Alors que les compagnies devraient totaliser 5 milliards de dollars de bénéfice net en 2007, le président de l’Association Internationale du Transport Aérien, Giovanni Bisignani, lors de la dernière assemblée générale annuelle de l’organisation à Vancouver, fixe un objectif très ambitieux au transport aérien: ne plus émettre de CO2 d’ici à cinquante ans.
Le directeur général de l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA) Giovanni Bisignani a consacré une large part du discours d’ouverture de l’assemblée générale annuelle à Vancouver au défi de l’environnement. « Le bilan environnemental de l’industrie est positif: sur les quatre dernières décennies, nous avons réduit les nuisances sonores de 75%, éliminé les émissions de suie et amélioré le rendement du fuel de 70%. Les investissements qui se comptent en milliards dans le renouvellement de la flotte permettront d’opérer des appareils qui consomment 25% de fuel en moins, d’ici 2020 », a expliqué Bisignani. Mais au rythme actuel, en dépit des améliorations techniques, les Nations-Unies ont calculé que le transport aérien, en 2050, représentera 3% des émissions de gaz carbonique mondial, contre 2% actuellement. L’IATA a donc choisi d’aller plus loin en prônant désormais une approche « stratégique » plus que « technique », avec pour objectif ambitieux de faire du transport aérien « un secteur qui ne pollue pas – zéro émission », selon les voeux de Giovanni Bisignani. Pour tendre vers ce niveau plancher, l’Association avance quatre priorités. Les quatre priorités de Giovanni Bisignani : 1. Gestion du trafic aérien : « Diminuer l’inefficacité du trafic aérien de moitié d’ici 2012 signifie que nous économiserons 35 millions de tonnes de CO2. Trois projets phares pourraient apporter des résultants concrets : un ciel unique pour l’Europe, un « Pearl River Delta » efficace en Chine et un système de gestion du trafic aérien nouvelle génération aux Etats-Unis ». « Mais les gouvernements traînent des pieds. Le ciel unique européen pourrait générer une baisse des émissions de CO2 de 12 millions de tonnes. Mais il n’y a eu qu’une accumulation de dialogues pendant les 15 dernières années, qui n’ont rien amené. Ceci est inconsistant et irresponsable ». 2. La technologie : « Je défie les Etats-Unis, l’Europe, le Canada, la Chine, le Brésil, la Russie et le Japon de coordonner leur recherches sur un appareil “zéro émission” puis de confronter leur résultats pour développer des produits basés sur cette recherche. Un fuel propre est aussi primordial. Les gouvernements ont arrêté leurs investissements dans les carburants alternatifs alors que les compagnies pétrolières sont occupées à compter les 15 milliards USD de marges des raffineries que l’industrie aérienne est en train de payer. Le premier objectif est de remplacer 10% du fuel par une énergie alternative à faible teneur en carbone sur les 10 prochaines années. Et le deuxième objectif est de commencer à développer un carburant qui ne génère pas de carbone à partir d’énergies renouvelables. Il est temps que les gouvernements et l’industrie pétrolière fassent de sérieux investissements ». 3. Une approche globale : « Le défi pour l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) et ses 190 Etats membres est de mettre en place un tableau des émissions globales qui soit juste, efficace et à la disposition de tous les gouvernements qui l’utiliseraient sur la base du volontariat. L’assemblée de l’OACI de septembre est une opportunité à ne pas rater. La pertinence de l’OACI dépend de sa capacité à fournir une solution globale à ce problème important ». 4. Activités écologiques : « Le dernier défi à relever par les compagnies aériennes est la mise en place de stratégies écologiques dans tout le secteur. IATA développe le IATA Project Green afin d’aider les compagnies à mieux utiliser les systèmes de gestion environnemental. Cela placera l’environnement au même rang que la sûreté et la sécurité dans les engagements faits à nos 2 milliards de passagers ». « Ceci ne sera pas réglé en une nuit et personne n’a toutes les réponses. Mais l’industrie aérienne est née sur la réalisation du rêve que les gens pouvaient voler. Nous pouvons déjà apercevoir les fondements d’un avenir sans carbone : la technologie dite Fuel Cell, une flotte fonctionnant à l’énergie solaire et un fuel fabriqué à partir de biomasse. En travaillant ensemble avec une vision commune, une industrie respectueuse de l’environnement est possible ». « Les politiciens pensent de façon écologique mais ne voient que l’argent. Au nom de l’environnement, le Chancelier britannique Gordon Brown a doublé le taux de la taxe Air Passenger Duty. L’environnement n’en a pas profité mais les compagnies et leurs passagers paient un milliard de livres pour ses références écologiques. Et l’Europe est en train de se précipiter pour inclure l’aviation dans les échanges d’émissions en même temps que les gouvernements se penchent sur les compensations d’émissions. Les politiques sont schizophrènes. Nous avons eu assez de communication. Il est temps de fournir des résultats concrets ». « Ceci ne sera pas réglé en une nuit et personne n’a toutes les réponses », reconnaît Giovanni Bisignani, qui pense cependant son projet « absolument réalisable ». Mais les compagnies européennes telles que Air France sont déjà effrayées par la volonté de l’Union Européenne de les inclure dans son programme de limitation des émissions de gaz carbonique dès 2011. Un plan qui constituerait un manque à gagner cumulé de 40 milliards d’euros pour les compagnies sur la prochaine décennie, selon un rapport rendu public à Bruxelles. Les compagnies craignent des disparités de traitement entre européens, américains et asiatiques dans le futur, qui en pénaliseraient certaines et garantiraient à d’autres une relative impunité en terme d’émission de gaz carbonique. D’où la nécessité d’une solution à la fois ambitieuse et véritablement globale. L’IATA a du pain sur la planche.