois de consommation. Un baril acheté ou produit à 65 dollars est revendu 95. La culbute a de quoi faire pâlir d’envie plus d’un.
Le changement viendra-t-il un jour ? Certains, l’espèrent toujours. Le Sommet du millénaire, qui s’est déroulé jeudi et vendredi derniers à Montréal, devait permettre à l’ensemble des participants de vérifier l’accomplissement des objectifs du millénaires pour le développement que les 191 états membres de l’ONU se sont engagés à réaliser d’ici 2015. En 2000, la Déclaration du millénaire de l’ONU avait été adoptée à l’occasion du plus vaste rassemblement mondial de dirigeants de l’histoire. Les participants avaient engagé leur pays dans un nouveau partenariat mondial en vue de réduire la pauvreté, d’améliorer la santé ainsi que de promouvoir la paix, les droits humains, l’égalité entre les sexes et la durabilité de l’environnement.
A mi-chemin de l’objectif, les organisateurs du sommet constatent que de nombreux pays sont loin d’avoir tenu leurs promesses. Cependant, intitulé « un forum pour initier des changements profonds « , les intervenants comme le Prix Nobel de la paix Desmond Tutu, Cherie Booth Blair ou Sam Hamad, ont délivré des messages d’espoir. Parmi les personnalités invitées à ce sommet, Michael Douglas, l’acteur américain, qui s’implique en faveur du désarmement – armes à feu et nucléaires – depuis 25 ans, s’est dit fier de participer au Sommet du millénaire de Montréal qu’il compare à un Davos humanitaire.
Pour Michael Douglas, le Sommet de Montréal est un endroit propice au dialogue. Selon lui, une situation unique se dessine en ce moment sur la planète. « Pas seulement aux États-Unis, a-t-il spécifié, mais bientôt il y aura des élections majeures partout dans le monde. L’acteur invite les citoyens à se mobiliser sinon, « il pourrait y avoir des changements dramatiques dans les deux, trois ou quatre prochaines années. »
Le porte-parole du Sommet, Patrick Huard, a traduit à sa manière, l’importance des témoignages apportés par les grands témoins : « Desmond Tutu a vu le plus beau et le plus laid sur la Terre et il parle comme un jeune de 15 ans, comme moi à l’époque où je croyais que je pouvais avoir des ailes comme un aigle et voler. Lui, il a 75 ans et il y croit encore. Je ne sais pas ce qui s’est passé depuis que j’ai eu 15 ans, mais je vais essayer de faire comme lui et d’y croire encore. »
Finissons donc cette revue de presse sur l’intervention de l’artiste canadien Gregory Charles au Sommet du Millénaire : « On est là parce que l’idée de changer le monde n’a rien d’impossible, que ça n’a rien de douteux. On est là aussi pour montrer ce qu’il y a de beau dans la future génération qu’on veut protéger. »