Les pesticides sont-ils à l’origine d’un désastre sanitaire en Martinique et en Guadeloupe ? C’est ce qu’affirme le professeur Belpomme, cancérologue qui rendra public demain à l’Assemblée Nationale un rapport accablant sur cette affaire.
Des morts avérés, des cancers de la prostate en surnombre, des femmes enceintes et des nouveau-nés contaminés, des sols et des eaux durablement pollués… Le scandale du chlordécone [[Le chlordécone est un pesticide employé pour le traitement des bananiers afin de lutter contre le charançon, qui a été très utilisé en Martinique et en Guadeloupe jusqu’en 1993 alors qu’il était interdit aux Etats-Unis en 1976 et que dès 1979 la communauté scientifique en connaît la toxicité.]], ce puissant pesticide massivement utilisé aux Antilles, que le journal « Le Parisien » a révélé le 28 août, prend désormais une tout autre ampleur. C’est ce qu’affirme le professeur Belpomme, un cancérologue français de renommée internationale, pour qui l’usage généralisé des pesticides aurait provoqué des dégâts irrémédiables en Martinique et en Guadeloupe. Après avoir conduit une mission aux Antilles au printemps dernier, à la demande d’associations écologistes, le scientifique – qui rendra public demain à l’Assemblée un rapport explosif de 52 pages – assure même que cette « affaire » dépasse de loin celle du sang contaminé (Le Parisien – Edition du 17/09/07).
Selon Le Figaro (édition du 17/09/07), s’il reconnaît que les scientifiques n’ont «pas encore la preuve épidémiologique» que ces cancers sont «liés au chlordécone», il explique aussi qu’on a en revanche «pu démontrer scientifiquement que toutes les femmes enceintes et tous les enfants qui naissaient» en Guadeloupe étaient «contaminés au chlordécone».
Or, explique Dominique Belpomme, la France a interdit ce pesticide, pourtant signalé comme dangereux depuis 1972, seulement en «1990 sur son territoire». A l’exception des Antilles, où il a fallu attendre 1993, et où le produit a continué d’être utilisé jusqu’en 2002 de manière clandestine. Résultat : en Martinique, la plupart des sources d’eau sont polluées, de même que les fruits et légumes racines et certaines viandes.
Les premières réactions
La situation est «très grave» aux Antilles. Sur Europe 1 ce lundi matin, le ministre de l’Agriculture, Michel Barnier, n’a pas cherché à cacher son inquiétude quant aux risques sanitaires provoqués par l’usage intensif de pesticides en Martinique et en Guadeloupe. Face au scandale qui se profile, Michel Barnier a martelé sur Europe 1 que l’agriculture locale était «dans un nouvel état d’esprit». Pour le ministre, il faut «gérer le passé», avec «rigueur» et «le souci de connaître la vérité». Et d’insister sur l’opportunité «de faire autrement» puisque «les bananeraies ont été détruites par le cyclone» en août dernier. «Au moment où l’on va replanter, on a l’occasion d’utiliser peu ou pas de pesticides», insiste le ministre de l’Agriculture.
Au ministère de l’Environnement, Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet ne dissimulent pas « l’ampleur » du dossier.
La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a quant à elle insisté sur le fait qu’il n’existait « pas de lien scientifique » entre les pesticides et les problèmes de santé des Antillais. Elle appelle toutefois à la « plus grande précaution » pour les produits ne provenant pas des circuits commerciaux (production de jardins familiaux ou prélèvements d’eau de source), Elle recommande « de ne pas les consommer plus de deux fois par semaine ».
Nous reviendrons cette semaine sur cette affaire après la publication officielle du rapport intitulé : « Rapport d’expertise et d’audit externe concernant la pollution par les pesticides aux Antilles : conséquences agrobiologiques, alimentaires et sanitaires, et propositions d’un plan de sauvegarde. »