Alors que les nations se réunissent ce week-end en Egypte pour la 27ème Conférence des Nations Unies sur le climat (COP27), les pays les moins avancés (PMA) ne doivent pas devenir des « refuges » ou des « paradis du carbone » pour des pollueurs, alors que les pays riches éliminent progressivement de leurs économies les industries à fortes émissions, a averti jeudi une agence des Nations Unies.
Face à des « lois environnementales efficaces et de plus en plus restrictives » pour réduire les émissions de CO2 sur le marché domestique, ces contraintes poussent souvent des entreprises à polluer à l’étranger. Selon la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (Cnuced), la conformité avec des politiques des partenaires commerciaux pose de nouveaux défis aux PMA.
« La communauté internationale doit tenir compte de leurs besoins en matière de développement et les soutenir pleinement pour assurer une transition vers une économie sobre en carbone juste, équilibrée et durable », a déclaré Rebeca Grynspan, Secrétaire générale de la CNUCED.
Danger de déplacer des industries polluantes des pays riches vers les PMA
En effet, toute politique des partenaires commerciaux ciblant les émissions de carbone générées par la production de biens exportés pourrait avoir un fort effet modérateur sur les exportations des PMA, même indirectement au cas où ces derniers en sont exemptés. Le Rapport 2022 sur les pays les moins avancés de la CNUCED indique que les conséquences pourraient être graves si de telles politiques devaient « déplacer des industries polluantes des pays développés vers les PMA pour permettre aux premiers de respecter leurs engagements en matière de réduction des émissions de CO2 – c’est ce qu’on appelle la fuite de carbone », a mis en garde Mme Grynspan. Selon la CNUCED, les fuites de carbone se produisent lorsque des pays qui appliquent des politiques strictes en matière d’émissions de carbone déclenchent une augmentation des émissions dans d’autres pays en conséquence directe de l’augmentation du coût de la réduction des émissions dans le pays réglementé.Des « paradis du carbone » pour maintenir une compétitivité internationale
Dans ces conditions, le remplacement des produits nationaux par des importations moins chères peut entraîner des fuites opérationnelles. « Cette perte de compétitivité internationale devrait être de courte durée et négligeable si les producteurs confrontés à la concurrence internationale sont exemptés de la politique ou bénéficient systématiquement de concessions pour préserver leur compétitivité internationale », a fait observer la CNUCED. Le rapport s’inquiète du fait que les PMA, qui sont marginalisés dans le commerce mondial, sont désormais confrontés à des vents contraires supplémentaires en raison des politiques environnementales de leurs partenaires commerciaux. La CNUCED exhorte la communauté internationale à prendre en compte les intérêts des PMA et à éviter les mesures politiques qui limitent la marge de manœuvre de ces pays et augmentent la probabilité de voir apparaître des refuges des pollueurs parmi eux. Les 46 PMA, qui abritent environ 1,1 milliard de personnes, ont contribué de façon minime aux émissions de CO2. En 2019, ils représentaient moins de 4% du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pourtant, au cours des 50 dernières années, 69% des décès à niveau mondial causés par des catastrophes liées au climat sont survenus dans les PMA.Le piège des produits de base accroît la vulnérabilité
Mais les économies des PMA dépendent en grande partie des exportations de produits de base tels que les minéraux, les métaux et les combustibles, qui entraînent des émissions élevées de CO2 et constituent souvent des intrants dans les chaînes de valeur mondiales à forte intensité de carbone, telles les produits métalliques, le ciment, les engrais ou l’électricité. Entre 2018 et 2020, quelque 80% des PMA ont été classés comme dépendant des produits de base, ce qui signifie que plus de 60% de leurs exportations de marchandises étaient constituées de produits primaires. Par conséquent, l’élan vers la réduction des émissions de carbone pourrait avoir un impact négatif sur les secteurs des exportations des PMA, prévient le rapport. Les plus de deux tiers des PMA dont l’économie dépend de l’exportation de produits de base à fortes émissions de carbone pourraient être confrontés à de graves contraintes budgétaires et à une perte de production économique si l’extraction de ces produits devait être fortement réduite.Appel à « relancer » le soutien international et le financement du climat
Face à la vulnérabilité des économies des PMA, la CNUCED exhorte les partenaires de développement à accorder un traitement spécial et différencié aux PMA en leur fournissant un financement ciblé, suffisamment souple et à long terme. Cela implique qu’ils respectent leurs engagements en matière de financement climatique et qu’ils relèvent leur niveau d’ambition en matière d’objectifs de financement. Dans le même temps, les PMA ont besoin de politiques nationales pour une transition vers une économie sobre en carbone. Il s’agit de promouvoir l’adoption de technologies et d’innovations vertes et de créer un environnement propice à la mise à niveau technologique et à une innovation plus large. Selon le rapport, cela implique de réorganiser la fiscalité, de redoubler d’efforts pour réduire et, à terme, éliminer les flux financiers illicites et de réaménager le rôle des banques publiques de développement et des banques centrales.Rapport 2022 sur les pays les moins avancés
Le Rapport 2022 sur les pays les moins avancés examine les obstacles particuliers que rencontrent les PMA sur la voie de la transformation structurelle et d’un développement sobre en carbone. Elle cherche à démêler les liens pluridimensionnels entre l’adaptation aux changements climatiques et le développement durable, en mettant en évidence les options qui profitent à tous et les risques de compromis qui rendent indispensable l’appui de la communauté internationale. Rapport 2022 sur les pays les moins avancés À propos de la CNUCED
La CNUCED est la principale institution de l’ONU chargée du commerce et du développement. C’est un organe intergouvernemental permanent créé par l’Assemblée générale des Nations unies en 1964. La CNUCED fait partie du Secrétariat de l’ONU et compte 195 pays membres, ce qui en fait l’une des plus grandes institutions du système des Nations unies. La CNUCED aide les pays en développement à accéder de manière plus efficace et équitable aux avantages d’une économie mondialisée. Nous fournissons des analyses économiques et commerciales, facilitons la formation de consensus et offrons une assistance technique pour aider les pays en développement à utiliser le commerce, l’investissement, le financement et la technologie pour un développement inclusif et durable.