Le grand emprunt avait pour ambition « d’aider à l’indispensable transition vers un nouveau modèle de développement, plus durable » si on se réfère au Rapport de la Commission Juppé Rocard. Le Président de la République Nicolas Sarkozy a annoncé hier matin que 5 milliards d’euros seront mobilisés sur l’objectif « développement durable » sur les 35 milliards qui devraient être collectés par le grand emprunt. Pas suffisant pour les ONG, surtout que sur ces 5 milliards d’euros, 1 milliard est prévu pour le développement du réacteur nucléaire de 4ème génération. Ce n’est pas la seule incohérence relevée par le Réseau Action Climat, les Amis de la Terre, le Comité de Liaison Energies Renouvelables, Greenpeace, le Réseau sortir du nucléaire et le WWF qui signent ensemble un communiqué de presse dans lequel ils expriment leur grande déception. Même réaction pour Europe Ecologie pour qui « la France poursuit ses illusions énergétiques » en optant pour la séquestration du carbone et le nucléaire. Quant à Jean-Louis BORLOO, il se réjouit de l’annonce du président et maintient que le développement durable est bien au cœur des investissements d’avenir prévus par le grand emprunt.
Que retenir du discours de Nicolas Sarkozy ?
Nicolas Sarkozy a donc annoncé que le grand emprunt qui sera lancé en 2010 permettra à l’État de consacrer 35 milliards d’euros à des investissements dans cinq « priorités d’avenir ». « Nous avons donc décidé de mobiliser 35 milliards d’euros qui seront exclusivement consacrés aux priorités d’avenir, conformément aux recommandations d’Alain Juppé et de Michel Rocard », a déclaré le chef de l’État lors d’une conférence de presse à l’Élysée. Les cinq chantiers retenus sont l’enseignement supérieur et la formation (11 milliards), la recherche (8 milliards), l’industrie et les PME (6,5 milliards), le numérique (4,5 milliards) et enfin le développement durable (5 milliards). Selon le chef de l’État, par un effet de levier sur les acteurs non étatiques, ce sont au total « 60 milliards d’euros d’investissements publics et privés » qui vont être « déclenchés dans (ces) cinq domaines prioritaires ». Sur les 35 milliards mobilisés par l’État, « 22 milliards d’euros seront levés sur les marchés », a-t-il expliqué, excluant un emprunt auprès des particuliers, jugé plus coûteux. Le reste viendra comme prévu des 13 milliards récemment remboursés à l’État par les banques qui avaient reçu l’aide publique pour surmonter la crise. « Aujourd’hui, nous devons préparer la France aux défis de l’avenir pour que notre pays puisse profiter pleinement de la reprise, pour qu’il soit plus fort, plus compétitif, pour qu’il crée davantage d’emplois », a justifié Nicolas Sarkozy, estimant que « la crise ne (serait) terminée que lorsque le chômage recommencera à baisser ».Jean-Louis BORLOO : le développement durable au cœur des investissements d’avenir
Dans un communiqué de presse émanant du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le Climat, Jean-Louis Borloo exprime sa satisfaction : Le Président de la République a présenté aujourd’hui les investissements d’avenir qui seront financés par l’emprunt national. Les choix opérés à cette occasion confortent la stratégie française de développement d’une nouvelle croissance, respectueuse des équilibres naturels et humains : la croissance verte. En effet, les priorités retenues confirment l’ambition de faire de la France un leader mondial des technologies qui seront demain la clef de la croissance verte : les véhicules du futur, les énergies décarbonées, les villes durables… S’agissant des véhicules du futur, 1 milliard d’euros sera consacré à l’émergence des voitures électriques, mais aussi de navires et de trains moins consommateurs d’énergie : ces choix fondent la mobilité durable des années à venir. 2 milliards d’euros seront également notamment consacrés au développement d’avions moins polluants et d’un satellite mesurant les émissions de CO2. Sur les véhicules du futur, la France s’engage. Le développement des énergies renouvelables et décarbonées est réaffirmé comme une des grandes causes nationales de la décennie : 2,5 milliards d’euros seront confiés à l’ADEME pour leur développement et la création d’instituts de recherche de niveau mondial. Le nucléaire de quatrième génération permettra également de réduire la consommation de matières premières et la production de déchets (1 milliard d’euros). Sur les énergies décarbonées, la France s’engage et fait confiance à l’ADEME. La ville est au croisement des problématiques du développement durable : mobilité, bâtiments, gestion de l’eau et des déchets… La démarche des Eco-cités sera poursuivie et amplifiée grâce à l’emprunt