La biodiversité joue un rôle protecteur sur le fonctionnement des écosystèmes dans des conditions climatiques désavantageuses, selon deux études menées par des scientifiques du CNRS1 et leurs collègues allemands et chinois, parues le 18 mars dans les revues Global Change Biology et PNAS.
Favoriser la biodiversité dans les forêts peut par exemple considérablement atténuer les conséquences du changement climatique sur le recyclage du carbone et de l’azote, un processus indispensable au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers et au stockage naturel du carbone dans les sols. Issu de la décomposition de la matière organique (feuilles et plantes mortes) par des microorganismes et la faune du sol, ce processus est ralenti dans des conditions climatiques plus sèches, telles qu’induites par le changement climatique.
Grâce à des approches théoriques et des modélisations mathématiques2, les scientifiques ont pu démontrer que la diversité végétale d’une forêt ou d’une prairie atténue les variations de température les plus extrêmes sur ses microclimats3, favorisant ainsi les processus écosystémiques telle que la décomposition.
Ce résultat a également été démontré expérimentalement. Pour ce faire, l’équipe de recherche a observé les effets de mélanges de feuilles mortes plus ou moins diversifiés provenant d’espèces différentes, combinés à des mélanges plus ou moins diversifiés d’organismes décomposeurs, et ce sur cinq écosystèmes forestiers différents4 allant d’une forêt tempérée à une forêt tropicale. Les portions de forêts étudiées ont été soumises à des conditions de sécheresse grâce à la mise en place de systèmes d’exclusion de pluie. Les scientifiques ont ainsi pu observer que la combinaison d’une plus grande diversité végétale et d’organismes décomposeurs peut atténuer, voire même entièrement compenser, les effets d’un climat sec sur le recyclage des éléments, et ce pour une grande variété d’écosystèmes forestiers.
L’équipe de recherche appelle à la prise en compte de ces résultats dans la gestion des écosystèmes, notamment des forêts, où il s’avère indispensable de favoriser et entretenir la diversité des espèces afin de mieux les protéger du réchauffement climatique et de ses conséquences.
Bibliographie
Microclimate modulation: an overlooked mechanism influencing the impact of plant diversity on ecosystem functioning. Remy Beugnon, Nolwenn Le Guyader, Alexandru Milcu, Jonathan Lenoir, Jeremy Puissant, Xavier Morin et Stephan Hättenschwiler. Global Change Biology, le 18 mars 2024.
Biodiversity mitigates drought effects in the decomposer system across biomes. Junwei Luan, Siyu Li, Shirong Liu, Yi Wang, Liping Ding, Haibo Lu, Lin Chen, Junhui Zhang, Wenjun Zhou, Shijie Han, Yiping Zhang et Stephan Hättenschwiler. PNAS, le 18 mars 2024.
- Travaillant au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CNRS/EPHE – PSL/IRD/Université de Montpellier). ↩︎
- L’effet de différents degrés de diversités de plantes sur les microclimats d’un écosystème de prairie a été étudié grâce aux données issues de l’expérience de Jena. Financée par la Fondation allemande pour la recherche (DFG) et en cours depuis 2002, il s’agit de l’une des expériences sur la biodiversité les plus longues au monde. Elle étudie les effets de la biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes. ↩︎
- Ensemble des conditions climatiques limitées à un espace géographique très restreint et significativement distinct de son environnement général. ↩︎
- En Chine, le long d’un gradient latitudinal couvrant plus que 20° du Nord (42°25’N) au Sud (21°55’N) ↩︎