Pour Laurent MICHEL, président de l’Autorité environnementale, « évaluer pour connaître, connaître pour agir et prévenir. Ainsi pourrait-on résumer l’objectif de l’évaluation environnementale« . C’est aussi l’ambition du rapport annuel 2024 de l’Autorité environnementale, qui retrace les enseignements tirés de l’ensemble des avis rendus, tant sur les projets que sur les plans et programmes, et des décisions prises dans le cadre de l’examen au cas par cas.

Outre une présentation de chacun des avis et des enseignements généraux qui en sont tirés, ce rapport annuel consacre des focus spécifiques à certaines thématiques.
Sont ainsi synthétisés les enseignements tirés des sujets aussi variés que les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), les volets mobilités des contrats de plan État-Région (CPER), les projets d’aménagement de l’Opération d’intérêt national conduite par l’État en Guyane, les projets dans les grands ports maritimes, la prise en compte du changement climatique dans les évaluations environnementales des projets et les modifications des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) intervenues en 2023 et 2024, en particulier pour décliner dans les territoires la politique de réduction de l’artificialisation nette.
Dans une période où les « procédures » environnementales sont attaquées au motif qu’elles retarderaient les projets et où des pans entiers de la réglementation et des politiques environnementales sont remis en cause sans beaucoup d’examen de leurs enjeux et des bénéfices ou coûts associés, ces focus montrent l’apport de l’évaluation environnementale, bien conduite et utilisée, ou ce qui fait défaut dans le cas contraire quand elle est lacunaire.
Les progrès, encore partiels ou à consolider, sont constatés dans l’approche de bon nombre de porteurs de projets, ou dans l’appropriation de certaines thématiques. Ainsi les émissions de gaz à effet de serre sont désormais analysées de manière plus détaillées par divers maîtres d’ouvrage (aménagements urbains, infrastructures de transport etc.), mais les études ne débouchent encore que trop rarement ou trop partiellement sur des mesures de réduction ambitieuse des émissions dans la réalisation et l’exploitation des projets.
Bien souvent, l’évaluation environnementale des volets Mobilités des CPER a été trop formelle, et n’a que peu permis de faire évoluer ces contrats. Ceux-ci présentent cependant une inflexion, avec une augmentation forte des financements dédiés aux modes non routiers, orientation qui devra être
concrétisée par un ensemble d’actions pour tirer le meilleur parti des investissements dans les infrastructures.
Les modifications des Sraddet ont révélé un travail important de déclinaison dans les territoires des objectifs de réduction de consommation d’espace. Ce travail est le résultat d’une concertation avec les parties prenantes et se traduit aussi par la mise en place de nombreux outils d’aide à la connaissance et à la décision et d’actions de facilitation.

Cette mobilisation collective au plus près des territoires porte ses fruits, bien loin des commentaires entendus au niveau national sur l’impossibilité ou le caractère stérilisant de cette politique et ce, d’autant plus que des aménagements ont été prévus pour prendre en compte les particularités et besoins spécifiques.
Laurent MICHEL
L’évaluation environnementale, et plus généralement l’approfondissement des connaissances sur les enjeux environnementaux, sur les moyens de les intégrer aux politiques publiques et aux projets, sur les difficultés mais aussi les voies de progrès, sont plus que jamais nécessaires.
Il s’agit d’éviter de confondre l’objectif légitime de fluidifier les procédures et le déroulement des projets, avec des simplifications qui conduiraient à des approches incomplètes et mal fondées, ratant ainsi l’objectif d’anticiper et réduire les impacts sur l’environnement et la santé et de déployer des politiques de progrès partagées par les acteurs.
Dans l’exercice de ses missions l’Autorité environnementale continuera de contribuer à faire encore davantage de l’évaluation environnementale un outil de connaissance et de progrès
Laurent MICHEL
Rapport annuel 2024 de l’Autorité environnementale

20 missions régionales d’autorité environnementale (MRAe)
Les missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) ont été créées en 2016, aux côtés de l’Ae, afin de pouvoir exprimer des avis indépendants sur tous les « plans/programmes » et de contribuer à un meilleur fonctionnement démocratique pour la préparation des décisions environnementales.

