Les progrès mondiaux en matière de gestion des risques de catastrophe ont été faibles et insuffisants, mettant en péril les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030, a déclaré jeudi la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed, devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Les États membres de l’ONU sont réunis au Siège de l’ONU, à New York, pour examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe – un accord historique conclu en 2015 visant à réduire les dommages, les pertes et les décès dus aux aléas naturels et anthropiques d’ici la fin de la décennie.
Au début de cette réunion, ils ont adopté une déclaration politique qui appelle notamment à améliorer les mécanismes nationaux de partage des données et des analyses sur les risques de catastrophe, y compris aux niveaux régional et international.Dernière chance pour changer de cap
Pour le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Csaba Kőrösi, l’examen à mi-parcours constitue « notre dernière chance avant 2030 de changer collectivement de cap ». M. Kőrösi a souligné la nécessité cruciale d’agir.« Huit ans plus tard, nous devons admettre que nos progrès n’ont pas suivi le rythme de l’urgence de nos jours. Le nombre connu de personnes touchées par les catastrophes a été multiplié par 80 depuis 2015 », a-t-il déclaré.
Un moment charnière
La gestion des risques n’est pas une option, mais un engagement mondial, a fait valoir la Vice-Secrétaire générale des Nations Unies. « Notre monde se trouve à un moment décisif de l’histoire. Alors que nous faisons le point sur notre parcours à mi-chemin de 2030, nous devons reconnaître que les progrès ont été faibles et insuffisants », a fustigé Mme Mohammed.Alors que les pays n’ont pas respecté leurs engagements en matière de climat et de développement durable, des catastrophes naturelles qui auraient pu être évitées ont fait des centaines de milliers de victimes et contraint des millions de personnes, la plupart des femmes, des enfants et d’autres groupes vulnérables, à se déplacer. La situation a été exacerbée par la pandémie de COVID-19, la « triple crise » du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution, ainsi que l’augmentation du coût de la vie, la montée en flèche des inégalités et la guerre en Ukraine. D’autres menaces découlent des lacunes structurelles en matière de gouvernance au sein des systèmes bancaires et financiers mondiaux, tandis que les scientifiques mettent en garde contre les effets en cascade et irréversibles du réchauffement de la planète.
« Pour relever ces défis, il faut modifier notre réponse aux risques par une réflexion systémique, une action concertée et le déploiement intelligent et souple de réponses pour prévenir, gérer et atténuer les risques à travers le monde », a-t-elle déclaré.
Des progrès inégaux
La cheffe du Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNDRR), Mami Mizutori, a noté qu’il n’y a pas eu que des tempêtes et des conflits depuis 2015. Par exemple, un nombre croissant de gouvernements ont établi ou amélioré des systèmes nationaux de comptabilisation des pertes, et il y a eu une augmentation significative du nombre de pays dotés de stratégies nationales de réduction des risques de catastrophe. Cependant, les progrès restent inégaux. En outre, les risques qui se transforment en catastrophes continuent d’affecter de manière disproportionnée les pays les moins avancés dans le monde, les petits États insulaires en développement, les pays en développement sans littoral et les pays africains, ainsi que les pays à revenu intermédiaire.« Les risques n’étant pas pris en compte, les catastrophes se matérialisent plus rapidement, dépassant notre capacité à faire face, avec des conséquences de plus en plus désastreuses pour les personnes, les moyens de subsistance, la société et les écosystèmes dont nous dépendons », a souligné Mme Mizutori. « L’impératif d’atteindre l’objectif et les cibles du Cadre de Sendaï est plus important aujourd’hui que jamais ».
Intensification des aléas
Dans un entretien à ONU Info, le Directeur général du Bureau national de gestion des risques et des catastrophes (BNGRC) à Madagascar, a noté que son pays était l’un des « plus exposés aux conséquences du dérèglement climatique ». Rien qu’en 2022, ce pays insulaire a été frappé par six cyclones dont deux classés comme des cyclones tropicaux intenses. Et en 2023, Madagascar a été touché par le cyclone tropical Freddy, qui a battu des records de trajectoire et de longévité, a souligné le général Olivier Elack. Toutefois, malgré l’intensification et la multiplication des aléas naturels auquel est exposé le pays– infestations acridiennes, cyclones, sécheresses, inondations – Madagascar perçoit une évolution positive au niveau des bilans en termes de nombre de vies perdues, de personnes blessées ou portées disparues, a affirmé le chef du BNGRC. « Le gouvernement malagasy réagit et fait des efforts pour inverser la tendance », a-t-il salué, attribuant cette évolution à la mise en place de « cadres réglementaires et législatifs solides », à « une gouvernance et une gestion des risques améliorées, avec la création de structures stratégiques et opérationnelles », ainsi que la mise en place de bureaux territoriaux de la BNGRC, qui agissent en tant que « centres opérationnels de coordination ».« Le système d’alerte a été affiné et la technologie utilisée pour améliorer son efficacité ; le secteur privé, les universités, les centres de recherche et les communautés locales sont impliqués dans les solutions ; et les solutions basées sur la nature telles que la reforestation et la plantation d’espèces pour lutter contre les déplacements des dunes sont privilégiées », a-t-il ajouté.Il a également notamment évoqué la stratégie gouvernementale visant à combiner les réponses d’urgence et les activités de résilience pour promouvoir le développement durable, ainsi que la collaboration avec les parties prenantes internationales et nationales afin de ne laisser personne de côté. Le général compte partager et échanger ces expériences avec les autres pays lors de la réunion de deux jours, voire solliciter l’appui des pays amis. « Nous sommes tous concernés par le dérèglement climatique », a-t-il rappelé.
L’histoire d’un survivant
Ce point a été souligné, lors de la réunion de haut niveau jeudi, par Mustafa Kemal Kılınç, originaire de Türkiye, qui a survécu au tremblement de terre dévastateur de février qui a tué plus de 50.000 personnes. Cet étudiant de 23 ans rendait visite à sa famille dans sa ville natale, Hatay, lorsque la catastrophe a frappé, réduisant des milliers de bâtiments en ruines et laissant d’innombrables personnes sans abri.« Je suis ici aujourd’hui parce que notre bâtiment ne s’est pas effondré. C’est parce que notre entrepreneur avait appliqué des normes strictes pour rendre notre bâtiment résistant aux tremblements de terre », a-t-il déclaré.Mustafa et sa famille – sept personnes au total – ont vécu dans leur voiture pendant une semaine, par des températures glaciales et des pluies torrentielles, avant de s’installer dans un wagon de train. Ils se sont finalement installés chez des proches à travers le pays et sont retournés à Hatay plusieurs semaines plus tard. « Nous ne pouvons pas prévoir les catastrophes naturelles. Mais nous pouvons certainement être préparés quand et où elles se produisent », a dit le survivant. « J’espère que grâce à votre travail, il y aura moins de victimes de catastrophes comme moi dans le monde ».