L’initiative de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) s’inscrit dans une vague de « démocratie délibérative » dans les pays de l’OCDE. Face à la crise de la démocratie représentative, il s’agit de confier à un groupe de citoyens tirés au sort le soin de faire des propositions de politiques publiques. Elle porte sur un sujet, la lutte contre le changement climatique, dont une des dispositions, la hausse de la taxe carbone, est à l’origine du mouvement des Gilets jaunes. S’il est encore prématuré d’en mesurer précisément l’impact sur l’action climatique, il est possible de faire, avec le recul nécessaire, un premier bilan de ce processus, ses atouts et ses insuffisances et d’en tirer des leçons pour l’avenir. C’est l’objet de la présente étude de La Fabrique Ecologique, think tank qui a mis en place dès sa création il y a 8 ans un dispositif de co-construction citoyenne de ses notes.
Synthèse
La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) est d’actualité : le projet de loi de mise en œuvre de certaines de ses propositions va être finalisé et débattu au Parlement, les 150 citoyens vont se réunir pour faire un bilan de leurs travaux, les initiatives de Conventions de citoyens tirés au sort se multiplient sur le plan local ou national (ex : sur la stratégie vaccinale). L’initiative de la CCC s’inscrit dans une vague de « démocratie délibérative » dans les pays de l’OCDE. Face à la crise de la démocratie représentative, il s’agit de confier à un groupe de citoyens tirés au sort le soin de faire des propositions de politiques publiques. Elle porte sur un sujet, la lutte contre le changement climatique, dont une des dispositions, la hausse de la taxe carbone, est à l’origine du mouvement des Gilets jaunes. S’il est encore prématuré d’en mesurer précisément l’impact sur l’action climatique, il est possible de faire, avec le recul nécessaire, un premier bilan de ce processus, ses atouts et ses insuffisances et d’en tirer des leçons pour l’avenir. C’est l’objet de la présente étude de La Fabrique Ecologique, think tank qui a mis en place dès sa création il y a 8 ans un dispositif de co-construction citoyenne de ses notes. Dans une première partie, il est rappelé le contexte dans lequel la CCC s’est installée, en particulier l’urgence et la relative impasse de l’action climatique. Celle-ci nécessite des transformations profondes de la société et une articulation avec la vie quotidienne que les élites en particulier françaises ont du mal à concevoir. Pour la rénovation démocratique et la sensibilisation à l’action climatique, la portée du processus lui-même est incontestable, et la qualité et l’importance du travail des 150 citoyens méritent d’être saluées. Mais le cadre et les modalités de la CCC, analysés dans la seconde partie, comportent plusieurs aspects contestables, en particulier si on les compare à certaines expériences étrangères. Il s’agit notamment de l’ambiguïté du sans filtre, du rôle des corps intermédiaires, de certains éléments de la gouvernance ou du dispositif d’intervention des experts. L’absence dans la lettre de mission des nécessités de programmation des moyens et de compétitivité économique correspond à une longue et regrettable tradition, depuis le Grenelle de l’environnement, de l’approche des politiques écologiques dans notre pays. Ces facteurs constituent un des éléments d’explication des critiques et des déceptions, et d’affaiblissement de l’efficacité du processus. Dans la perspective du développement indispensable de ce type d’initiative, la note fait trois propositions structurantes pour l’avenir (partie III) : Fixer le rôle, le statut et la portée des propositions faites, notamment l’obligation, pour l’institution chargée de prendre la décision, de délibérer sur les propositions faites sans qu’elles soient modifiées et l’engagement, en cas de rejet, de proposer une mesure de portée équivalente pour atteindre l’objectif fixé. Ce principe pourrait d’ores et déjà s’appliquer au Parlement quand il va délibérer sur le projet de loi de mise en œuvre des propositions de la CCC. Mettre en place une charte de réussite des Conventions citoyennes détaillant les points clés à respecter pour leur bon fonctionnement, notamment les règles d’organisation du tirage au sort, la neutralité véritable de la gouvernance, les modalités d’intervention des garants, le statut très précis de l’intervention des experts par exemple sur le modèle irlandais, et les modalités d’articulation des parties prenantes au travail des citoyen(ne)s, de vote et de suivi. Elargir de manière encadrée à des parlementaires et à des citoyen(ne)s les pouvoirs d’initiatives pour organiser une Convention citoyenne.Sommaire
I. Un processus démocratique inédit et signifiant – A. L’action en matière de changement climatique : l’urgence et l’impasse – B. Le contexte : l’émergence d’une « vague délibérative » – C. Un processus renforçant la sensibilisation à l’action climatique II. Un format et des modalités discutables, sources de difficultés et d’insatisfactions – A. Un format discutable- Un sujet trop vaste
- Une lettre de mission gravement incomplète
- L’organisation de la gouvernance
- L’absence de rôle véritable pour les corps intermédiaire – B. De nombreuses ambiguïtés
- L’ambiguïté dommageable du “sans filtre”
- Les modalités non optimales d’intervention des experts
- Des méthodes discutables de vote
- Un comité légistique au rôle ambigu
- Des interrogations sur le suivi de la Convention – C. Débouchant sur des propositions de portée et de faisabilité inégale
- Fixer clairement le rôle, le statut et la portée des propositions faites par les Conventions ou assemblées citoyennes.