national : un fonds de 1 milliard d’euros soutiendra les démarches urbaines intégrées. C’est le résultat de la démarche Eco-cités engagée par le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer. Enfin, la rénovation thermique des logements sera accélérée : 500 millions d’euros seront confiés à l’ANAH pour favoriser la rénovation des logements privés, tandis que la Caisse des dépôts poursuivra et amplifiera son effort sur le parc social pour aboutir à la révolution thermique dans les bâtiments sociaux. « Fidèle aux conclusions du Grenelle Environnement et aux positions françaises à Copenhague, l’Emprunt national marque une fois de plus la place centrale que nous réservons au développement durable dans nos choix collectifs pour renforcer la croissance. Véhicules du futur, énergies décarbonées, ville durable seront plus que jamais au cœur des travaux de nos universités, de nos chercheurs, de nos entreprises pour les décennies à venir. Les choix présentés aujourd’hui permettront ainsi à la France de prendre une avance déterminante dans les secteurs clef de la croissance durable de demain ! » a souhaité rappeler Jean-Louis BORLOO.Réaction des ONG : « Un grand emprunt très éloigné des enjeux climatiques et énergétiques de Copenhague »
Par Réseau Action Climat – Amis de la Terre – Comité de Liaison Energies Renouvelables – Greenpeace – Réseau sortir du nucléaire – WWF Loin des sirènes de Copenhague et des grands discours, les mauvais réflexes en matière de politique nationale sont toujours là. L’emprunt national et les 35 milliards d’euros mobilisés par l’Etat passent à côté d’une véritable prise en compte des enjeux climatiques et énergétiques d’aujourd’hui et de demain. Pire, ils privilégient les mauvaises pistes (nucléaire, aéronautique,…) au détriment des vraies solutions. Faisant fi des demandes du Réseau Action Climat, du CLER, de Greenpeace, du WWF, du Réseau sortir du nucléaire et des Amis de la Terre, Nicolas Sarkozy a suivi, dans ses grandes lignes, les priorités fixées par le rapport de la Commission Rocard et Juppé. Le Président de la République n’a donc pas souhaité rectifier le tir et rate ainsi une occasion assez rare d’engager des investissements considérables vers un avenir réellement plus écologique. Tout d’abord, le compte n’est pas là avec à peine 15% d’investissements censés apporter un minimum de garanties environnementales, et qui ont été mobilisés sur l’objectif « développement durable ». Nous sommes donc très loin des promesses tenues, notamment celles du Grenelle de l’environnement et de la loi de programmation relative à sa mise en oeuvre, qui dit dans son article 1 « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social ». Ensuite, l’éco-conditionnalité des fonds déployés est tout simplement absente. Par conséquent, des milliards d’euros « grenello-incompatibles » seront distribués en direction du secteur aéronautique, de l’automobile ou encore du nucléaire. Sur ce dernier point, l’aveu du Ministre d’Etat, Jean Louis Borloo, le 30 novembre dernier sur l’antenne de Canal + était pourtant clair « le nucléaire n’est pas une énergie écolo ». Cet argent serait en réalité bien plus efficace en équivalents CO2 évités et en emplois créés s’il était placé sur les vraies solutions connues de tous : la sobriété et l’efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables, la modernisation du réseau ferroviaire classique, un vaste programme de rénovation thermique des logements des plus modestes afin de lutter contre la précarité énergétique, un service public de conseil en énergie efficace, l’accélération du développement des transports urbains et des modes de déplacement sobres en énergie (vélo, marche), et plus globalement, une restructuration de l’activité économique. N’oublions pas que le grand emprunt avait pour ambition « d’aider à l’indispensable transition vers un nouveau modèle de développement, plus durable ». Au final, loin d’être exemplaire dans ses choix stratégiques en matière de Climat et énergie, la France envoie un très mauvais signal à Copenhague à désormais quelques jours de la fin des négociations.Réaction de France Nature Environnement : Le film en négatif de la position française à Copenhague
