Le Var est le théâtre d’une pollution éhontée. La situation prend un tour dramatique, menaçant directement la santé de ses habitants. Mais à l’heure actuelle, rien n’indique que la situation évoluera en faveur de l’environnement et de la santé publique. La situation que l’on connait dans cette région magnifique étant révoltante, Frédéric Mullier, varois de coeur et d’adoption depuis des années, à la demande d’amis témoins des événements relatés, s’est proposé pour rédiger et diffuser leur petite « enquête » sur les activités de la région. Tous espèrent maintenant une prise en compte des enjeux pour protéger ce qui reste de leur environnement immédiat.
Nous ne sommes pas à Naples, où l’industrie du traitement des déchets a été complètement phagocytée par la mafia locale, mais dans le Var, au sud-est de la France. Dans ce département, la pollution due aux déchets dangereux se répand dans les campagnes, les décharges sauvages se multiplient aux alentours des villes et les sociétés chargées du retraitement opèrent de façon complètement irresponsable. Voici le portrait sinistre d’un département qui semble ne plus savoir quoi faire de ses déchets.Le problème des décharges illégales…
D’après l’association Environnement Méditerranée (EnviMed), il y aurait dans le Var pas moins de 37 décharges illégales contre seulement quatre décharges légales. Ces sites non autorisés servent à l’amoncellement de produits en tout genre et comblent la demande de retraitement dans ce département. Aussi ont-ils quelques points communs des plus surprenants. Ces décharges appartiennent en effet souvent à des particuliers qui offrent à des sociétés de venir y déposer en vrac leurs déchets en échange d’une rémunération jusqu’à 5 fois inférieure au coût de la prise en charge de ces matériaux dans les filières de traitement légales. Ces sites se trouvent par ailleurs le plus souvent dans des zones peu fréquentées, loin des centre-villes et souvent au cœur même d’espaces naturels protégés. On en trouve un exemple à Beausset. Aux alentours de ce village varois, on trouve « la déballe », l’une de ces innombrables décharges illégales tenues par des propriétaires terriens peu scrupuleux. « Ça fait dix ans qu’on y va (…). On a couvert des montagnes là-bas […]. On a jeté de tout… du béton, du plastique, des bidons d’huile », expliquent les chauffeurs de camion que l’on envoie déverser des déchets dans cet endroit et dont les propos sont rapportés par la presse. Ces travailleurs désabusés dévoilent ainsi la méthode utilisée par ces propriétaires terriens pour combler des pans entiers de relief vallonné. Au prix d’une érosion et d’une pollution continue des sols et des cours d’eau. D’après l’Observatoire du Tourisme Varois, le Var est la seconde destination touristique française après Paris ; cette activité lui apporte un revenu considérable et vital. Mais dans la balance économique et environnementale varoise se trouve aujourd’hui l’un des actifs les plus précieux de ce département : son image. À terme en effet, le maintien de l’attractivité touristique du département ne saurait être garanti sans une protection rigoureuse de ses espaces naturels, de son patrimoine environnemental, mais aussi et surtout de sa qualité de vie. Or aujourd’hui, la pollution menace directement ces atouts. Et le Var a du chemin à faire pour renouer avec des standards durables de gestion des déchets, car le problème ne se limite pas aux décharges illégales.… Et celui des décharges légales
L’insuffisance patente d’infrastructures de traitement des déchets dans le Var n’incite guère les exploitants de décharges légales à pratiquer des tarifs particulièrement attractifs, ni même à démontrer beaucoup de sérieux pour entretenir leur affaire. Dans ses articles, la presse régionale se fait régulièrement l’écho des malversations perpétrées par ces prestataires au professionnalisme douteux. Fin 2011, Var Matin retraçait l’historique d’une condamnation d’une filiale du Groupe Pizzorno Environnement par le tribunal correctionnel de Draguignan. La société SMA, l’exploitant de la décharge de Bagnols-en-Forêt, a ainsi été contrainte de payer une amende de plus d’un million d’euros pour avoir emmagasiné pendant une dizaine d’années du mâchefer dans une décharge équipée pour ne recevoir que des déchets inertes. Le mâchefer, déchet toxique issu de la destruction de matériel électronique, a ainsi pollué pendant une dizaine d’années les sols de la commune de Bagnols-en-Forêt pendant que SMA s’enrichissait d’un commerce qu’elle prenait soin de cacher aux plus hautes autorités locales. Les réactions à cette affaire furent vives à l’époque. « Dans ce dossier, les personnes en cause ont fait n’importe quoi », commentait alors Raymond Léost, chargé des affaires juridiques de France Nature Environnement. Mais la FNE le