Fils de viticulteurs, Jean Durup, natif de Maligny (Yonne), une petite commune viticole de 500 habitants, a repris en 1968 la modeste exploitation familiale, tout en continuant de s’occuper de son cabinet d’avocat parisien. Très vite, il agrandit le domaine qui se limitait à 2,5 hectares. Il les rachète des terres en plein cœur du Chablis, où le sol caillouteux se prête bien à la culture de la vigne. En 1978, il acquiert le château de Maligny, demeure seigneuriale dont l’origine remonte au XIIe siècle.
Mais voilà : la demeure, très endommagée, réclame une rénovation presque totale. Et très vite se pose la question du chauffage. « Mon choix n’était pas arrêté, confie le maître des lieux. Fioul ? Électricité ? Au fil du temps, les technologies évoluant, j’ai fini par envisager une solution respectueuse de l’environnement. Nous produisons tous les ans un volume important de sarments de vignes qui sont brûlés sur place. Je me suis dit : pourquoi ne pas les utiliser pour se chauffer ? Nous avons cette matière première sur place, cela ne coûte rien et éviterait de brûler du gaz carbonique supplémentaire. »
C’est le bureau d’études dijonnais Groupe Archimen, spécialisé dans l’ingénierie du bâtiment, qui va monter ce projet hors norme, le premier du genre chez un particulier. Deux ans de travail pour une structure haut de gamme et innovante, même si celle-ci s’inspire directement du principe de la chaufferie bois. Quelques marches conduisent, cinq mètres sous terre, à la chaufferie, enterrée devant l’ancien donjon. Juste à côté de la citerne flambant neuve, un tapis roulant destiné à acheminer la matière première sur place.
Le circuit commence bien avant : les sarments sont d’abord débités, puis entreposés dans une unité de stockage située à un kilomètre du château environ. Tous les trois mois, une partie du stock est transportée par camion jusqu’à un dépôt souterrain jouxtant la chaufferie, d’où part le tapis roulant.
Il faut 800 m3 de sarments par an pour chauffer les 5 300 m3 de la partie restaurée du château, soit une trentaine de pièces. Sous terre, un conduit de 80 cm de large rejoint le local technique d’où partent les tuyaux d’eau chaude qui chaufferont les différentes pièces. Des kilomètres de « nouilles » serpentent ainsi sous le château.
Le propriétaire ne voulait pas de radiateurs, tout est donc chauffé par le sol. Pour cela, une solution radicale a été adoptée : la pierre étant mauvaise conductrice de chaleur, Jean Durup n’a pas hésité à faire retailler certaines dalles anciennes, très épaisses, de sorte qu’elles ne dépassent pas trois ou quatre centimètres…
Le local technique abrite aussi une pompe à chaleur. Directement reliée à l’eau des douves qui passe juste en dessous, elle servira à rafraîchir les pièces en été ou à suppléer la chaufferie en début de saison froide.
Ultime sophistication : les cendres issues de la combustion des sarments ne seront pas jetées, mais réutilisées pour fertiliser les vignes … La boucle est bouclée.