Grenelle de l’environnement, dialogue et concertation entre patronat et syndicat, gouvernance et partenariat public-privé … Les discussions s’annoncent aujourd’hui comme incontournables pour faire face aux défis majeurs que sont le changement climatique, la perte de biodiversité ou la spéculation financière. D’un côté ils sont appelés à soutenir la croissance par la consommation, plus de travail et de pouvoir d’achat. De l’autre, ils sont appelés à sauver la planète par des gestes éco-citoyens, équitables et responsables pour réduire les déchets, pollutions et autres nuisances liées à notre société de consommation.
Nicolas Sarkozy, qui s’est ouvertement prononcé en faveur de plus de transparence de la finance internationale, conscient que la dette publique de la France estimée à 1200 milliards d’euros doit être réduite, se propose d’aller, s’il le faut, chercher le point de croissance qu’il nous manque pour garantir le plein emploi, libérer les entreprises productrices de richesses et redonner à la France un rôle moteur d’une Union Européenne compétitive et dynamique. La croissance qui génère de l’emploi et donc du pouvoir d’achat entraine la consommation des produits et services de nos entreprises. Voilà une équation souvent prise comme une évidence mais qui révèle quelques failles utiles à rappeler : – Trier et recycler nos déchets, c’est bien pour la croissance, le PIB, l’emploi et les entreprises qui emportent les marchés liés à la collecte et au tri sélectif des déchets. Mais encourager la réduction des emballages jetables à la source et l’éco-conception des produits, c’est mieux. – Limiter et contrôler nos pollutions de l’air, de l’eau ou des sols, en définissant des quotas de CO2, des taux admissibles de pesticides, de plomb ou de radioactivité, des seuils d’alerte, des observatoires du climat ou de la qualité de l’air, des listes d’espèces menacées d’extinction, … c’est bien pour suivre l’évolution du problème, constater son objective présence, alimenter la croissance … Mais réduire notre empreinte écologique, notre consommation énergétique et de ressources naturelles non renouvelables, c’est mieux. – Promouvoir les agro-carburants, c’est bien pour les exploitants, les constructeurs et les automobilistes, les stations services, pour alimenter la croissance … Mais soutenir l’agriculture vivrière pour assurer la sécurité alimentaire de l’humanité et développer les transports en commun, c’est mieux. Quelles que soient les mesures prises pour évaluer puis traiter les symptômes de nos dérèglements, d’ordre climatique, biologique ou économique, c’est bien, à court terme. Mais considérer les causes et agir ensemble efficacement pour en éliminer les effets néfastes, c’est mieux, à moyen et long terme. A défaut de penser le changement indispensable de comportements et donc de mentalités, il est fréquent de changer le pansement qui masque provisoirement le problème sans le régler, le déplace, l’enfouit ou le transfère aux générations suivantes. Les déchets radioactifs, la dette publique ou la destruction des écosystèmes sont de lourdes charges transmises à nos enfants. Nous leur empruntons une Terre que nous risquons de leur rendre saccagée, stérile et invivable d’ici peu. Le changement est nécessaire. Aller dans le mur en le sachant et en le disant n’est pas suffisant pour changer de cap. Nicolas Hulot compare cette situation au syndrome du Titanic. Ecoper les voies d’eaux qui envahissent le navire n’est pas suffisant pour éviter le naufrage. Un changement est nécessaire pour : – Passer de la civilisation de l’avoir à celle de l’être, d’une société de consommation axée sur la compétition et l’individualisme à une société de consom’action fondée sur la coopération et la solidarité. – Passer d’un modèle irresponsable qui accroit de façon exponentielle sa capacité à extraire, consommer et rejeter à un cycle durable qui consiste à recycler, réparer et réutiliser pour atteindre une empreinte écologique vivable pour la Planète et un confort acceptable pour ses 6 milliards d’habitants. – Passer d’une mondialisation des marchés financiers et leur bulle spéculative sur les produits dérivés et virtuels à une relocalisation des échanges économiques sur la base de biens et services réels et sains. – Passer d’une fuite en avant de la dépense, possible seulement par un alourdissement de la dette, à une marche en avant, éclairée par l’investissement utile, pour restaurer de l’équité et de la réalité dans les échanges commerciaux et monétaires. Notre planète, comme notre civilisation humaine, a besoin de cycles pour vivre, survivre et assurer aux générations futures les mêmes droits que ceux dont bénéficient les générations présentes. La croissance illimitée n’a pas de sens. Pour atteindre ces objectifs de développement durable, il nous faut coopérer entre hommes et femmes de bonne volonté, quelle que soit notre fonction ou notre situation. Chaque citoyen du monde peut agir sur son territoire et participer à changer notre besoin de consommation, de compétition et de croissance en désir d’un développement humain équitable, désirable et durable. Les acteurs sont de plus en plus nombreux, ils forment chez les particuliers ce que l’on appelle les créatifs culturels, dans le sens de créateurs d’une nouvelle culture, d’un nouveau paradigme dont l’être humain est le coeur. Pour les collectivités territoriales, ce sont les agenda 21, pour les entreprises, la RSE, pour les associations, l’économie sociale et solidaire … Les initiatives aussi se multiplient : forum, colloque, université d’été, association, media, cinéma, sites web, annuaires, réseaux … Mais sans concertation entre parties prenantes, le développement durable ne sera qu’un concept abstrait, un objectif ambitieux ou une perspective théorique pour ne pas regarder, ensemble et en face, les conséquences d’une croissance insoutenable, cette vérité qui dérange parce que nous en sommes aussi responsables. Par la gouvernance et la citoyenneté, la responsabilité complémentaire de toutes les parties prenantes, nous pouvons très vite changer de cap, prévenir les risques et construire ensemble notre avenir à tous.