- Mettre en place une charte de réussite des Conventions citoyennes détaillant les points clés à respecter pour leur bon fonctionnement
- Elargir les pouvoirs d’initiatives pour organiser une Convention citoyenne
L’organisation de la Convention citoyenne pour le Climat L’annonce de la création de la convention est faite en avril 2019 dans l’intervention du Président de la République tirant les leçons du Grand Débat. La mission et l’organisation de la CCC sont précisées par une lettre du Premier Ministre datée du 2 juillet 2019 [[La lettre de mission du premier ministre, le rapport final et les principales caractéristiques du processus suivi, en particulier un résumé du processus de sélection, la composition du comité de gouvernance, du comité légistique et du groupe d’appui et la liste des intervenants sont disponibles sur le site de la convention citoyenne pour le climat ]]. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est chargé de l’organisation matérielle de ses travaux. Un Comité de gouvernance indépendant du Gouvernement est mis en place pour assurer l’accompagnement de la Convention [[Il a pour mission (cf. lettre du Premier Ministre) « d’assurer le pilotage de la Convention, de l’appuyer dans l’élaboration de son programme de travail, en superviser la mise en œuvre, définir son règlement intérieur et ses méthodes de travail ».]]. Un collège de trois garants garantit son indépendance et qu’elle puisse travailler dans de bonnes conditions [[Il a pour mission précise (cf. lettre du Premier Ministre) « de veiller à ce que les travaux de la convention se déroulent dans le respect des principes d’impartialité et de sincérité ».]]. Un groupe d’appui de 14 personnes, constitué par le Comité de gouvernance, conseille ses membres dans l’élaboration des propositions de mesures. Un comité légistique de 6 personnes mandaté par le Comité de gouvernance mène un travail de transcription en texte de loi ou de règlement des mesures proposées. Le budget de fonctionnement de la Convention est de 5,4 M€. La Convention se déroule sur sept week-ends entre octobre 2019 et juin 2020. Une dernière session est prévue en février 2021 pour faire le bilan des propositions retenues. Le rapport final est remis à la ministre de la transition écologique le 21 juin 2020 et fait l’objet d’une rencontre avec le président de la République le 29 juin 2020. Un projet de loi pour la mise en œuvre d’un certain nombre de ses propositions doit être adopté en Conseil des ministres début février 2021.Avec la présentation et l’adoption du projet de loi de mise en œuvre des mesures proposées et la perspective d’un éventuel référendum sur l’inscription de la lutte contre le réchauffement climatique et la perte de biodiversité dans la Constitution, il devient possible d’apprécier précisément l’intérêt et les difficultés de cette expérimentation. Il ne s’agit pas à ce stade de juger dans le détail de la pertinence des propositions faites par les citoyens ou de leur degré de transcription législative ou règlementaire, ce qui est encore prématuré, mais de tirer des leçons pour l’avenir de cette forme de démocratie. Cela est d’autant plus utile, voire indispensable, que les initiatives de Conventions ou d’Assemblées citoyennes tirées au sort se multiplient, que cela soit au niveau national ou local, comme en témoignent la création d’un comité de citoyens tirés au sort sur la stratégie de vaccination [[Mis en place en janvier 2021 et composé de 35 personnes tirées au sort, ce comité est chargé de faire remonter les peurs, les résistances et les questions éthiques que peut susciter la vaccination et de donner son avis en la matière.]], ou encore le nombre d’initiatives territoriales du même type.
Note
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