La Banque mondiale a publié la semaine dernière un rapport qui exhorte les États à se tourner vers des politiques de croissance vertes sachant que ce changement de trajectoire peut être efficace et d’un coût abordable, qu’il peut profiter à tous et qu’il est surtout nécessaire pour soutenir l’expansion économique dans les années à venir.
Lancé au Sommet mondial sur la croissance verte de Séoul, le rapport Inclusive Green Growth: The Pathway to Sustainable Development se penche sur la pertinence d’une croissance respectueuse de l’environnement et solidaire pour un développement durable, et propose un cadre d’analyse qui intègre les contraintes des facteurs environnementaux (atmosphériques, terrestres et marins) dans les plans de croissance économique nécessaires pour réduire la pauvreté. Le rapport démystifie l’idée qu’une démarche de croissance verte est un luxe que la plupart des pays ne peuvent s’offrir, en faisant ressortir au contraire que les principaux barrages en la matière résident plutôt dans les obstacles politiques, l’existence de comportements fortement ancrés et l’absence d’instruments de financement adaptés. « Depuis le Sommet de la Terre organisé en 1992 à Rio de Janeiro, au Brésil, on a assisté à des progrès sans précédent en matière de santé et de bien-être social, mais ces progrès se sont trop souvent traduits par une dégradation de l’environnement et un épuisement des ressources », a déclaré la vice-présidente de la Banque mondiale pour le développement durable, Mme Rachel Kyte. « Les décisions que les pays prennent aujourd’hui les engagent vers des modèles de croissance durables ou non dans l’avenir. Nous devons veiller à ce que les villes et les routes, les usines et les exploitations agricoles soient conçues et réglementées de manière à accroître le niveau de vie tout en maîtrisant efficacement le capital naturel, humain et financier. » Les États sont appelés à revoir la manière dont ils abordent les politiques de croissance et à mesurer non seulement ce qui est produit mais aussi la valeur de ce qui est épuisé et pollué dans le même temps. Selon le rapport, le fait d’accorder de la valeur au capital naturel — terres agricoles, ressources minérales, fleuves, océans, forêts, biodiversité — et d’attribuer des droits de propriété devrait suffire à inciter les pouvoirs publics, l’industrie et les particuliers à gérer ce capital de manière efficace, solidaire et durable. La Banque mondiale soutient très vigoureusement l’incorporation du capital naturel dans les comptes nationaux et cherchera à obtenir l’engagement des pays lors du Sommet Rio + 20 que les Nations Unies organisent au Brésil le mois prochain. Le gouvernement coréen a déjà promis une contribution de 40 millions de dollars destinée à renforcer et à élargir le portefeuille du Groupe de la Banque mondiale pour la promotion de la croissance verte dans le monde en s’inspirant de la réussite de la Corée et en tirant avantage de cette réussite. « Nous sommes ravis de nous associer au Groupe de la Banque mondiale et de partager l’expérience et l’expertise que nous avons acquises depuis que nous avons adopté une stratégie nationale de croissance verte en 2008 », a affirmé le ministre sud-coréen de la Stratégie et des Finances, M. Jaewan Bahk. « La transition vers des trajectoires de croissance verte n’est pas chose aisée. Nous devons impérativement partager notre savoir-faire et nos capacités si nous voulons que les pays en développement fassent le grand saut et abandonnent des modèles de production et de croissance dépassés et inefficaces. » Lors d’une manifestation de haut niveau organisée en marge des Réunions de Printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, d’autres ministres des Finances ont exprimé un soutien accru au concept de croissance verte solidaire. Le nouveau rapport de la Banque mondiale met essentiellement l’accent sur les cinq points suivants : – Le « verdissement de la croissance » est nécessaire, efficace et abordable : il est impératif pour parvenir au développement durable. – Les obstacles politiques, l’existence de comportements et de normes fortement ancrés ainsi que l’absence d’instruments de financement constituent les principaux freins à la croissance verte : il faut se concentrer sur les politiques et les investissements qui s’imposent dans les 5-10 ans à venir, l’objectif étant de sortir des schémas de croissance non durables, de couper court aux atermoiements politiques néfastes et d’éviter les conséquences préjudiciables sur le plan de la santé publique. – Le progrès passe par des solutions multidisciplinaires prenant en compte les aspects économiques, politiques, sociologiques et psychologiques : cette approche est indispensable pour pouvoir faire face aux contraintes imposées par la politique économique, surmonter des comportements et des normes sociales fortement ancrés et développer les outils de financement nécessaires. – La croissance verte n’est pas un concept monolithique ou figé : les stratégies varient selon les pays en fonction de la situation, des préférences et des ressources locales. Tous les pays, qu’ils soient riches ou pauvres, ont la possibilité de verdir leur croissance sans la ralentir. – La croissance verte n’est pas solidaire par essence, mais elle peut être conçue comme telle : si l’amélioration des performances sur le plan environnemental est généralement bénéfique aux plus pauvres et aux plus vulnérables, les politiques de croissance verte doivent être soigneusement conçues pour augmenter au maximum les bénéfices qui en découlent et ramener à un minimum les coûts y afférents, notamment pendant la période de transition. « On croit souvent à tort que les pays pauvres ne peuvent pas stimuler la croissance sans dégrader l’environnement et recourir aux sources d’énergie les moins chères et les plus polluantes : le charbon, la biomasse et, parfois, le pétrole et le gaz », a déclaré le directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel, M. Kandeh Yumkella. « C’est tout simplement faux. Les pays en développement ne reproduiront pas les modèles de croissance des siècles précédents, et ne devraient pas non plus essayer de les reproduire. Ils ont besoin d’une croissance plus intelligente, plus verte et plus rapide. L’environnement naturel, les ressources minérales et les matières premières constituent les principales sources de capital dans les pays pauvres ; ces ressources doivent donc faire l’objet d’une protection rigoureuse et d’une exploitation responsable. » « Ce rapport défend avec des arguments convaincants l’idée que la stimulation de la croissance économique et l’amélioration du bien-être social et environnemental ne s’excluent pas mutuellement et ne constituent pas non plus des mesures d’un coût exorbitant », a ajouté M. Kandeh Yumkella. « Les pays en développement doivent surmonter les obstacles d’ordre politique et instituer des primes à l’investissement maintenant, c’est-à-dire au moment où ils prennent des décisions d’infrastructure et de production qui auront des conséquences pour les générations à venir. » – Une présentation du rapport ainsi que le rapport dans son intégralité sont disponibles en anglais sur le site de la Banque Mondiale. – Lire sur Terra eco : La croissance durable, une riche idée pour les pauvres.