Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a réuni les acteurs de l’écosystème de la mode, chercheurs, associations, personnalités du monde de l’influence et industriels du textile sur le thème « de l’ultra fast fashion à la mode durable », afin d’échanger sur les enjeux d’une mode française durable et accessible à tous.
Quel est l’impact environnemental de la mode ultra rapide ?
L’industrie textile est devenue l’une des plus impactantes pour notre environnement : elle représente environ 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
L’essor de l’ultra fast-fashion amplifie le coût environnemental de cette activité : la production mondiale de vêtements a doublé en 14 ans tandis que la durée de vie des vêtements a diminué d’un tiers.
Quelques chiffres clés :
- 7 500 litres : c’est le volume d’eau nécessaire pour fabriquer un jean, soit l’équivalent de l’eau bue par un être humain pendant sept ans (source : ONU) ;
- 20% de la pollution des eaux est imputable à la texture / finition et au traitement des textiles d’habillement dans le monde (source : Parlement européen) ;
- 95% : c’est la part des habits français importés (source : Fédération indépendante du made in France et selon l’UIT).
Proposition de loi anti fast-fashion : une opportunité historique pour la coalition Stop Fast-Fashion
Alors qu’une proposition de loi sur la fast-fashion sera débattue jeudi 14 mars à l’Assemblée nationale, les organisations réunies au sein de la coalition Stop Fast-Fashion appellent les députés et le gouvernement à se saisir de cette opportunité historique de mettre fin à ce système de surproduction délétère, et à adopter un texte ambitieux qui cible toutes les enseignes de fast-fashion.
La proposition de loi déposée par Anne-Cécile Violland (Horizons) définit la fast-fashion en fonction des quantités de modèles proposés et des fréquences de renouvellement des collections. Elle prévoit de pénaliser financièrement cette pratique via un malus sur les produits textiles, pouvant aller jusqu’à 10€ par article, ainsi que d’interdire la publicité pour la fast-fashion, y compris au travers d’influenceur·euses.
La coalition Stop Fast-Fashion, qui réunit 8 organisations engagées pour en finir avec les ravages de cette industrie, demande à fixer des critères ambitieux pour freiner le renouvellement permanent des collections. La société civile souhaite en effet que toutes les marques qui proposent plus de 5 000 modèles par an soient considérés comme relevant de la fast-fashion, et que cette loi s’applique notamment à toutes les plateformes de commerce en ligne.
Ces mesures permettraient de ne pas pénaliser uniquement Shein ou Temu mais également des marques comme Zara, Primark, H&M ou Action, ainsi que des plateformes comme Amazon, dont les pratiques ont des effets délétères sur l’environnement. Restreindre la portée de la loi à deux marques serait contre-productif et ne permettrait pas de répondre aux problèmes systémiques de l’industrie textile.
La fast-fashion, une catastrophe sociale et écologique
Le modèle de la fast-fashion et ses lourds impacts sociaux et environnementaux apparaissent dès les années 2000. Aujourd’hui, le secteur textile représente près de 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et 70 % des vêtements vendus en France sont fabriqués en Asie du Sud-Est où la main d’œuvre est exploitée. Avec 3,3 milliards d’articles commercialisés en France en 2022, jamais autant de vêtements et de chaussures n’ont été vendus sur le territoire. La plupart étant produits à l’autre bout du monde dans des conditions de travail difficiles et précaires, parfois déshumanisantes et dangereuses. Ce modèle contribue au déclin structurel du secteur de l’habillement et du textile français, qui a perdu près de 10 000 emplois en un an et plus de 300 000 emplois depuis les années 90.
Quelles solutions envisagées ?
Le ministre a annoncé, pour réduire les impacts environnementaux de ce secteur :
- Le soutien à une initiative parlementaire qui interdit la publicité pour les entreprises d’ultra fast-fashion. Cette interdiction concernera aussi les influenceurs : il ne sera plus possible d’encourager à l’achat d’un vêtement d’une marque d’ultra fast-fashion.
- La mise en place d’un dispositif de bonus / malus sur les vêtements. L’ultra fast-fashion sera plus chère qu’elle ne l’est aujourd’hui et la mode durable moins chère grâce à un bonus.