sait : « cet exemple de délinquance environnementale n’est malheureusement pas un cas isolé ». Une autre décharge varoise est devenue le thème d’un feuilleton médiatique depuis plusieurs années déjà. Il s’agit du site de Balançan qui se trouve au cœur de la commune du Cannet-des-Maures et de la réserve naturelle nationale de la plaine des Maures. Il y a quelques années, les installations de cette décharge ont été jugées non conformes et responsables de la pollution des sols et cours d’eau avoisinants. En 2010, le site a été condamné pour avoir continué l’exploitation de ces installations. En 2012, une nouvelle condamnation frappait la décharge qui avait continué, et même intensifié ses activités en acceptant d’accueillir les ordures de 120 communes varoises. Pendant ce temps, la situation de la décharge du Balançan n’avait pas évolué d’un iota : comme le constatait Paul Garcia, président d’Éthique Environnement, « l’exploitant de la décharge bafoue les règles élémentaires de protection ». Cet exploitant n’est autre que… Pizzorno Environnement lui-même. Les prestataires désignés par les pouvoirs publics aussi charrient leurs lots de secrets inavouables. Ainsi les déchets de toutes provenances contribuent à intoxiquer le Var et ses paysages, à la vue de l’ensemble de ses habitants décontenancés. La situation du territoire est catastrophique, et pourtant rien n’est entrepris pour réguler sérieusement cette situation ; ni par la Ministre de l’écologie Delphine Batho, ni par Laurent Cayrel, fraîchement nommé Préfet du Var. Ni-même, à sa décharge (sans mauvais jeu de mots !), par ses prédécesseurs. C’est à croire qu’il ne serait donc pas nécessaire de s’inquiéter de la pollution et de ses conséquences sanitaires, environnementales et touristiques. Oui, mais en laissant faire, ce département est en train d’hypothéquer une partie significative de son avenir. Au grand dam des Varois, que l’on aura pris soin de maintenir dans l’ignorance.
Déchets toxiques : une condamnation aggravée des filiales du groupe Pizzorno
FNE, FNE PACA et l’UDVN 83 sont satisfaites de l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui condamne les deux sociétés filiales du groupe PIZZORNO pour l’exploitation illégale de la décharge de Bagnols en Forêt (83) qui accueillait illégalement des déchets toxiques.
Des pratiques totalement illégales en matière de déchets
Depuis 2002, l’exploitation de la décharge des Lauriers de Bagnols en Forêt avait été confiée à la société SMA (société moderne d’assainissement) filiale du groupe PIZZORNO. Ces deux derniers ont été condamnés à nouveau en appel pour avoir réceptionné des déchets toxiques qui de par leur nature et leur provenance ne pouvaient y être déposés. Une enquête avait permis de révéler une intention délibérée de dissimuler les déchets qui arrivaient dans la décharge : boues de station d’épuration, gravats de chantiers et pas moins de 84 000 tonnes de mâchefers. Aussi, des polluants, provenant de la fermentation de tous ces déchets, s’étaient écoulés dans le milieu naturel.
Selon Amanda Bouard, chargée de mission industrie de France Nature Environnement PACA : « L’utilisation de mâchefers pour couvrir des ordures ménagères est particulièrement déconseillée, car les jus de fermentation des ordures ménagères mobilisent les métaux lourds dans les mâchefers générant une pollution des sols et des eaux. Les exploitants ont fait preuve d’un grand laxisme dans cette affaire et cela ne doit pas se reproduire.»
Les décharges sont encadrées pour éviter justement tout risque pour l’environnement alors que, dans ce dossier, les personnes en cause ont seulement eu pour but de réaliser des profits financiers au détriment de l’environnement.
Une aggravation des amendes de sociétés qui ont tiré profit de ces infractions
Les juges d’appel ont alourdi le montant des 623 amendes infligées à la société SMA, pour un total de 747 600 euros. La Cour déclare aussi la société SOVATRAM, filiale du groupe PIZZORNO, coupable du délit de faux pour avoir dissimulé l’acheminement de déchets toxiques dans cette décharge et la condamne à une peine de 50 000 Euros d’amende.
Pour Raymond Léost, responsable du réseau juridique de France Nature Environnement : « les profits retirés par les filiales du groupe Pizzorno en raison des fautes commises sont sanctionnés par la justice. Les associations sont reconnues comme de véritables victimes par la remise en cause des efforts faits par elles en faveur de l’environnement »
Nos trois associations parties civiles dans cette affaire, sont donc satisfaites de l’arrêt rendu et espèrent que le montant des amendes prononcées permettra d’éviter que de telles situations se reproduisent. La prise en compte de l’environnement dans le cadre de l’exploitation des décharges doit réellement devenir incontournable.