Trois ans après le lancement du Grenelle, l’heure est venue de faire un bilan et d’envisager des perspectives d’avenir. Pour y contribuer, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme publie aujourd’hui son analyse du processus Grenelle.
Le Grenelle une première étape très positive mais insuffisante au regard des enjeux « Le Grenelle de l’environnement a été un processus très positif. Il a créé un élan, une dynamique, symbolisés par une nouvelle forme de dialogue à cinq (Etat, collectivités territoriales, syndicats, entreprises et associations environnementales) et par le vote quasi unanime de la loi Grenelle 1. La prise en compte de notre environnement a été reconnue comme un enjeu de société. De nombreux engagements ont été obtenus. C’est le cas, par exemple, des normes énergétiques sur le bâtiment, du soutien au développement des énergies renouvelables, de l’éco-prêt à taux zéro pour la rénovation des logements, de l’objectif de réduction de moitié de l’utilisation des pesticides d’ici 10 ans ou encore de la création de la trame verte et bleue pour préserver la biodiversité. Ces avancées restent, cependant, insuffisantes au regard des défis auxquels l’humanité est confrontée. Nous avons franchi les premières étapes d’une course contre la montre. Il faut désormais aller plus loin. Nous n’avons pas franchi le cap du passage d’une économie quantitative à une économie qualitative. L’exemple le plus évident est celui de la fiscalité écologique, avec l’abandon ou le report des mesures visant à taxer les pollutions et la surexploitation des ressources naturelles. De même, dans le secteur agricole, s’il est proposé aux acteurs d’amorcer une mutation, certaines hésitations montrent un refus d’assumer le choix d’une autre agriculture, moins riche en intrants et plus riche en emplois. Donner un second souffle au Grenelle en dressant des perspectives d’avenir Le Grenelle ne peut être une fin en soi. Il doit constituer une transition, une étape dans la construction d’une politique d’avenir. L’analyse que la Fondation publie aujourd’hui n’est pas exhaustive. Nous ne prétendons pas évaluer l’ensemble du Grenelle, mais apporter notre réflexion et nos propositions au regard des sujets que nous avons plus particulièrement suivis, en élargissant au cadre plus général de la politique française. Cette analyse a également pour objet de contribuer à un processus d’évaluation du Grenelle qui doit être lancé par le gouvernement. Pour rejoindre la table des négociations et participer aux travaux gouvernementaux, nous attendons de cette évaluation qu’elle dresse un état des lieux des avancées au regard des enjeux, qu’elle identifie les points de blocage et surtout qu’elle fasse de nouvelles propositions. Il est, notamment, essentiel que les chantiers de la fiscalité écologique et de la refondation de la PAC (politique agricole commune) avancent. Il s’agit, enfin, d’assurer une véritable gestion transverse des enjeux du développement durable au niveau gouvernemental. Un nouveau cap doit, en ce sens, être fixé par le président de la République. Dans son analyse, la Fondation apporte des propositions concrètes pour aller au-delà du Grenelle. – Téléchargez l’analyse en cliquant ici. – Consultez le tableau de suivi des engagements en cliquant ici.Grenelle, merci et encore ! par Nicolas Hulot
Par Nicolas Hulot, Président de la Fondation pour la Nature et l’Homme. Éditorial publié le 27 mai 2010 dans Le Figaro : « L’objectivité est un exercice difficile, même quand on essaye de s’appliquer. Nous-mêmes, aveuglés par l’ampleur des menaces et la complexité des tâches, oublions parfois de saluer le travail accompli, focalisés sur le chemin restant, ignorant celui parcouru. Notre exigence légitime est parfois au détriment d’une certaine reconnaissance. Nous avons l’excuse de la passion et de l’émotion. Mais surtout, nous sommes taraudés par les souffrances à venir des plus précaires, si nous ne changeons pas plus en profondeur notre modèle économique. C’est tout le sens de notre suspension à notre participation au comité de suivi du Grenelle, et nous y reviendrons une fois que l’Exécutif aura clarifié sa volonté de donner un nouveau souffle à cette dynamique et que le dispositif aura été évalué à l’aune d’une exigence sans faiblesses. Ceci précisé, il est sain de s’octroyer une courte pause pour apprécier aussi le bénéfice de l’énergie dépensée. Car ceux qui disent que le Grenelle est une coquille vide sont soit paresseux pour ne pas avoir lu l’essentiel des 268 mesures, soit partiaux pour ne pas saluer l’effort réalisé, bafouant en cela l’esprit du Pacte Ecologique qui était, sur ces enjeux, de ne jamais céder aux réflexes politiciens ou partisans. Alors, après trois ans de labeur, de commissions acharnées et ininterrompues, juste au lendemain du Grenelle 2 : sachons dire merci ! Merci aux ONG, aux syndicats, aux collectivités territoriales, aux organisations patronales, à l’Etat, mais aussi à ceux des politiques qui ont su tenir le cap et tirer le processus vers le haut. À ceux qui ont su enfouir leurs préjugés au profit d’un dialogue respectueux, qui ont su installer un