- Le renforcement de l’information du consommateur :
- Les marques d’ultra fast-fashion devront afficher sur leur site internet un double message de sensibilisation à leur impact environnemental et d’encouragement au réemploi de ces produits ;
- La concertation sur l’affichage environnemental sur les vêtements doit aboutir avant la fin de l’année. C’est un enjeu de transparence pour le consommateur. Le cycle de vie du produit et son coût pour l’environnement devront être facilement accessibles pour l’acheteur.
- Le lancement d’une campagne de communication pour promouvoir le textile français et lutter contre l’ultra fast-fashion. Cette campagne sera préparée en partenariat avec l’ADEME et le MEDEF.
- Le portage par le Gouvernement d’une proposition de coalition internationale pour interdire les exportations de déchets textiles vers les pays qui ne sont pas en capacité de les gérer durablement, dans le cadre de la Convention de Bâle.
« La France engage la lutte contre la mode ultra-rapide »
à lire dans l’édition de La Croix du jeudi 7 mars 2024 et sur la-croix.com |
Une proposition de loi visant à encadrer la mode ultra-rapide, débattue ce jeudi 7 mars à l’Assemblée nationale, prévoit notamment de faire passer à 10 € l’écocontribution payée sur chaque vêtement par les enseignes les plus polluantes. Objectif : rétablir une juste concurrence entre cette mode du « tout jetable » et les vêtements produits en France de manière durable. |
Une loi pour en découdre avec la fast-fashion !
Paris, le 14 mars 2024 – Après plusieurs heures de débat, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la loi visant à réduire l’impact environnemental du textile. Quelques faiblesses persistent. Mais les organisations membres de la coalition Stop Fast-Fashion, qui s’étaient mobilisées fortement pour un tel texte, se réjouissent de l’avancée significative que représente ce vote. Il va permettre de commencer à agir contre le système de surproduction textile. Les associations se mobilisent sans relâche depuis plusieurs mois pour interpeller le gouvernement et les député·es sur l’urgence à encadrer les pratiques de la fast-fashion. L’adoption de ce texte est un premier pas historique.
Des avancées significatives
La coalition reconnaît des premières avancées pour lutter contre le fléau social et environnemental de la fast-fashion et salue l’implication de la rapporteure Mme Anne-Cécile Violland et de l’ensemble des député·es lors des discussions. À l’issue des débats en séance, le texte a été renforcé sur les points suivants :
– La responsabilisation des plateformes de commerce en ligne, telles que Shein, Temu, Ali Baba et Amazon, au même titre que les autres enseignes de la fast-fashion.
– L’indexation des pénalités sur l’affichage environnemental.
– L’incompatibilité entre les primes existantes dans la filière textile et les pénalités financières pour les produits ayant le plus mauvais impact environnemental.
– Un calendrier progressif pour l’application des pénalités dès 2025, avec une trajectoire ascendante jusqu’en 2030.
– Le reversement d’une partie des fonds collectés au titre de la responsabilité élargie des producteurs à des filières de réutilisation dans les pays vers lesquels sont exportés les vêtements usagés.
– Le maintien de l’interdiction de la publicité pour la fast-fashion.
Des points de vigilance pour la suite
Malgré ces avancées significatives, la coalition regrette l’absence de certaines mesures, telles que l’exigence de transparence sur les quantités mises en marché par les enseignes ou l’adoption d’un affichage social. Elle reste vigilante sur la méthodologie qui sera adoptée pour l’affichage environnemental et le futur décret d’application de la loi qui définira la fast-fashion. Les associations comptent sur les décideur·euses politiques pour ne pas faiblir face aux attaques des lobbies de l’industrie textile. Il est primordial pour elles d’éviter que les enseignes historiques de fast-fashion, telles que Zara, H&M, Action ou encore Primark, ne passent entre les mailles du filet. La coalition espère que le texte sera débattu au plus vite au Sénat. Lors de ces prochaines étapes, l’enjeu sera tout aussi fort. Le texte voté, bien qu’imparfait, ne doit pas être détricoté. Il en va de son efficacité à lutter véritablement contre les dérives de la fast-fashion.