La « tribu des décroissants » est aujourd’hui invariablement l’angle péjoratif, réducteur et caricatural choisi par les médias français quand exceptionnellement ils se penchent sur la décroissance et l’anti-productivisme.
Présentée par Françoise Joly et Guilaine Chenu, l’émission de France 2 « Envoyé spécial » sur « les décroissants », diffusée le 12 février 2009, n’a pas dérogé à cette règle du moins-disant informatif.
C’est comme si nous abordions la problématique des médias en titrant : « La tribu des journaleux » puis en traitant ce sujet exclusivement à travers le mode de vie dans les rédactions parisiennes. Ce reportage nous a fourni un nouvel exemple de ces pratiques journalistiques bécasses qui tendent à éluder un enjeu de société majeur au profit d’une approche communautariste réductrice. « Finalement, le grand public est mis dans la position d’un témoin extérieur, qui est surtout invité à ne pas se sentir concerné par les préoccupations de ces hurluberlus bien inoffensifs et sympathiques », note le Parti pour la décroissance dans un communiqué diffusé suite à l’émission.
Des lecteurs nous ont écrit pour nous faire part de leur écœurement, comme Marc Joigny : « Je me suis pris la tête dans les mains en voyant la caricature made in XVIe arrondissement. Ils sont allés à Lyon et même pas foutus de venir vous voir ! » Pour préparer l’émission, les collaborateurs de l’émission nous avaient pourtant contactés. Nous avions insisté lourdement pour dire que nous n’étions pas des « décroissants », terme employé à dessein par nos détracteurs. Nous avions pris du temps pour expliquer qu’aussi intéressantes puissent-elles être, on ne pouvait pas réduire la décroissance à des expérimentations individuelles. La décroissance constitue un choix de société et un projet politique qui soulève des enjeux de société majeurs. « Politique », « choix de société », des notions iconoclastes pour ces journalistes qui ne nous ont jamais rappelés.
Un autre lecteur, Mickael Bialy, nous dit : « Le traitement de la décroissance était bien entendu biaisé. Le contraire m’aurait étonné. En plus de l’absence de recul et d’explication claire sur la décroissance, nous avons eu droit à une caricature d’objecteurs de croissance… Trois types de “décroissants” étaient présentés sous les aspects les moins neutres : l’intolérance (le père avec sa fille), la rigidité (aucune concession), la radicalité (vivre dans une yourte) et la tartuferie (gagner bien sa vie et faire le raccroc au marché…). Bref, une belle opération de décrédibilisation ! » Pour compléter le tableau, la voix off du présentateur donne l’impression de s’adresser à un public de demeurés. C’est sans doute pour cela que le « service public » prend ses concitoyens.
Une semaine plus tard, France 2 diffusait une longue émission sur les « prêcheurs d’apocalypse », tirée du pamphlet anti-écolo du même titre de Jean de Kervasdoué. Autant dire que dans ce cas, les thèses de cet ami de Claude Allègre ont été présentées avec le plus grand sérieux.
Sur ce sujet, à lire et relire la « Supplique à nos amis journalistes »
Décroissance : sortir des idées toutes faites avec les Casseurs de Pub
Je suis heureuse de trouver aujourd’hui dans ma boîte de messagerie votre dernier numéro traitant de cette émission qui m’avait également désolée, tant la caricature était lourde.
Je crois que beaucoup de citoyens sont de plus en plus, peu ou prou, des décroissants. Pour autant ils ne peuvent être comparés à ces huluberlus qui sous couvert de décroissance font montre d’une véritable autorité envers leur entourage semblant n’accepter aucune contradiction…