Danielle Nierenberg est chercheur senior à l’Institut Worldwatch, une organisation environnementale basée à Washington, DC. Elle voyage actuellement à travers l’Afrique subsaharienne évaluant des solutions durables pour l’environnement dans la lutte contre la faim et la pauvreté. Cette étude aboutira avec la sortie de L’état du monde 2011 : Des innovations qui nourrissent la planète. A suivre sur CDURABLE.info … chaque semaine une nouvelle initiative pour nourrir la Planète.
Cette semaine, Danielle Nierenberg nous écrit de Lomé, au Togo pour partager les innovations qui contribuent à réduire le temps de travail que les agricultrices passent chaque jour dans de nombreuses activités de main-d’œuvre. Par exemple, dans certaines parties du monde, les femmes peuvent passer jusqu’à huit heures par jour seulement à chercher de l’eau pour leur ménage. Les organisations comme Practical Action, International Development Enterprises et le Secours Catholique ont mis au point des projets qui donnent accès aux femmes à des outils et des technologies telles que les cuisinières sans feu, les unités de production de biogaz et les pompes de pression qui permettent de réduire le travail nécessaire pour les tâches quotidiennes nécessaires mais qui prennent beaucoup de temps. Donc, ces projets améliorent la qualité de vie de communautés entières. La majorité des agriculteurs en Afrique subsaharienne sont des femmes ; dans certaines régions ces chiffres atteignent 80 %. En règle générale, l’agricultrice dans la région est responsable non seulement de la production alimentaire mais aussi de chercher de l’eau et du bois, ce qui représente une journée de travail de 16 heures. La déforestation et la sécheresse provoquée par le changement climatique ont augmenté le temps que ces femmes consacrent aux activités comme la recherche du bois de chauffage et de l’eau pour le bain, la cuisine et le nettoyage. Beaucoup de femmes en Afrique n’ont pas d’accès aux ressources et aux technologies qui pourraient rendre ces tâches plus faciles, telles que des houes améliorées, des planteurs, des moulins, des systèmes qui utilisent l’eau de la pluie et des appareils de transport léger. Au Kenya, l’organisation Practical Action a mis en place une cuisinière sans feu pour réduire la dépendance des ménages au bois, au charbon de bois et aux autres formes de combustibles. Faites facilement à la main et à la maison, les cuisinières sans feu stockent la chaleur des poêles traditionnels et l’utilisent pour cuire les aliments plus longtemps. Les repas qui sont placés dans un four sans feu dans la matinée sont cuits à la chaleur emmagasinée et sont prêts à manger plus tard ce jour-là, réduisant ainsi la nécessité de constamment utiliser les combustibles pour le feu de cuisine traditionnelle. Pendant ce temps, les unités de production de biogaz qui sont alimentées par des effluents d’élevage peuvent sauver, en moyenne, 10 heures de travail par semaine. Sinon, ces heures sont consacrés à la collecte de bois ou d’autres combustibles. En reconnaissant la valeur de ce gain de temps, le gouvernement rwandais, veut que 15.000 ménages à l’échelle nationale utilisent le biogaz d’ici à 2012 et va subventionner les frais d’installation. (Voyez aussi « Construire une feu au méthane » et « Avez-vous du biogaz ? ») Le « Mosi-o-Tunya » (la pompe qui tonne) ou pompe à pression, produit par l’organisation International Development Enterprises (IDE), est une pompe légère qui se trouve au sommet d’un puits et qui est actionnée au pied. Le poids de la pompe la rend facile à utiliser et à transporter à pied ou à vélo. Veronica Sianchenga, une fermière de la village Kabuyu, en Zambie, a expliqué comment, en plus d’améliorer le régime alimentaire de sa famille et son revenu, la pompe lui a donné plus d’indépendance: « Maintenant, nous ne sommes pas obligées de compter uniquement sur nos maris, parce que nous pouvons faire nos propres projets et aider nos maris, faire mieux pour nos familles, mieux manger, nous vêtir et même avoir une maison. » (Voyez aussi « l’accès à l’eau améliore la qualité de vie des femmes et des enfants. ») En Ethiopie, l’organisation Catholic Relief Services (CRS) a aidé les femmes qui vivent dans les basses terres rurales situées à proximité d’Ajo à améliorer leurs revenus et moyens d’existence en créant un groupe de commercialisation du lait. Avant que le projet financé par l’USAID ait été mis en œuvre, les femmes portaient 1 à 2 litres de lait pendant sept ou huit heures pour les vendre au