Le Mouvement pour l’économie sildaire (MES) [[Suite à l’Appel publié dans le » Monde » en Juin 1997, la création de l’Inter-Réseaux de l’Economie Solidaire permettait aux acteurs de cette forme d’économie d’en faire reconnaître la démarche, et de promouvoir une politique active de développement et de transformation sociale. Cinq années plus tard l’ensemble des réseaux concernés pose la question de la construction démocratique de leur représentation. Le congrès de l’IRES à Lille en Mars 2002 a engagé cette évolution en se transformant en Mouvement pour l’Economie Solidaire.]] vient de publier une enquête sur les implications des acteurs et des réseaux dans la construction des politiques régionales d’économie sociale et solidaire. Cette étude réalisée avec le Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie, apporte un éclairage inédit sur ces politiques régionales, qu’elle a examinées en PACA, en Basse-Normandie, dans le Centre, en Haute-Normandie, en Midi-Pyrénées et dans le Nord-Pas-de-Calais.
Introduction extraite du Rapport
L’économie sociale et solidaire, un nouveau domaine de l’action publique locale Les politiques territoriales de l’économie sociale et solidaire sont relativement récentes. Historiquement c’est d’abord au niveau national que l’économie sociale à travers notamment la création de la Délégation à l’économie et l’innovation sociale (DIES) au début des années 80, puis d’un Secrétariat d’Etat à l’économie solidaire au début des années 2000, que les premiers contours d’une politique publique en faveur de l’économie sociale et solidaire ont été définis. Ce n’est que depuis quelques années que des politiques régionales de l’économie sociale et solidaire se sont mises en place. La nomination de délégués régionaux et l’organisation en 1999 de consultations régionales de l’économie sociale avaient donné une première impulsion. Mais c’est la désignation d’élus à l’économie sociale et solidaire au sein de nombreux conseils régionaux, suite aux élections de 2004, qui a permis de franchir un seuil dans la visibilité et la structuration d’un nouveau champ de l’action publique territoriale. Bien entendu, ces premières politiques sont concomitantes d’une consolidation des regroupements d’acteurs collectifs sur les territoires. La transformation des Groupements régionaux de la Coopération, de la Mutualité et des associations (GRCMA) en Chambres Régionales de l’Economie Sociale (CRES) à la fin des années 90 marque la volonté de faire des représentants de l’économie sociale de véritables partenaires territoriaux. C’est également dans la seconde partie des années 90 que se constituent les premiers regroupements d’acteurs de l’économie solidaire sur plusieurs territoires. Des actions et des stratégies de reconnaissance auprès des Conseils régionaux et autres collectivités territoriales sont alors entreprises. Elles ont débouché, le plus souvent, sur des soutiens ponctuels à travers des politiques sectorielles relatives, en particulier, à l’appui à la création d’entreprises, d’emplois ou la lutte contre les exclusions. Le regard et l’implication des acteurs et organisations de l’économie sociale et solidaire dans ces politiques Changer d’échelle et faire reconnaître l’apport pour le développement régional d’un entreprendre, épargner et consommer autrement est passé en France , comme dans les régions, par son inscription dans la sphère politique et administrative comme en témoignent l’attribution d’une nouvelle compétence pour les élus et la désignation de conseillers techniques à l’économie sociale et solidaire. Reste que la définition et la mise en place de ce nouveau domaine de l’action publique locale ne pouvait se faire sans les acteurs et organisations qui montrent au quotidien que l’on peut produire et consommer de la richesse en mobilisant collectivement les valeurs de solidarité, coopération et démocratie. L’enquête réalisée par le Mouvement pour l’Economie Solidaire (MES) en collaboration avec le Réseau des territoires de l’économie solidaire (RTES) vise à la fois à mieux faire comprendre ce processus de co-construction des politiques régionales d’économie sociale et solidaire entre élus et acteurs tout en présentant le contenu des priorités et actions mises en place. Si ces politiques sont souvent trop jeunes pour en mesurer pleinement les effets sur le développement local, cette étude dans 6 régions permet de dégager plusieurs enjeux utiles à la réflexion et l’action de tous ceux qui pensent l’économie sociale et solidaire comme un outil au service du développement local. Co-construction et transversalité des politiques publiques de l’ESS Le premier enjeu est celui de la co-construction d’une nouvelle politique publique. Elaborer une identité et une représentation collective autour d’une définition commune qui tienne compte des diverses sensibilités des acteurs de l’économie sociale et solidaire est une étape souvent indispensable pour, à la fois, délimiter le périmètre et fixer les priorités d’une politique de l’économie