Alors que le sommet du G20 sur la crise financière a abouti sur la publication d’une liste noire des paradis fiscaux par l’OCDE, l’enquête publiée par Alternatives économiques démontre que 100 % des multinationales françaises du CAC 40 ont des filiales dans les paradis fiscaux et judiciaires. A titre d’exemple, la BNP Paribas a 189 filiales dans des paradis fiscaux, dont 27 au Luxembourg et 21 aux Îles Caïman. Danone a 16 filiales à Singapour, Schneider en a 24 à Hong-Kong et PPR en a 30 en Suisse.
La présence des entreprises du CAC 40 dans les paradis fiscaux
Des Bermudes à la Suisse en passant par Panama, toutes les grandes entreprises françaises possèdent des filiales dans les paradis fiscaux. C’est ce que révèle l’enquête menée par Alternatives Economiques publiée ce mois-ci. Elle montre que toutes les entreprises françaises du CAC 40 sont fortement présentes dans les pays offrant des services financiers de type « paradis fiscaux » [[Périmètre de l’étude : les entreprises du CAC 40 moins Air France-KLM, STMicroelectronics, Total et Vinci, pour lesquelles les informations ne sont pas disponibles. Inclus Auchan, Banques populaires (avant la fusion avec les Caisses d’épargne pour lesquelles les données ne sont pas disponibles) et la Banque postale. Les données BNP Paribas n’intègrent pas la banque Fortis.]]. Avec pratiquement 1 500 filiales offshore, réparties sur près d’une trentaine de territoires, des Bermudes à la Suisse en passant par Malte et Panama et… le Royaume-Uni. Selon l’étude d’Alternatives Economiques, le secteur financier se révèle être le plus engagé dans les paradis fiscaux. BNP Paribas, le Crédit agricole et la Société générale disposent de 361 entités offshore. Si l’on y ajoute les Banques populaires, Dexia et la Banque postale (présente au Luxembourg), on atteint un total de 467 entreprises. Ce qui représente, en moyenne, 16 % des entreprises de ces six groupes. Les banques françaises s’installent dans les centres financiers offshorepour faire fructifier discrètement et au moindre coût fiscal le patrimoine des personnes aisées, gérer les salaires des cadres à haut revenu en dehors du regard du fisc, accompagner les stratégies internationales des multinationales qui pratiquent « l’optimisation fiscale ». Mais l’enquête d’Alternatives Economiques montre aussi que toutes les banques françaises ne font pas appel aux paradis fiscaux avec la même ampleur. BNP Paribas est, de loin, le plus mauvais élève du secteur et du CAC 40. Pourquoi cette banque a-t-elle besoin d’une présence plus de trois fois plus importante que la Société générale dans ces territoires douteux ? s’interrogent Christian Chavagneux et Marie-Salomé Rinuy. Une banque du secteur mutualiste comme les Banques populaires ne se distingue pas des autres : elle est même présente dans les îles Caïmans, à Malte et à Panama, dont la réputation est plus que sulfureuse. Au-delà du secteur bancaire, cette enquête révèle que toutes les multinationales françaises sont implantées dans les paradis fiscaux. Les plus mauvais élèves étant (en valeur absolu comme en pourcentage) LVMH, Schneider, PPR, France Télécom, Danone, Pernod et Capgémini. Les entreprises françaises suivent la voie de leurs concurrentes : à partir des données de la Cnuced, on peut montrer qu’un tiers du stock d’investissements à l’étranger des multinationales se situe dans les paradis fiscaux. – Voir le tableau complet : les sociétés du CAC 40 implantées dans les paradis fiscaux. – La liste noire des paradis fiscaux publiée le 2 avril 2009 par l’OCDEBNP Paribas championne française des paradis fiscaux
Les Amis de la Terre ont organisé le 1er avril dernier une action devant le siège de BNP Paribas : jouant les banquiers de « BNP PARADIS, la banque d’un monde paradisiaque », ils dénoncent le nombre record de filiales de la banque dans les paradis fiscaux, qui minent les capacités fiscales des États du Sud comme du Nord. Au moment où les crises financière, sociale et écologique imposent des financements publics importants pour réorienter l’économie vers des sociétés soutenables, les Amis de la Terre demandent la fermeture des paradis fiscaux, en commençant par interdire aux entreprises françaises comme BNP Paribas d’y maintenir des filiales. BNP Paribas est de loin l’entreprise française la plus implantée dans les paradis fiscaux, avec 189 filiales, c’est ce que révèle l’enquête d’Alternatives Economiques publiée ce mois-ci. Elle est notamment très implantée au Royaume-Uni, en Suisse où elle se glorifie d’être la première banque étrangère [[Voir le site Internet de BNP Paribas Banque Privée.]], mais aussi aux îles Caïman (21 filiales). Les paradis fiscaux aggravent l’instabilité financière ; ils sapent les mécanismes de redistribution financière et de régulation judiciaire (évasion et fraude fiscales, moins disant fiscal, complaisance maritime). Yann Louvel, chargé de campagne Finance privée aux Amis de la Terre explique : « Notre action « BNP PARADIS, la banque d’un monde paradisiaque » met en avant la lourde responsabilité des multinationales françaises, en particulier les banques, dans les paradis fiscaux. La crise systémique actuelle nécessite de nouveaux financements publics, pour réorienter très vite les modes de production et de consommation vers des sociétés plus équitables. Or les paradis fiscaux assèchent les Etats de centaines de milliards de dollars par an [[Source : Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires.]] : halte à l’hémorragie ! Face à l’urgence sociale et écologique, toutes les ressources publiques doivent être mobilisées ». Gwenael Wasse, chargé de campagne Responsabilité des entreprises, ajoute : « La fraude fiscale et commerciale liée aux multinationales représente 60 à 70 % des sommes s’évadant des pays du Sud. C’est beaucoup plus que l’argent du crime ou de la corruption. La régulation très stricte des multinationales est donc une priorité : c’est faisable puisque la majorité d’entre elles sont situées en Europe ou dans les pays riches. Nous demandons la responsabilité juridique des maisons mères pour toutes leurs filiales et un reporting précis et obligatoire de leurs impacts sociaux et environnementaux et des flux financiers dans chaque pays où elles sont implantées. » Sébastien Godinot, coordinateur des campagnes, conclut : « 80 % des flux financiers mondiaux transitent par une trentaine de banques, dont les maisons mères sont presque toutes situées dans des pays riches. L’Union européenne et la France ont donc plusieurs moyens de s’attaquer efficacement au problème : – faire le ménage chez soi et autour de chez soi, en s’attaquant aux très nombreux paradis fiscaux européens (Londres, Luxembourg, îles anglo-normandes, Monaco, Andorre, Belgique, Autriche, Suisse, etc.) ; – imposer aux multinationales de fermer toutes leurs filiales implantées dans des paradis fiscaux quand elles n’ont pas de raison d’y être autre que « l’optimisation fiscale » ; – interdire tout soutien public (subvention, crédits à l’exportation, financement multilatéral type Banque mondiale ou Banque Européenne d’Investissement, etc.) aux entreprises situées dans des paradis fiscaux. Que ce soit pour la lutte contre les paradis fiscaux ou la responsabilité des multinationales, la France et l’Union européenne doivent prendre les devants et agir sans attendre : elles en ont les moyens. Auront-elles le courage politique demandé par les citoyens ? ».