France Stratégie et l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) publient une note d’analyse et un rapport sur les impacts territoriaux du télétravail et sa prise en compte dans les politiques publiques en termes d’aménagement du territoire. Le sujet est abordé sous quatre angles : la mobilité quotidienne et les transports, la mobilité résidentielle et le logement, l’immobilier de bureau, l’émergence de nouveaux lieux de travail (tiers-lieux et espaces de coworking). L’analyse est enrichie de focus sur les dynamiques à l’œuvre dans les Métropoles de Rennes, Toulouse et Lyon. La note étudie les conditions dans lesquelles le télétravail pourrait être un levier pour la lutte contre le dérèglement climatique.
Une inégale pratique du télétravail selon les territoires
En 2023, 19 % des salariés français, en majorité des cadres, ont eu recours au télétravail au moins un jour par semaine. Plus fréquent dans les grandes agglomérations − hors région parisienne, 22 % des salariés qui résident dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants télétravaillent, contre moins de 13 % dans les autres agglomérations −, la pratique du télétravail est inégalement répartie selon les territoires en raison de la structure des emplois : plus de 50 % des emplois sont télétravaillables en Île-de-France, contre moins de 40 % dans les autres régions.
Mobilité quotidienne : des effets contrastés du télétravail
Le télétravail entraîne une baisse de la fréquence des trajets domicile-travail mais il est aussi associé à des distances domicile-travail plus longues : les télétravailleurs résident en effet plus loin de leur lieu de travail (28 km en moyenne) que les autres actifs (14 km). Or, plus les distances domicile-travail sont longues, plus les trajets ont tendance à être effectués en voiture.
En région parisienne, le télétravail n’a pas diminué le trafic routier, mais il a conduit à réduire la fréquentation des transports en commun en particulier certains jours de la semaine (lundi, mercredi et vendredi).
A la RATP, le trafic a globalement baissé entre octobre 2019 et octobre 2023 et près de la moitié de cette baisse s’expliquerait par le développement du télétravail. Des tendances similaires sont observées dans d’autres grandes métropoles comme Lyon, la circulation automobile baissant en revanche à Rennes ou Toulouse, sans que cette diminution puisse être directement imputée au télétravail.
La fréquentation des TER a quant à elle fortement augmenté (21% entre 2019 et 2023) bien que cette hausse ne puisse être attribuée au seul télétravail
Des stratégies immobilières des entreprises de relocalisation vers les centres urbains et les zones attractives
Le télétravail favorise une réduction partielle des surfaces de bureaux dans les plus grandes métropoles et dans les entreprises. Mais d’autres facteurs influencent leurs stratégies immobilières afin d’inciter leurs salariés à plus de présence sur site par des espaces de travail plus attractifs. On observe ainsi une tendance à la relocalisation des bureaux vers les centres-villes au détriment des périphéries qui, lorsqu’elles sont dépourvues d’aménités (transports, services, commerces), connaissent des taux élevés de vacance tertiaire sans perspective de réutilisation rapide des surfaces disponibles. Ces évolutions présentent en outre un risque d’éviction du logement dans les quartiers centraux ou les mieux connectés.
Quelle prise en compte dans les politiques publiques ?
Le télétravail produit des effets diffus sur les territoires, avec une accentuation modeste des tendances en cours, difficiles à mesurer du fait du manque de données finement territorialisées qui limitent son exploitation comme levier des politiques publiques. Les auteurs indiquent qu’il pourrait pourtant, sous certaines conditions, jouer un rôle dans le rééquilibrage des territoires et dans la lutte contre le dérèglement climatique en appui d’autres politiques visant la réduction des émissions liées aux déplacements du quotidien.
A propos de France Stratégie
Institution autonome, placée auprès du Premier ministre, France Stratégie contribue, par ses propositions, à l’action publique et éclaire le débat. Elle réalise des études originales sur les grandes évolutions économiques et sociales, et les enjeux de soutenabilité. Elle produit également des évaluations de politiques publiques à la demande du gouvernement. Les résultats de ses travaux s’adressent aux pouvoirs publics et aux citoyens.
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Les impacts territoriaux du télétravail : angle mort des politiques publiques ?
Le télétravail pratiqué par près de 19 % des salariés français en 2023. Son adoption dépend de l’emploi occupé mais aussi des décisions des entreprises et des individus. A-t-il un impact sur l’aménagement des territoires ? La mission a choisi d’investiguer les impacts territoriaux du télétravail au niveau national, y compris la région capitale, puis plus particulièrement à l’échelle de trois systèmes territoriaux centrés autour de métropoles : Rennes, Toulouse et Lyon.
Le télétravail, concernant avant tout les cadres, est plus fréquent dans les centres des grandes agglomérations que dans leur périphérie ou que dans les unités plus petites, car praticable de manière inégale selon les territoires en raison de la structure des emplois.
S’agissant des choix de lieu de résidence, il ne se constate pas de modifications sensibles des flux entre les régions, les métropoles et les villes moyennes ou les espaces périurbains ou ruraux, imputables au développement du télétravail.
En Île-de-France et Lyon, le télétravail sans diminuer le trafic routier a permis de réduire la fréquentation des transports en commun aux heures de pointe, la circulation automobile baissant en revanche à Rennes et Toulouse. Concernant les déplacements de moyenne distance, la fréquentation des TER s’est fortement accrue, l’augmentation du prix des carburants pour automobile ayant manifestement joué un rôle.
Le télétravail favorise une réduction partielle des surfaces de bureaux dans les plus grandes métropoles et entreprises. D’autres facteurs influencent les stratégies immobilières des sociétés cherchant d’abord à rendre leurs espaces de travail plus attractifs et propices aux échanges collectifs pour inciter à la présence sur site.
Une tendance à la relocalisation des bureaux vers les centres-villes, offrant aménités et connections, au détriment des périphéries urbaines, est ainsi observée. Lorsqu’elles sont dépourvues d’aménités (transports, services, commerces), ces dernières connaissent des taux élevés de vacance de l’immobilier tertiaire sans perspective de réutilisation rapide des surfaces disponibles.
Ces évolutions présentent en outre un risque d’éviction du logement dans les quartiers centraux ou les mieux connectés. Le télétravail, loin de détendre le marché du logement, renforce la demande, en particulier dans les zones à forte attractivité touristique et dans celles bien dotées en aménités urbaines.
Sur le plan environnemental, bien que le télétravail contribue à réduire le nombre de trajets domicile-travail, il entraîne d’autres effets tels que la multiplication des déplacements pour d’autres motifs ou l’allongement de la distance domicile-travail, sans réduire nécessairement l’usage de la voiture.
Le caractère diffus du télétravail et de faible intensité sur les territoires limite son exploitation comme levier des politiques publiques, alors qu’il pourrait jouer un rôle dans le rééquilibrage des territoires et l’adaptation au changement climatique, en favorisant fortement l’individualisation des rythmes de vie, et en faveur de politiques des temporalités en parallèle des politiques spatiales.