Le 9 novembre 1989, la chute du « mur de la honte » érigé au centre de Berlin en 1961, est filmée en direct et commentée comme la victoire du « monde libre » sur le communisme soviétique. Cet évènement est l’occasion pour les médias de célébrer ce jour où le monde a changé. Mais a-t-il vraiment changé ? Certes, l’Europe est réunifiée. Mais, ailleurs, partout sur la planète 18 000 kilomètres de nouveaux remparts vont bétonner les frontières au nom de la sécurité des Etats. Après « le rideau de fer », les barrières infranchissables se dressent à nouveau pour séparer encore le monde en deux entre eux et nous. Il y a bien entendu ceux qui séparent déjà Israël à la Cisjordanie, les Etats-Unis au Mexique. Mais les remparts fortifiés existent aussi en Europe avec les enclaves espagnoles de Mellila et de Ceuta sur la côte marocaine… Les murs bétonnent également les frontières de nombreux autres pays : l’Inde et le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie, l’Arabie Saoudite et le Yémen pour ne citer qu’eux. Mais les murs désormais existent même dans les Etats eux mêmes, notamment aux Etats-Unis entre quartiers riches et pauvres… Alors oui, célébrons la chute du mur de Berlin, surtout si c’est l’occasion de lancer un vrai débat public sur un phénomène mondial dont la politologue américaine Wendy Brown nous alerte sur une des issues possibles : « Un jour, les murs qu’on érige aujourd’hui pour nous protéger d’éléments dangereux ou étrangers deviendront inévitablement, eux aussi, des prisons. »
Pour approfondir ce sujet voici quelques lectures indispensables par des auteurs aussi remarquables que Michel Fournier, Tzvetan Todorov ou encore Michel Agier.Michel Foucher : « Les murs symbolisent la négation de l’autre »
Selon Michel Foucher, auteur de L’Obsession des frontières (Librairie Académique Perrin, 2007), ces murs imposés représentent, contrairement aux frontières bilatérales, une négation de l’existence de l’autre. Ancien ambassadeur de France en Lettonie, Michel Foucher enseigne la géographie à l’Ecole normale supérieure. Il est également membre du Conseil des affaires étrangères et du comité scientifique de la Fondation Robert Schuman. Voici son analyse : « Depuis 1991, plus de 26 000 kilomètres de nouvelles frontières internationales ont été instituées, 24 000 autres ont fait l’objet d’accords de délimitation et de démarcation, et si les programmes annoncés de murs, clôtures et barrières métalliques ou électroniques étaient menés à terme ils s’étireraient sur plus de 18 000 kilomètres. Jamais il n’a été autant négocié, délimité, démarqué, caractérisé, équipé, surveillé, patrouillé. » Il poursuit : « Je soutiens que le monde, pour être viable, a besoin de frontières » mais pourquoi faut-il des remparts fortifiés, « destinés à rendre l’autre invisible ? On ne veut pas se voir, on ne veut plus les voir chez nous ». Le livre de Michel Foucher présente la qualité rare d’associer vision planétaire et réalités frontalières. Je vous invite donc à le lire, il est disponible chez notre partenaire Amazon.fr. L’occasion de vous annoncer que Michel Foucher est également le directeur scientifique de « Des frontières et des hommes », un nouveau festival interdisciplinaire qui a débuté aujourd’hui et qui se déroulera jusqu’au 26 novembre prochain à Thionville. Plus d’infos sur : www.desfrontieresetdeshommes.eu. Ce festival de réflexion, d’échanges et d’animations a l’ambition de décliner la thématique des frontières dans toutes ses dimensions, dans le temps et dans l’espace.Michel Agier : gérer les indésirables
