Peu après la COP 16 Biodiversité et alors que s’ouvre la COP 29 Climat, voici une sélection de 5 ouvrages pour éclairer les enjeux liés au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité, aux éditions Tana et Les Liens qui Libèrent. « Précisions sur la fin du monde » d’Yves Cochet, « S’adapter au changement climatique » et « Biodiversité » dans la collection Fake or Not, « Le grand retournement » de Marine de Guglielmo Weber & Rémi Noyon, et « Agir pour l’eau » de Charlène Descollonges.
Précisions sur la fin du monde
Que faire face à la catastrophe politique, écologique et sociale imminente ? Pour le scientifique et ancien ministre Yves Cochet, cela ne fait aucun doute : en ces temps incertains et bouleversés, il est urgent de replacer la question de l’effondrement au cœur du débat public.
Tout se passe comme prévu. Après plus de cinquante ans de prophéties catastrophiques de la part de certains lanceurs d’alerte, la réalité accomplit ce qui semblait inimaginable à l’époque : la possibilité d’un effondrement systémique mondial proche devient plausible aux yeux d’une minorité, tandis que, massivement, l’immense majorité croit encore que le marché, la croissance et la technologie parviendront à résoudre les problèmes actuels, notamment les inégalités et la « crise écologique ».
Depuis environ trente ans, des centaines d’experts, de journalistes, de politiques et autres essayistes tentent d’élaborer des centaines de scénarios, de plans, de « solutions » à cette « crise écologique » bien que les indicateurs de l’état de santé du système-Terre ne cessent de démontrer l’inanité de ces efforts. Cependant, personne ou presque ne se demande pourquoi ces insuffisances répétées continuent-elles ? Ou pourquoi, bien qu’informé, chacun continue-t-il sa vie antérieure ? Ou encore pourquoi les gouvernements n’agissent-ils pas, alors qu’ils savent ?
Pour Yves Cochet, ces déboires puisent tous leur source dans une représentation erronée du monde réel, munie de croyances et de notions héritées d’une cosmologie calamiteuse. En posant l’hypothèse que les individus comme les décideurs agissent selon leur croyance (leur cosmologie), le scientifique démontre
que cette représentation erronée conduit à des actes individuels et collectifs qui détruisent le système-Terre et accroissent les inégalités.
Yves Cochet est ancien ministre de l’Écologie et scientifique. Membre des Verts, puis du parti EELV il est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Pétrole apocalypse (Fayard), Anti-manuel d’écologie (Bréal) et Devant l’effondrement (Les liens qui libèrent). Il est l’un des fondateurs de l‘institut Momentum – un groupe de réflexion sur l’imminence de l’effondrement de la civilisation industrielle et des moyens à mettre en œuvre pour tenter de réduire son ampleur.
S’adapter au changement climatique
Les accords de Paris en 2015 avaient fixé la limite du réchauffement climatique à + 1,5 °C ou + 2 °C grand maximum d’ici la fin du siècle, sous peine de chaos. Le ministère de la Transition écologique parle maintenant de + 4 °C en France (c’est-à-dire + 3 °C de réchauffement planétaire).
D’ores et déjà, alors que nous ne sommes qu’à + 1,3 °C, nous connaissons des événements climatiques de plus en plus intenses et dévastateurs. Nous savons que les sécheresses longues vont empirer, que les températures caniculaires vont augmenter et que les inondations dévastatrices vont se multiplier. La litanie des conséquences est interminable : baisse des rendements agricoles, pénurie d’eau douce, diminution de nos capacités à produire de l’électricité, effondrement de la biodiversité, incendies hors norme, villes étuves, retrait/gonflement des argiles qui menacent les bâtiments, élévation du niveau des mers et des océans et menaces sur les littoraux…
Puisque réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre pour stopper ces phénomènes délétères nous est impossible, nous devons aujourd’hui prendre la mesure de ce que cette adaptation à ces nouvelles conditions de vie veut dire. Et de la manière dont elle interroge la démocratie. Ilian Moundib examine l’ensemble des conséquences sur notre vie quotidienne du changement climatique qui s’annonce et explore toutes les pistes qui sont à notre portée pour y faire face : infrastructures, modes de production, organisation sociale, démocratie locale…
Alors, pour faire fonctionner notre système économique, on pompe massivement et on rejette là où ça nous arrange, on détourne les cours de l’eau, on endigue les rivières, on construit des barrages et des retenues, on bétonne les zones humides, on déforeste à tour de bras, on pollue, on modifie le climat…
Il est urgent de regarder l’eau douce autrement que comme une ressource à contrôler, éternellement disponible. Enjeu politique, la gestion de l’eau doit devenir collective et démocratique, sous peine de multiplier les conflits d’usage, voire des guerres de l’eau.
