Le changement climatique est un phénomène global, mais tous ne sont pas également touchés, et tous n’ont pas la même responsabilité dans son accélération. Les super-riches contribuent lourdement aux émissions de CO2 mondiales actuelles et c’est un fait trop souvent ignoré par la recherche et les politiques : comment modifier cette situation néfaste ?
C’est la problématique à laquelle ont réfléchi les auteurs de « Shift the focus from the super-poor to the super-rich » dont nous vous proposons une brève synthèse dans notre dernier Œil. Dans cette étude, les chercheurs analysent les émissions de CO2 des ménages les plus aisés puis proposent des politiques publiques stratégiques afin de les réduire.
Publié en janvier 2019 dans Nature Climate Change par Ilona Otto, Kyoung Mi Kim, Nika Dubrovsky et Wolfgang Lucht, l’article « Shift the focus from the super-poor to the super-rich» souligne le peu d’importance accordé par la recherche et les politiques au rôle joué par les plus riches dans le changement climatique, alors même que cette minorité émet de grandes quantités de CO2. Ainsi, des politiques publiques visant cette catégorie de la population pourraient permettre des réductions directes et indirectes conséquentes des émissions mondiales.
Le changement climatique est un phénomène global, mais tous ne sont pas également touchés, et tous n’ont pas la même responsabilité dans son accélération. Si quelques grandes fortunes sont connues pour leurs engagements environnementaux, elles constituent l’exception : de manière générale, cette frange de la population est à l’origine d’émissions de CO2 totalement disproportionnées par rapport à son poids démographique (1). Pour de multiples raisons, des politiques publiques axées vers ces ménages seraient extrêmement bénéfiques (2), du moins si elles sont stratégiquement conçues (3).
- #1 – Dans les efforts de réduction des émissions carbone, la spécificité de la situation des super-riches est très peu prise en compte. Les 0,5 % les plus riches émettent pourtant à eux seuls plus de 13 % des émissions de CO2 directement liées au mode de vie. Ces chiffres confirment ceux publiés par Oxfam en 2015, selon lesquels l’empreinte carbone des 1% les plus riches est 175 fois plus importante à celle des 10% les plus pauvres[Oxfam. Extreme Carbon Inequality (Oxfam, 2015). La récente étude du CREDOC (Tendances de consommation) indique de son côté que l’empreinte écologique des classes supérieures est à 46,4, contre 40,2 pour les classes inférieures.]]. Les trajets aériens correspondent à près de la moitié des émissions de ces populations super-riches, et sont donc les principaux responsables de ces écarts.
- #2 – Les émissions des super-riches peuvent être réduites de manière significative par des actions simples de changement de comportement. La réduction des trajets en avion ou au moins en jet privé est essentielle. La rénovation énergétique des logements, qui ne pose pas de difficultés particulières pour ces ménages aux ressources financières importantes, peut être mise en œuvre systématiquement. Ces changements auraient une efficacité démultipliée par les effets d’entraînement et d’imitation de cette catégorie de population. Les super-riches ont enfin un impact important sur les innovations technologiques[[Les milliardaires ont été les moteurs de 80% des 40 grandes innovations de ces 40 dernières années (cf. Billionaires Insights 2018: New Visionaries and the Chinese Century (USB, PwC, 2018).]], y compris celles portant sur l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques.
- #3 – Les politiques actuelles et l’exigence de sobriété qu’elles entraînent s’appliquent peu aux secteurs où prospèrent les plus grosses fortunes mondiales : la finance, la mode, le luxe ou encore l’immobilier. Les taxes écologiques ne touchent que marginalement les foyers aux revenus très élevés. Les auteurs proposent donc des politiques spécifiques, par exemple l’obligation d’utiliser les énergies renouvelables pour la consommation des biens immobiliers supérieurs à une certaine taille, ou la création d’une taxe sur l’héritage dont les revenus seraient dédiés à la lutte contre le changement climatique[[En 2017, 44 héritiers ont hérités de 189 milliards de dollars alors que les quatre plus importants fonds dédiés à la lutte contre le changement climatique n’ont même pas atteint les 3 milliards de dollars de support financier en 2016.]]. Les auteurs plaident en outre pour une large diffusion des données sur les émissions des différents groupes socio-économiques, afin qu’une pression sociale puisse se mettre en place.