Michel Agier, anthropologue à l’Institut de recherche pour le développement, est directeur d’études à l’EHESS, où il dirige le Centre d’études africaines. Depuis 2004, il est membre du conseil d’administration de Médecins sans frontières. Depuis plusieurs années, il s’intéresse aux réfugiés. A ces quelques 12 millions de personnes qui fuient la misère, la dictature ou encore la guerre et qui se heurtent aux clôtures des camps humanitaires ou encore aux 250 centres de rétention et d’hébergement aux portes de l’Europe et qui les maintiennent « aux bords du monde ». Avec un constat implacable : « 85 % des demandes d’asile étaient acceptées en 1990, 85 % sont refusées depuis le milieu des années 2000. » Pour Michel Agier, « l’Europe de l’après-guerre froide trace ses limites en créant la violence sur ses marges ». Plus grave, Michel Agier démontre dans un livre « Gérer les indésirables : Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire » que l’action humanitaire, la seule réponse désormais apportée, reproduit elle-même une logique totalitaire où les « indésirables » sont mis à l’écart et où la dispense de soins est conditionnée par le contrôle, le filtrage, le confinement…Books : les nouveaux murs de la peur
Procurez-vous le numéro d’octobre 2009 du magazine Books (N°9). En compagnie du scénariste britannique David Hare, du journaliste californien Marc Cooper et du philosophe français Tzvetan Todorov, vous pourrez entrer en profondeur dans les arcanes d’une réalité déconcertante avec, par exemple, la lecture d’une carte du monde des murs qui donne une idée de la situation. Il faut absolument lire l’entretien avec Tzvetan Todorov, historien et directeur de recherche honoraire au CNRS, qui précise qu’il y a bien entendu mur et mur. La problématique du mur israélien n’est pas de même nature que celle du mur de Berlin. La barrière dressée à la frontière entre le Mexique et les États-Unis relève encore d’une autre logique. Le point commun, c’est la mise en place d’une solution bancale destinée à conjurer la peur de l’autre. Cet entretien est en ligne sur le site de Books. Tzvetan Todorov est l’auteur de La Peur des barbares (Robert Laffont, 2008).Télérama Horizons : le mur de Berlin 20 ans après
Au-delà de ce qui est devenu incontournable, autrement dit tout ce qui s’est joué le jeudi 9 novembre 1989, il y a toute une Histoire qui mérite le détour. C’est ce que raconte le dernier hors-série de Télérama (en kiosque depuis le 9 septembre – 100 pages au prix de 7,50 €) que je vous recommande tout particulièrement. Exemple à travers le regard pointu de Raymond Depardon. Depardon, familier de Berlin où il se rend, tout jeune reporter, dès 1962, 6 mois donc après la construction du mur. Et il nous offre alors un cliché étonnant, des enfants qui, en quelque sorte, « jouent au mur » en empilant des briques, en faisant semblant de se tirer les uns sur les autres… 27 ans plus tard Libération l’appelle :« ça y est le mur vient de tomber, fonce… » Une fois sur place, Raymond Depardon saisira quelques jours plus tard un instant de grâce : un punk, à cheval sur le mur, qui crie… Télérama Horizons nous raconte tout et nous montre tout : Juin 89, Berlin et le baiser de Gorbatchev à Erich Honecker, le baiser de la mort. Et puis la suite, Bucarest décembre 89, la fuite et l’exécution des Ceaucescu, décembre 90,Varsovie, Lech Walesa élu président, et puis Moscou, 25 décembre 91, la disparition de l’Union soviétique… Histoire d »en savoir plus, consultez un extrait de ce hors-série sur le site de Télérama.
20 ans après la chute du mur de Berlin : 18 000 km de nouveaux remparts à travers le monde
Le mur de berlin est tombé, mais qu’attendons nous pour faire tomber celui de Nicosie ?
Chute de mur, à quand la prochaine ?
Sans son enlisement en Afghanistan, aidé par les USA et leur soutien à ce qui est devenu Al Qaïda et talibans, sans la souplesse de Gorbatchev et sans ses difficultés économiques, le système soviétique se serait-il affaibli au point de devoir céder ?
3 problèmes que rencontre l’Occident aujourd’hui, qu’il ne faut pas aborder donc. Surtout que, si le mur de Berlin n’était qu’une manifestation du système, le mur de l’argent de l’Occident en est la cause.
A quand sa chute ?