Ilian Moundib est ingénieur en résilience climatique. Diplômé de l’École Centrale de Lyon et de l’Imperial College, membre du conseil scientifique de l’Institut Rousseau, il a publié plusieurs rapports à destination des pouvoirs publics français sur la sobriété hydrique et l’adaptation climatique de la France. Il est consultant, conférencier et formateur indépendant sur les questions d’adaptation aux risques climatiques.
Fake or Not scrute nos modes de consommation, fournit une boîte à outils qui aiguise l’esprit critique et décrypte les enjeux environnementaux qui fond débat. La collection donne la parole aux experts, aux chercheurs et aux scientifiques qui analysent et décodent chaque sujet en s’appuyant sur des données et des chiffres vérifiés. L’objectif : penser l’avenir de nos démocraties, agir à son échelle et s’engager pour un futur désirable.
Biodiversité
La biodiversité s’effondre partout sur la planète. Certains évoquent même une extinction massive du vivant. Où en est-on vraiment ? L’écosystème planétaire est un écheveau d’interactions, d’échanges, à tous les niveaux et à toutes les échelles. C’est ce que nous, humains, sommes en train de détruire.
En 30 ans, 70% des insectes volants ont disparu en Europe. Près de 60% des oiseaux des champs se sont volatilisés sur la même période. Nous nous acheminons vers une campagne silencieuse et un monde sur lequel règnent les animaux d’élevage et les humains. Le monde sauvage se réduit comme peau de chagrin.
Nos impacts sont protéiformes. Nous artificialisons sans limite et détruisons les habitats, nous cultivons avec des substances qui tuent les insectes et la vie du sol, nous réchauffons le climat, provoquant assèchements, incendies, températures caniculaires ou inondations à répétition qui détruisent le vivant. Nous faisons circuler des espèces entre les continents qui s’installent aux dépens des espèces locales … Nous avons pris possession de l’intégralité de la nature.
Nos modes de vie ont des impacts partout sur la planète et nous seuls, humains, décidons, du haut de notre puissance sans limite, de ce qui peut vivre et ce qui devra disparaître. Alors que la biodiversité est un tissu de vies animales, végétales, bactériennes où tout est en connexion avec tout. Et les équilibres du vivant sont les garants de notre survie puisque nous dépendons totalement de ce qu’offre la nature : pour nous nourrir et pour boire, pour nous vêtir, nous chauffer, construire …
Philippe Grandcolas est écologue et systématicien de formation. Il a créé, développé et dirigé pendant dix ans, l’Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité, une unité mixte du CNRS, du Muséum national d’Histoire naturelle, de Sorbonne Université, de l’École Pratique des Hautes Études et de l’Université des Antilles, comprenant plus de 200 systématiciens et biologistes de l’évolution. Il est aujourd’hui directeur de recherche au CNRS et directeur adjoint scientifique de l’Institut Écologie et Environnement du CNRS. Il représente le CNRS au conseil d’administration de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).
Le grand retournement
Comment la géo-ingénierie s’infiltre dans les politiques climatiques
Et si, après avoir déréglé le climat au point de menacer la vie sur Terre, nous décidions de le contrôler ? Plutôt que de changer nos habitudes et confronter les intérêts des industries fossiles, devons-nous pousser encore plus loin notre « aménagement » du système Terre ? Cette enquête édifiante et fouillée explore la géo-ingénierie : dernier recours ou dangereux leurre ?
Depuis les années 1970, des scientifiques envisagent de recouvrir la planète d’un voile d’aérosols stratosphériques pour réguler l’énergie solaire et réduire les températures. D’autres cherchent à optimiser les cycles naturels du carbone pour absorber l’excès de CO2. Ces approches, bien que différentes, sont regroupées sous le terme de géo-ingénierie. Jadis perçues comme des idées dangereuses, elles sont de plus en plus acceptées.
