Dans un contexte profondément marqué par la dérégulation de certains marchés et la mondialisation, l’agriculture française fait aujourd’hui face à des défis majeurs : économiques, sociaux, alimentaires, sanitaires, environnementaux, sociétaux, territoriaux et techniques. Discipline scientifique au carrefour de l’agronomie et de l’écologie, l’agroécologie peut, à travers les pratiques qu’elle promeut, contribuer à relever ces défis en transformant l’agriculture pour aller vers des systèmes alimentaires plus durables. A partir d’une analyse des freins et des leviers à son développement, la section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation du CESE formule un ensemble de préconisations en matière de recherche, de formation, d’adaptation des filières agroalimentaires, de réorientation des politiques publiques pour accompagner les agriculteur-rice-s dans la transition agroécologique.
Dans un contexte profondément marqué par la dérégulation de certains marchés, l’agriculture française intégrée à un système mondialisé fait aujourd’hui face à 8 défis majeurs que l’agroécologie peut contribuer à relever : le défi de l’alimentation, le défi de la santé, le défi économique, le défi social, le défi sociétal, le défi environnemental, le défi territorial, le défi technique. Le premier ministre, Manuel Valls, a ainsi saisi le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en vue de réaliser une étude détaillant les conditions et modalités selon lesquelles les modes de production agro-écologiques peuvent constituer une réponse aux enjeux économiques et environnementaux auxquels sont confrontés les filières agricoles. L’avis « La transition agroécologique : défis et enjeux », rapporté par Mme Cécile Claveirole (Groupe des personnalités qualifiées), au nom de la section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation, présente ce système de production qui privilégie l’autonomie des fermes et dresse une liste de préconisations concrètes pour rendre possible cette démarche systémique dont la mise en œuvre requiert des changements collectifs. L’avis a été soumis au vote de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental, le 23 novembre 2016 et adopté avec 154 votes pour, 2 contre et 26 abstentions.SENSIBILISER LA SOCIÉTÉ POUR ALLER VERS UNE « ALIMENTATION AGROÉCOLOGIQUE »
Une des clés du développement des pratiques agroécologiques se trouve entre les mains des consommateurs-rices. Ce sont en effet leurs comportements alimentaires et leurs choix d’achats qui peuvent favoriser l’évolution des pratiques agroécologiques. En conséquence, le CESE recommande de communiquer sur les démarches existantes et les pratiques mises en œuvre par les agriculteurs pour sensibiliser aux enjeux d’une telle transition. L’exposition de photos accueillie depuis le 10 novembre sur les grilles du Palais d’Iéna participe de cette démarche. Fortement en lien avec le respect de la vie du sol et en interaction permanente avec les milieux naturels, l’agroécologie est en effet à même de répondre à des préoccupations telles que les apports nutritionnels de l’alimentation et plus globalement la qualité attendue par les consommateurs-rices.RÉORIENTER LES PRIORITÉS DE LA RECHERCHE SUR L’AGROÉCOLOGIE
Pour le CESE, les principes de l’agroécologie, son interdisciplinarité et son caractère systémique, doivent orienter les objectifs de la R&D en agriculture, mais aussi ses stratégies et sa gouvernance. A cette fin, il recommande de décloisonner la recherche et de coordonner davantage les travaux qui se situent aux interfaces de différentes spécialités ; d’élargir la recherche aux filières émergentes et à la diversification des cultures et à la diversité génétique. L’indépendance de la recherche publique – face à la concentration croissante des acteurs de l’agrochimie – et l’application des démarches d’innovations et de transferts technologiques à la transition agroécologique sont également des pistes concrètes. L’évolution des pratiques sera favorisée par une plus grande interaction entre agriculteur-rice-s et recherche appliquée.ADAPTER TOUS LES DISPOSITIFS DE FORMATION A L’AGROÉCOLOGIE
L’enseignement agricole, public ou privé, a un rôle central à jouer dans la formation et l’accompagnement vers des méthodes de cultures et d’élevage s’appuyant davantage sur l’écologie, ce qui nécessite des moyens humains et financiers adaptés à ces défis. Le CESE invite ainsi à finaliser la réforme des référentiels initiée dans le cadre du plan « enseigner à produire autrement » afin de donner une plus large place à l’approche systémique ; à placer les lycées agricoles et leurs exploitations au centre de partenariats noués avec les autres acteur.rice.s locaux de l’agriculture et leur fournir les moyens nécessaires ; et enfin à valoriser les expériences réussies, notamment par la formation continue.ACCOMPAGNER LES AGRICULTEUR-RICE-S DANS LA TRANSITION AGROÉCOLOGIQUE
Le passage vers l’agroécologie nécessite du temps et des savoir-faire techniques et ne peut se faire qu’avec le soutien de collectifs et des accompagnements adaptés. Les moyens mis à la disposition de collectifs tels les Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural (CIVAM), les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), doivent être renforcés afin que leurs membres puissent échanger sur leurs pratiques, leurs expériences mais aussi leurs difficultés. Parallèlement, le CESE recommande que les agriculteurs-rices volontaires pour tester dans leur ferme des solutions agroécologiques nouvelles, puissent bénéficier d’un soutien visant à limiter les risques inhérents à une telle démarche.AGIR À TOUS LES NIVEAUX DES FILIÈRES
