La crise n’a pas fini de produire ses ravages que déjà banquiers et traders ont recommencé – continué? – à s’accorder de folles rémunérations. Cette situation est choquante venant d’établissements ayant reçu des milliards d’argent public et qui peinent à équilibrer leurs comptes. Elle l’est tout autant pour les établissements qui ont connu un rapide retour à une forte profitabilité. Car s’il est légitime qu’une banque soit florissante quand le reste de l’économie l’est aussi, que dire d’un système financier qui dégage d’importants profits pendant que les faillites se multiplient et que le chômage explose? Comment accepter, par exemple, alors que les banques se refinancent auprès de la Banque centrale européenne au taux de 1%, que leurs filiales de crédit renouvelable pratiquent encore des taux de l’ordre de 20% ?
Pourquoi les banques font-elles comme si de rien n’était, comme si la crise qu’elles ont provoquée ne devait rien changer? Parce que les banquiers partagent une conviction et une certitude: la conviction que celui qui gagne des millions le doit à son seul mérite et n’a de comptes à rendre à personne; la certitude que le rapport de force politique et économique est en leur faveur: le pouvoir d’influencer et de nuire des grandes institutions bancaires et la faiblesse, voire la complicité, des responsables politiques leur permettent de ne rien changer à leurs mauvaises habitudes. Face à cette situation, il faut à coup sûr imposer de nouvelles règles au secteur financier. Mais le risque est qu’elles soient conçues par des spécialistes très proches – trop proches – des milieux bancaires, et se contentent de tenter d’éliminer les effets pervers des dispositifs de rémunérations antérieurs, ces fameuses « incitations distordantes », pour reprendre le terme d’un rapport de l’Institut de l’entreprise, que préside Michel Pébereau, dont la banque (BNP Paribas) vient de provisionner dans ses comptes d’importants montants afin de payer les bonus de ses traders. Donnez-nous de bonnes incitations et tout ira bien dans le meilleur des mondes! Dans cette logique, l’enjeu est moins de diminuer les rémunérations fabuleuses des financiers que de mieux les corréler au résultat des entreprises. Avec l’idée que ce n’est pas la logique libérale qui fait problème, mais les règles inadaptées qui ont empêché ses vertus de s’exprimer. Au risque de nous répéter, il existe un moyen efficace de faire comprendre à tous que faire société ensemble suppose que les revenus des uns et des autres demeurent commensurables. Ce moyen, c’est l’impôt. Nicolas Sarkozy, élu sur un programme qui glorifiait la réussite individuelle, qui appelait à ne plus taxer la fortune et à diminuer fortement l’imposition des plus hauts revenus, se refuse à avaler son chapeau. Dommage, car il est urgent, pour la bonne santé de notre société et de notre démocratie, de mettre le holà à cette dérive des très hauts revenus. Les vrais incendiaires ne sont pas chez New Fabris. Au sommaire d’Alternatives Economiques – L’emploi va encore baisser : La petite embellie que connaît l’économie ne doit pas faire illusion: le marché du travail va continuer de se dégrader et le chômage de monter. – Les banques restent toujours fragiles : Les banquiers ont déjà repris leurs mauvaises habitudes, mais le crédit n’est pas reparti et le ménage n’est pas fini dans les bilans des banques. Surtout en Europe. – Le risque budgétaire : En Europe, la fin des plans de relance et un tour de vis budgétaire prématuré risquent de tuer la timide reprise. – De la crise à la guerre ? : Pendant que les économistes disputent de la sortie de crise, les géopoliticiens s’interrogent, précédents historiques à l’appui, sur son rapport à la guerre. Ils ont un peu de temps devant eux. Car, si l’on accepte l’idée d’une relation de causalité entre la récession des années 1870 et la Première Guerre mondiale, ou entre 1929 et la Seconde, il faut prendre acte d’une latence d’une à trois décennies dans son actualisation. Se poser une telle question a l’avantage de montrer qu’elle n’est pas simple. Lire l’article de Jean-François Bayart : chercheur au CNRS (Science Po-Ceri) – La France a-t-elle besoin d’ une taxe carbone ? D’ici à 2050, la France doit diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre. Pour y parvenir, il faut des politiques publiques très actives. – Feuilleter gratuitement ce numéro en version électronique – Acheter ce numéro – Abonnez-vous à Alternatives Economiques