Face à l’incompatibilité de notre système économique avec celui de la Terre, certain·es envisagent de réformer ce dernier. L’aspiration du dioxyde de carbone est incluse dans les scénarios du GIEC, malgré les doutes sur son efficacité. La possibilité d’un « voile solaire » est étudiée en détail. Certain·es y voient un moyen de ralentir le réchauffement sans toucher aux bases du capitalisme. D’autres le considèrent comme un dernier recours pour éviter des catastrophes irréversibles.
Une minorité rêve même d’un « Anthropocène heureux » où nous contrôlerions les cycles naturels de la Terre.
Cet ouvrage retrace l’histoire de ces projets, explore la culture scientifique et philosophique qui les sous-tend, et examine leurs implications en termes de gouvernance et de conflits géopolitiques. Une préoccupation majeure demeure : que ces solutions incertaines retardent les changements nécessaires et transforment l’urgence climatique en climat d’urgence, propice à des interventions risquées.
Marine de Guglielmo Weber est chercheuse en environnement, énergie et matières premières stratégiques à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem).
Docteure en sciences de l’information et de la communication – chercheuse, autrice – Littérature d’anticipation, géopolitique des changements climatiques et de la géo-ingénierie
Rémi Noyon est journaliste au Nouvel Obs, chef adjoint de la rubrique idées, où il travaille sur les questions environnementales
Agir pour l’eau
Le mode d’emploi citoyen
Après L’Eau dans la collection Fake or not ?, Charlène Descollonges propose dans ce nouvel ouvrage des mesures concrètes, souhaitables et applicables en France pour protéger l’eau. Elle explique comment passer à l’action et mettre en pratique des changements à tous les niveaux (individuel, collectif, économique, politique, sociétal), en s’appuyant sur de nombreux exemples ainsi que différents retours d’expérience en France et à travers le monde.
Un guide pratique qui donne envie d’agir pour protéger l’eau à l’échelle individuelle et collective, et se préparer aux crises de l’eau.
Chaque mesure concrète est détaillée pour faciliter la compréhension et permettre au lecteur de se
lancer :
- Quelle est la facilité de mise en œuvre ?
- Quel est le niveau d’engagement requis ?
- Quel est le coût de mise en œuvre ? Quelles aides sont possibles ?
- Quel est l’impact sur l’eau ?
L’eau, Fake or not ? Repenser notre gestion de l’eau sans fake news : économies et partage de l’eau, amélioration de la qualité de l’eau, restauration du cycle hydrologique.
L’eau est notre bien commun, indispensable aux humains, à tous les écosystèmes et à l’ensemble du vivant. Naturellement, l’eau chemine à l’intérieur d’un grand cycle fermé et infini. Mais ça, c’était avant que les humains ne mettent à leur service l’eau douce partout sur la planète, l’eau pour boire, irriguer, produire de l’énergie, transformer ou fabriquer … Alors, pour faire fonctionner notre système économique, on pompe massivement et on rejette là où ça nous arrange, on détourne les cours d’eau, on endigue les rivières, on construit des barrages et retenues, on bétonne les zones humides, on déforeste à tour de bras, on pollue, on modifie le climat … Il est urgent de regarder l’eau douce autrement que comme une ressource à contrôler, éternellement disponible. Enjeu politique, la gestion de l’eau doit devenir collective et démocratique, sous peine de multiplier les conflits d’usage, voire des guerres de l’eau.
Charlène Descollonges est ingénieure hydrologue, spécialisée dans la gestion de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Titulaire d’un double diplôme Master et Ingénieur, elle a travaillé pendant 5 ans avec des élus et les acteurs du bassin versant de l’Arve. Elle est spécialisée dans la gestion stratégique de la ressource en eau et des milieux aquatiques. Elle a piloté des études sur l’équilibre quantitatif et le partage de la ressource en eau. Elle exerce aujourd’hui en tant que consultante indépendante, auteure et conférencière engagée. Elle intervient auprès des décideurs politiques, des dirigeants d’entreprise, des acteurs agricoles, financiers, de l’eau et de l’énergie. Elle a cofondé l’association Pour une Hydrologie Régénérative, qui vise à restaurer le cycle de l’eau à l’échelle des territoires pour améliorer leur résilience face aux sécheresses, aux inondations et à l’érosion.