Tout au long de la chaîne de valeur, il s’opère une quête permanente de prix de plus en plus bas, réduisant les marges et donc les revenus des agriculteur-rice-s qui deviennent souvent négatifs hors subventions publiques. La question de la valorisation des productions étant un sujet central pour la réussite de l’agroécologie, le CESE estime qu’il est impératif de privilégier les productions à plus forte valeur ajoutée, tant en vue de leur commercialisation sur le marché intérieur qu’à l’international. Il faut en outre développer la contractualisation pluriannuelle entre des producteur-rice-s de céréales-protéagineux et des éleveur.euse.s, pour la fourniture par les premiers d’aliments du bétail aux seconds à des tarifs déconnectés des cours mondiaux, mais fondés sur la prise en compte de leurs coûts de production respectifs. Par ailleurs cette organisation doit se faire au niveau territorial, afin de favoriser la transformation et la commercialisation des produits sur un bassin de vie, d’assurer la présence d’outils de stockage et de transformation sur les territoires, en mobilisant les structures coopératives et en développant les circuits de proximité.RÉORIENTER LES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES AIDES POUR FAVORISER LA TRANSITION VERS L’AGROÉCOLOGIE ET ASSURER LEUR COHÉRENCE
Favoriser et accompagner la nécessaire transition vers l’agroécologie doit constituer un objectif prioritaire des politiques agricoles publiques de tous niveaux. A titre d’exemple, le CESE recommande d’orienter plus fortement les achats alimentaires, notamment ceux de la restauration collective, vers les producteurs-rices locaux.ales de façon à leur assurer débouchés et revenus. L’objectif agroécologique doit, plus largement, être défendu au sein de l’Union européenne, bien entendu dans le cadre des soutiens de la PAC. Ainsi, l’adoption de règles communes, compatibles avec la mise en œuvre de pratiques agroécologiques mais aussi et surtout favorisant celles-ci des points de vues économique, social et environnemental, apparait indispensable. Enfin, le CESE estime que les progrès vers l’agroécologie ne seront possibles qu’au prix d’un profond renouvellement de la gouvernance mondiale de l’agriculture et de l’alimentation. Il plaide en conséquence pour une meilleure coordination des différentes régulations internationales et pour un renforcement de la place de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).Retour sur la COP 22 et transition agroécologique
L’assemblée plénière a été l’occasion, au retour de la COP22 qui vient de s’achever à Marrakech le 18 novembre, de revenir, sur les enjeux de ce rendez-vous de concrétisation de l’Accord de Paris, et l’occasion de regards croisés, en présence notamment de Jean-Paul Chanteguet, Président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale.L’agroécologie s’expose sur les grilles du Palais d’Iéna
A découvrir rue Albert de Mun Saisi par le Premier ministre sur le thème de l’agroécologie, le CESE accueille une exposition sur les grilles du Palais d’Iéna, avant de présenter un projet d’avis le 23 novembre. En collaboration avec l’INRA, AgroParisTech, AgroCampus Ouest, l’Association française d’agroforesterie,les CIVAM, les Chambres d’Agriculture, le Ministère de l’Agriculture, les Parcs naturels régionaux , l’Agence de l’eau Seine Normandie,Afterres2050 / Solagro, l’Agence Initialet le Collectif paysages de l’après pétrole, les grilles du palais d’Iéna accueilleront dès aujourd’hui et jusqu’à la mi-décembre 2016, une série de panneaux destinés à présenter et expliquer les pratiques agroécologiques dans les campagnes françaises. L’agroécologie est un système de production qui privilégie l’autonomie des fermes et réduit leur consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires. Elle peut aussi améliorer les conditions de vie des agriculteurs et des salariés et contribuer à la revalorisation de leur métier. Aux citoyens consommateurs, elle doit permettre de fournir une alimentation de meilleure qualité sanitaire et nutritionnelle, tout en préservant la biodiversité et les paysages. Le CESE a proposé le 23 novembre des pistes concrètes autour des enjeux économiques et environnementaux auxquels sont confrontées les filières agricoles dans un projet d’avis rapporté par Mme Cécile Claveirole (Groupe des personnalités qualifiées) au nom de la section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation présidée par Etienne Gangneron (Groupe de l’agriculture). Dans le cadre de l’élaboration du projet d’avis, la section a fait plusieurs déplacements sur des exploitations mettant en pratique les méthodes agroécologiques en Maine-et-Loire et dans la Vallée de Chevreuse, dont certaines sont mises à l’honneur au sein de l’exposition de photos. L’agroécologie apporte des réponses pertinentes aux difficultés économiques mais aussi aux enjeux environnementaux, sanitaires, sociaux qui se posent au secteur agricole. Grace à cette exposition, nous souhaitons faire découvrir au grand public des méthodes développées avec succès dans nos régions, qui permettent de concilier les exigences de production et d’environnement, au bénéfice de l’ensemble des acteurs de la chaîne, de l’amont aux consommateurs en aval », souligne Cécile Claveirole. – Rendez-vous rue Albert de Mun, Paris 75016.