Imaginer demain une agriculture sans pesticides chimiques de synthèse, l’avenir de l’élevage européen, la prévention de l’émergence des zoonoses, la place des micro-organismes dans les systèmes alimentaires1. Pour agir aujourd’hui, la Direction de l’expertise scientifique collective, de la prospective et des études d’INRAE publie son guide de conduite des prospectives basées sur l’analyse rétrospective, l’identification des signaux faibles et la construction d’un tableau morphologique pour concevoir des scénarios cohérents.

Qu’est-ce que la méthode prospective ?
La méthode utilisée à la Direction de l’Expertise scientifique collective, de la Prospective et des Études (DEPE) d’INRAE combine une approche des scénarios basée sur l’analyse morphologique, l’analyse rétrospective des dynamique passées, l’organisation d’ateliers prospectifs où sont débattues les hypothèses d’évolution future, et l’élaboration de récits décrivant des futurs pluriels et contrastés.
En fonction du sujet traité, ces méthodes sont combinées dans certains cas à des outils de modélisation et de simulation quantitative, ou à des méthodes de construction de trajectoires d’évolution, ou encore à des méthodes de changement d’échelle permettant une déclinaison régionale des scénarios.
Les scénarios élaborés tracent les contours d’un espace des futurs possibles.
Ils visent à éclairer le débat public, les acteurs parties prenantes, la recherche et les décideurs publics et à aider les acteurs et organisations à réfléchir à leurs orientations, actions et projets en anticipant les enjeux futurs (souhaitables, redoutés ou simplement possibles) posés par l’espace des futurs possibles.

Les différents collectifs mobilisés dans une prospective
L’équipe projet
La qualité de la prospective et le respect des délais reposent de façon déterminante sur la constitution d’une équipe projet regroupant les compétences nécessaires. Elle a non seulement pour mission
de réaliser la synthèse des connaissances disponibles, de proposer des analyses rétrospectives des
tendances passées et de formaliser des hypothèses d’évolution des variables mais aussi de préparer les réunions du groupe d’experts, les animer et rédiger l’ensemble des livrables, dont elle assurera en grande partie la diffusion. Elle se charge également de la logistique des réunions et de l’organisation de la phase de mise en débat et de restitution. Cette équipe projet doit donc
regrouper des compétences sur le fond, des compétences d’animation et de méthodologie prospective,
ainsi que des compétences rédactionnelles et de communication et de gestion de projet.

Le comité d’experts
La réflexion prospective repose de façon déterminante sur un comité d’experts composé de scientifiques et d’acteurs parties prenantes du sujet étudié. En effet, une des spécificités de la prospective est d’intégrer des acteurs parties prenantes afin de prendre en compte leurs connaissances issues de l’expérience, leurs projets et visions du futur dans la réflexion. Le comité d’experts doit donc rassembler des experts du sujet étudié, qu’ils soient chercheurs spécialisés ou acteurs parties prenantes non académiques, mais aussi des spécialistes reconnus de certains moteurs d’évolution (sociologues, géographes, historiens, philosophes…).
Le comité d’experts est libre de construire les hypothèses et les scénarios de son choix.

Méthode pour répondre aux finalités de la prospective
Pour chaque prospective, la méthodologie est adaptée à la problématique et aux finalités, qu’il s’agisse d’explorer les devenirs possibles d’une situation de forte incertitude, d’imaginer les conséquences possibles d’une rupture à venir, ou bien de construire des trajectoires de transition vers des futurs souhaitables.
La mise en place de groupes thématiques et d’ateliers thématiques
Au regard de la complexité et de l’ampleur des sujets étudiés, et de la nécessité de développer une approche à la fois analytique et systémique, des ateliers thématiques composés d’experts spécialistes sont organisés dans les phases d’analyse rétrospective et de construction des hypothèses d’évolution.
La quantification des scénarios
Avec l’ampleur géographique croissante des sujets (mondial, européen), la modélisation numérique est de plus en plus fréquemment mobilisée dans le cadre des prospectives afin d’évaluer l’impact quantitatif des différents scénarios à différentes échelles.

La création des trajectoires menant à des futurs souhaitables
Les enjeux liés aux différentes formes de transition vers des systèmes sociotechniques plus durables nécessitent désormais d’identifier des trajectoires de transition vers des futurs souhaitables.
Il s’agit selon un raisonnement rétroprojectif (ou « backcasting ») de partir d’une situation finale souhaitée pour définir une succession d’étapes et d’actions nécessaires pour y parvenir, en tenant compte des dynamiques d’évolution possible favorables ou défavorables au but visé. L’identification de cette succession d’étapes permet de caractériser la trajectoire de transition vers un scénario souhaitable.
Dans le cadre de la prospective Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050, des
trajectoires de transition ont été construites pour chacun des trois scénarios européens. Un groupe d’experts dédié à la transition a travaillé sur la construction de ces trajectoires lors d’ateliers prospectifs participatifs dans lesquels ils ont identifié, pour chaque scénario, les principales étapes pour atteindre les objectifs intermédiaires souhaités appelés jalons, les obstacles et opportunités qui y sont liés, et les actions à mettre en place pour les atteindre (Kok et al., 2011).
Ensuite, les jalons et actions ont été assemblés de façon chronologique et logique sur une frise de backcasting, en partant de 2050 et jusqu’en 2023. La figure ci-dessous présente un exemple de trajectoire
produite lors de ces ateliers, et sa version retravaillée sous forme de cadran.

Agrimonde-Terra : Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050
INRAE a été saisi par le Programme Prioritaire de Recherche (PPR) « Cultiver et protéger autrement » pour conduire une prospective sur une agriculture européenne sans pesticides chimiques à l’horizon 2050.

Cette prospective mobilise une approche systémique qui relie l’émergence de systèmes agricoles sans pesticides au devenir des systèmes alimentaires, des territoires, de la biodiversité, des politiques publiques et aux conséquences du changement climatique.
Elle a pour objectif de construire des scénarios d’agriculture sans pesticides chimiques pour l’Europe en 2050, en répondant à deux questions.
- Quelles pourraient être les différentes formes d’agriculture sans pesticides chimiques en 2050, avec quelles conséquences sur la production, l’usage des terres, le commerce et la biodiversité ?
- Quelles pourraient être les différentes trajectoires vers ces formes d’agriculture sans pesticides ?
Guide prospective INRAE : imaginer demain pour agir aujourd’hui
- Des projets réalisés par l’INRAE dans le cadre des programmes et équipements prioritaires de recherche français et du programme européen Horizon Europe. ↩︎