Dans le cadre du grand emprunt national dévoilé hier matin par Nicolas Sarkozy, le nucléaire se voit une fois de plus dopé par l’octroi d’un milliard d’euros pour soutenir le développement des réacteurs de quatrième génération, et tout cela sous l’égide du « Développement durable ». En plein Copenhague, cette décision clairement anti-développement durable laisse pantois. Une mise au point s’impose. – Attention aux faux discours ! : C’est une grande tendance : depuis l’émergence de la question du dérèglement climatique, le lobby du nucléaire saisit la balle au bond pour présenter le nucléaire comme une solution aux émissions de Gaz à effet de serre. Effectivement, une centrale en fonctionnement ne génère pas, à proprement parler, de gaz à effet de serre, mais limiter le bilan carbone du nucléaire à ce constat, c’est adopter une vision à la fois partielle et partiale. Pour Marc Sénant, chargé de mission du réseau Risques Industriels de FNE : « De plus en plus de personnes, se saisissant du dérèglement climatique, n’hésitent plus à tenir un discours dangereux qui présente le nucléaire comme une énergie propre, sans CO². C’est faire l’impasse sur l’amont de la filière, l’extraction et le transport de l’Uranium en provenance d’Afrique ou d’ailleurs, la construction des centrales, les pics de consommation (qui appellent les centrales au charbon à la rescousse) et les risques présentés par l’aval et les déchets. Evidemment, une telle partialité présente d’un coup de baguette magique le nucléaire comme la solution à nos problèmes climatiques. » Par exemple au Niger, il faut manipuler 1 tonne de minerai pour extraire… 3 kg d’Uranium, soit un rendement de’0,3%. Or pour extraire une tonne de minerai, les machines déployées rejettent des quantités considérables de CO² ! On ne peut pas faire un bilan du nucléaire en occultant cette partie de la filière sous prétexte qu’elle n’est pas en France. – Un choix qui nous mène dans l’impasse : Marc Sénant poursuit : « Aujourd’hui, au niveau mondial, l’énergie nucléaire représente 3% de l’énergie consommée. Imaginons que l’on double le nombre de centrales, en plus de renouveler les existantes qui ont déjà 20 ans d’âge en moyenne, il faudrait pour cela mettre une centrale nucléaire en service par semaine pendant 20 ans ! Cela ne ferait que 6% de l’énergie mondiale. Dérisoire, quand on évoque 20 à 30% de réduction de gaz à effet de serre, en 2030 ! » Faut-il rappeler qu’encore récemment, la France s’est illustrée en s’acharnant à panser les plaies d’un parc nucléaire vétuste ; en cherchant des réponses à l’approvisionnement électrique des français non satisfait par une énergie nucléaire qui atteint ses limites; en multipliant les recours aux centrales à charbon pour pallier la non-disponibilité du nucléaire en cas de grand froid comme en ce moment ? – Une occasion manquée en plein Copenhague : Au lieu de se poser la question du développement du nucléaire, mieux vaut penser à réduire le gaspillage d’électricité, à améliorer l’efficacité énergétique de tout le pays en soutenant les vraies énergies de demain. Pour Arnaud Gossement, porte parole de FNE : « Consacrer un milliard d’euros au nucléaire, c’est ne pas l’injecter dans l’éolien, le solaire, ou la recherche en énergies réellement viables et durables. En plein Copenhague, et alors que la France se targue de défendre une des positions les plus volontaires, on voit que le lobby du nucléaire ne lâche pas prise. » France Nature Environnement déplore cette annonce, d’autant plus qu’elle intervient au moment même où de vraies solutions pour l’avenir de la planète et de l’humanité doivent émerger à Copenhague.Réaction d’Europe Ecologie : « Grand emprunt : la France des illusions technologiques »
Alors que la communauté internationale est réunie à Copenhague pour tenter de sauver le climat, la France poursuit ses illusions énergétiques. Si la très majorité des experts reconnaissent que la transition énergétique, indispensable à la lutte contre les changements climatiques, passe par les économies d’énergie et les renouvelables, la France entretient sa triste différence : séquestration du carbone et nucléaire. Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie réagit : « Tout bouge dans le monde, mais rien ne bouge en France. En concentrant la très grande majorité des investissements de recherche sur la séquestration du carbone (en lien avec Total !) et le nucléaire de 4ème génération, le président Sarkozy choisit de maintenir la France dans les illusions technologiques qui n’ont toujours rien démontré. Il confirme implicitement que les énergies du passé ne peuvent vivre sans financements publics massifs. Plus gravement, c’est autant de moyens qui ne sont pas alloués aux énergies renouvelables de plus en plus compétitives, créatrices de centaines de milliers d’emplois et décentralisées sur nos territoires, ou en devenir comme les énergies marines. Décidément, derrière les grands discours, ce sont les mêmes vieilles politiques qui financent les mêmes institutions et entreprises très peu performantes. On comprend mieux les difficultés des renouvelables à décoller dans notre pays. Triste message reçu à Copenhague ».