Synthèse annuelle 2024 de la Conférence des autorités environnementales
La conférence des autorités environnementales s’assure du bon exercice de la fonction d’autorité environnementale. Elle comprend le chef de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) qui la préside, les présidents de la formation et des missions
régionales d’autorité environnementale (MRAe) ainsi que le commissaire général au développement durable (CGDD), représentant le ministre chargé de l’environnement en sa qualité d’autorité environnementale1.
Chaque année, une synthèse de la Conférence des autorités environnementales rend compte de l’activité globale des vingt-deux autorités environnementales, nationale ou régionales. Chaque autorité nationale (Ae) ou régionale (MRAe) produit par ailleurs, son rapport annuel.
En 2024, les autorités environnementales nationales et régionales ont été saisies de 4842 dossiers pour lesquels elles ont rendu un total 4367 avis et décisions (hors les cas par cas projets relevant de la compétence des préfets), soit un taux d’avis sans observation de 10%.
Parmi les points positifs à noter pour cette année, figure l’augmentation sensible des demandes de cadrage par les porteurs de projets auprès de l’autorité environnementale (194 total, dont 8 à l’Ae). Qu’il s’agisse de l’Ae ou des MRAe, les sollicitations de réseaux-métiers intéressés à connaître et
échanger de manière distanciée en dehors de la phase d’instruction des dossiers, sur l’évaluation environnementale progressent également.

Paul Delduc, Chef de service de l’Inspection générale de l’Environnement
et du Développement Durable, Président de la Conférence des
autorités environnementales
En revanche, les méthodes globales indispensables pour appréhender la prise en compte de l’impact sur l’environnement ou la santé humaine par un projet, un plan ou un programme restent mal connues ou peu utilisées par les porteurs de projet.
Paul Delduc
C’est en particulier le cas de la procédure commune2, qui reste encore sous-utilisée alors qu’elle
permet de simplifier les démarches lorsque l’évaluation environnementale d’un projet et celle
d’un document de planification visent le même objet.
C’est également le cas des méthodes d’estimation des effets cumulés d’un projet, qui semblent
difficiles à appréhender par les porteurs de projet. La Conférence des autorités environnementale rappelle à ce sujet, que l’article R.122-5 du code de l’environnement prévoit que l’étude d’impact doit intégrer une analyse des effets cumulés du projet avec d’autres projets existants ou approuvés.
Dès lors que les impacts cumulés peuvent être évalués sur le territoire d’implantation, et au vu de chaque élément de biodiversité impacté, le porteur de projet peut s’engager à collaborer avec les autres porteurs et les différentes parties prenantes pour mettre en œuvre des mesures de suivi et de gestion intégrée des effets cumulés.
À titre d’exemple, les mesures envisagées peuvent avoir pour objet :
- de prévenir les effets cumulés avant qu’ils ne se produisent : planification de l’utilisation des
sols, régulation des émissions et des rejets, application de meilleures pratiques de gestion ; - de corriger ou de compenser les impacts cumulés une fois qu’ils se produisent : restauration
écologique, création de corridors écologiques, réhabilitation de milieux dégradés ; - de construire un programme de suivi coanimé par les porteurs de projets : mise en place d’un
réseau de surveillance du milieu.
La séquence ERC (« éviter, réduire, compenser ») est quant à elle, présente dans les projets sans
véritable résultat en termes de recherche d’alternatives, en amont des projets.
Enfin, le recours aux obligations réelle environnementales (ORE) pour une durée au moins égale à celle du projet, est rarement mobilisé. Or, si le contrat ORE peut être utilisé pour mettre en œuvre les mesures de compensation environnementale requises, il assure également pour le porteur de projet une sécurité supplémentaire en termes de pérennité du dispositif.
Par ses avis, la fonction d’autorité environnementale éclaire les décisions et l’action des acteurs
publics et privés.
Parfois critiquée, elle a la vertu de challenger, de questionner au fond et en méthode, avec pour seule préoccupation de faire progresser les projets des territoires du point de vue de leurs impacts sur l’environnement et la santé, en disposant pour ce faire, d’un cadre d’exercice indépendant.
- Décret n°2022-1165 du 20 août 2022 portant création et organisation de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable ↩︎
- Articles L. 122-13, L. 122-14, et R. 122-26 à R. 122-27 du code de l’environnement. ↩︎