sociale et solidaire. Cette volonté de faire avec les acteurs ne répond pas seulement au souci stratégique, des élus comme des réseaux, de renforcer mutuellement leur reconnaissance et légitimité auprès des institutions politique et économique. Elle procède aussi de tentatives de renouvellement des rapports entre les élus et la société civile locale qui cherchent, non sans tensions, à mettre en cohérence l’éthique démocratique et participative de l’économie sociale et solidaire avec l’exercice du pouvoir. Le second enjeu tient à la spécificité d’une politique de développement de l’économie sociale et solidaire. L’ambition affichée par les élus comme les acteurs est souvent d’aller plus loin qu’une simple réarticulation et réorientation des politiques existantes dans les domaines de l’insertion par l’activité économique, de l’appui à la création d’entreprises ou de promotion de la vie associative. Cela passe par le soutien à des filières clés (services de proximité, commerce équitable, finance solidaire, etc.), mais surtout par la définition d’actions transversales aux secteurs d’activités et statuts des organisations. Informer, faire connaître et promouvoir l’économie sociale et solidaire à travers diverses manifestations grand public, des guides des entrepreneurs sociaux et des consommateurs citoyens, un cadrage statistique sur son poids économique est décisif pour la visibilité du secteur auprès des élus régionaux comme de l’opinion publique. Construire une représentation collective en soutenant la structuration territoriale des regroupements de l’économie sociale et solidaire est tout aussi incontournable pour avoir des interlocuteurs légitimes et impliqués localement. Susciter et appuyer les initiatives solidaires par des appels à projets, la mise en place de réseau et dispositifs d’accompagnements à même de prendre en compte les spécificités de l’économie sociale et solidaire (statut juridique, dimension collective, utilité sociale, hybridation des ressources), favoriser couveuses, pépinières et autres centres ressources, se trouvent déclinés sous différentes formes dans les régions étudiées. Renforcer les capacités de financement de l’économie sociale et solidaire en l’inscrivant dans le budget des régions, mais aussi en soutenant l’épargne et la finance solidaire s’avère être un juste rééquilibrage au regard des autres aides accordées à l’activité économique traditionnelle. Inscrire l’économie sociale et solidaire dans les politiques économiques et, en particulier, les schémas régionaux de développement économique (SRDE) est tout aussi stratégique pour que l’ensemble des élus, des administrations et autres acteurs économiques impliqués dans le développement régional commencent à prendre en compte les potentiels d’un entreprendre autrement pour l’emploi local et la cohésion sociale. Transformation des régulations économiques, démocratie participative et pérennité : les défis à venir L’ensemble de ces actions intersectorielles forme souvent l’ossature des politiques régionales de l’économie sociale et solidaire. Reste que si les avancées sont indéniables, les défis demeurent nombreux. Le premier défi est de ne pas cantonner la politique d’économie sociale et solidaire à un domaine additionnel de l’action publique au détriment d’une ambition plus large de régulation de l’économie plurielle et d’influence sur le modèle de développement local. Dans cette perspective, la gestion des frontières avec le secteur privé lucratif et public est cruciale avec des enjeux comme l’introduction de clauses sociales dans les marchés publics ou la prise en compte de critères sociaux et environnementaux dans les politiques d’achats des collectivités territoriales. Un autre défi tient à l’équilibre dans la co-construction des politiques entre une démocratie sociale qui légitime les seuls interlocuteurs institutionnels au risque de privilégier une régulation corporatiste faite par et pour des professionnels de l’économie sociale et solidaire et une démocratie participative comme lieu d’expression publique des préoccupations d’initiatives et d’entrepreneurs plus à la marge des réseaux politiquement organisés. Tout l’enjeu est de savoir si cette dimension participative fortement mise en avant lors de la définition des plans régionaux de développement de l’économie sociale et solidaire se poursuivra dans les phases de mise en place et d’évaluation de ces nouvelles politiques. Le dernier défi tient à la pérennité des politiques régionales d’économie sociale et solidaire qui repose trop souvent sur la volonté et la compétence d’un élu épaulé par un ou deux conseillers techniques. La sensibilisation d’élus issus de divers partis politiques, la formation des fonctionnaires territoriaux, l’établissement de conventions cadre avec d’autres collectivités territoriales sont autant de jalons possibles d’une consolidation du capital social nécessaire à la pérennité d’une politique régionale de l’économie sociale et solidaire au-delà des alternances électorales.