marché le plus proche de Dire Dawa. Le lait se vendait seulement 20 cents US$ le litre et, après avoir passé la nuit dans la ville, les femmes ne retournaient chez elles que pour faire le même trajet à nouveau quelques jours plus tard. Maintenant, les femmes se relayent pour la vente du lait des uns des autres sur le marché, rendant le long voyage indispensable qu’une fois tous les 10 jours et garde tous le profit de la journée, mettant ainsi un peu d’argent de l’épargne et utilisant le reste pour payer la nourriture, l’école et les produits ménagers. – Photo : Bernard Pollack – Plus de photos dans la Galerie de Nourrir la PlanèteNourrir la Planète : Evaluation des solutions durables pour l’environnement afin de réduire la faim dans le monde et la pauvreté en milieu rural
Un projet du Worldwatch Institute soutenu par la Fondation Bill & Melinda Gates Le développement agricole arrive à un carrefour. Près d’un demi-siècle après la Révolution Verte – la première tentative systématique à grande échelle pour réduire la pauvreté et la faim dans le monde – une grande partie de la famille humaine souffre encore de la faim. Dans le même temps, les investissements dans le développement agricole par les gouvernements, les banques internationales et les fondations sont à leur plus bas niveau historique. Ceci ne pouvait arriver à un plus mauvais moment. La complexité des forces démographiques, économiques et naturelles concourent à rendre plus difficile le défi pour réduire la faim. Ceux-ci incluent la hausse vertigineuse des prix du pétrole et des denrées alimentaires ainsi que le changement climatique et la persistance d’accords commerciaux injustes. Cependant, cette crise nous donne l’opportunité de recentrer l’attention de l’opinion publique sur les ressources alimentaires, l’agriculture et les zones rurales. De façon globale, il s’agit de redonner priorité à la sécurité alimentaire. Dans les prochaines années, les preneurs de décision et les donateurs vont à nouveau attribuer des fonds au développement agricole, ces derniers auront donc grand besoin d’être conseillés. Durant des dernières décennies, a émergé une nouvelle génération d’approches innovantes pour soulager la faim. Celles-ci proviennent de communautés de fermiers, d’organisations bénévoles privées, d’universités et de compagnies agro-alimentaires. La plupart de ces approches offrent des modèles utiles pour des projets à grande échelle. Cependant, il semble de plus en plus évident que combiner les approches (techniques conventionnelles combinées à des approches agro-écologiques ou des méthodes d’auto-évaluation protégeant les ressources naturelles) est plus efficace en termes de productivité, de revenu et de durabilité. Le projet Nourrir la Planète établira une évaluation des nouvelles techniques agricoles – des méthodes de récoltes aux technologies d’irrigation et aux politiques agricoles – en mettant l’accent sur le développement durable, la biodiversité, la santé des écosystèmes ainsi que la productivité. Le projet a un double but : celui d’informer sur les efforts mondiaux pour éliminer la faim et celui de promouvoir ces efforts. Le projet étudiera également les infrastructures institutionnelles nécessaires à chacune des approches, en suggérant les investissements complémentaires pouvant contribuer au leur succès – des banques de semences locales aux installations de traitement et aux bureaux de marketing. Le projet aboutira à la parution de State of the World 2011, un rapport complet sur la situation de l’agriculture ainsi que des documents d’informations dérivés, des résumés, des vidéos et des podcasts. Ce rapport fera office de guide pour les fondations, et les donateurs désirant soutenir les actions les plus efficaces dans le domaine de l’agriculture, dans des contextes agro-écologiques et socio-économiques divers. Les conclusions de ces recherches seront mises à la disposition des nombreux milieux influents dans le domaine agricoles, y compris les ministères des gouvernements, les décideurs en matière de politiques agricoles ainsi que les communautés de fermiers et les organisations non-gouvernementales dans le domaine de l’environnement (dont l’influence va en s’accroissant). Mettant l’accent sur les recherches de terrain, la co-directrice du projet Danielle Nierenberg est actuellement en déplacement en Afrique sub-saharienne afin de rencontrer des fermiers et communautés de fermiers, des représentants de gouvernements locaux, des donateurs et des organisations non-gouvernementales.