processus de démocratie participative novateur. Dès demain sans complaisance, il sera temps de croiser nos divergences ou nos exigences. Demain comme hier l’urgence et la combinaison des crises imposeront de proposer encore et beaucoup plus loin, d’évaluer, de rassembler et de convaincre. Mais aujourd’hui, actons que quelque chose s’est réellement passé dans notre pays, que l’impératif écologique sans être encore un facteur déterminant, n’est plus à la marge, même si certains s’obstinent à opposer les questions sociales, économiques et écologiques. Certaines tendances lourdes préjudiciables à l’environnement ont amorcé une indéniable inclinaison. Il y a dans le Grenelle des objectifs et des mesures structurantes. Dans son sillage s’est développée, dans la société, une dynamique inestimable, une profusion d’initiatives chez les citoyens, dans les collectivités locales et parfois même des avancées ou réorientations spectaculaires chez quelques acteurs économiques. Avec le Grenelle, la France a rempli son premier devoir écologique ; elle s’est mise à niveau, voire a pris la main sur certains sujets. En matière de bâtiment, de transport, de biodiversité, beaucoup d’engagements ont été pris et de moyens actés. La fiscalité écologique n’a pas été occultée, mais manque de mesures structurantes, d’autant que la pièce maîtresse que constitue la taxe carbone après avoir été votée, a été censurée par le Conseil Constitutionnel et reportée sine die par le gouvernement. En clair, quoi qu’il en soit, notre pays a une légitimité acquise qui lui permet, mais aussi lui impose, d’aller immédiatement beaucoup plus loin et notamment sur le plan diplomatique européen et international. À ces politiques qui tentent déjà de conjuguer les intérêts des uns et des autres, ainsi que de concilier le court terme et le long terme, aux citoyens souvent accaparés par toutes formes de précarités, aux acteurs économiques qui cumulent les contraintes, aux agriculteurs qui peinent sans gratitude, je voudrais juste dire que cet enjeu n’est pas le combat d’une partie de la société contre une autre. C’est un enjeu collectif, juste notre responsabilité commune, un simple devoir d’humain. J’entends bien que chez nous les changements climatiques ou l’érosion des ressources naturelles sont des phénomènes moins palpables que la tragédie du chômage ou que les difficultés matérielles auxquelles beaucoup sont confrontés. Et que de fait, l’espace disponible pour s’engager sur la mutation écologique est ténu. La conférence de Copenhague a eu au moins une vertu : le partage du diagnostic par l’ensemble de la communauté internationale. Plus personne ne conteste l’urgence, ni la gravité de la situation. Le scepticisme n’est plus de mise, c’est une posture kamikaze. À quoi bon aller plus loin tout seul ? La France n’est qu’une petite partie du problème et donc de la solution. Certes ! Mais sommes-nous les seuls ? Évidemment non ! Même la Chine vient de s’engager sur un mécanisme de réduction du carbone et un autre de réduction de flux de matière. Mais peu importe ce que font les autres. Attendre la vertu collective, c’est jouer son avenir au loto. Et tous les modèles économiques le disent. Anticiper comme nous commençons à le faire, c’est prendre un avantage économique. C’est préparer la société à ces contraintes qui sont incontournables et essayer d’en atténuer les effets. Sans attendre, nous devons évaluer l’efficacité des premières mesures mises en œuvre et si besoin les enrichir ou les corriger. La révision de la politique agricole commune pour aider et inciter les agriculteurs à aller plus loin en ce sens, tout en protégeant les marchés du sud ; la refonte profonde de la fiscalité pour préserver les ressources naturelles et alléger les charges pesant sur le travail, sont des chantiers immédiats et cruciaux pour lesquels nous devons retrouver un esprit de concorde. La Fondation souhaite y contribuer en proposant aujourd’hui son analyse du Grenelle et ses perspectives d’avenir. Nous n’en ferons jamais trop. Gardons à l’esprit que la contrainte est aussi un fantastique détonateur de créativité. Il vaut mieux changer le cours des choses, avant que celui-ci ne nous abîme. Osons dire que l’essentiel de la mutation reste à faire. Mais elle n’était pas envisageable, dès lors que nous faisions route contraire. Soyons convaincu qu’elle est une occasion inespérée de donner un sens à la technologie, au génie humain, à l’économie aussi. Sous cet angle, l’écologie n’est pas un archaïsme, elle est la seule modernité car elle oblige à redéfinir les finalités. Elle nous permettra sans doute de trouver le point d’équilibre entre la société du gâchis et celle du rationnement. Ce point subtil de sobriété, condition indispensable à la réalisation du partage, à l’incarnation de la solidarité, ce véritable indice de civilisation. Alors merci et vite revenons à l’ouvrage, car la fuite du temps ne nous permet pas de prolonger les congratulations ! »Vers une société sobre et solidaire : cinq axes de travail pour l’avenir
La Fondation a publié un livre identifiant cinq grands chantiers de travail afin de mettre en œuvre une véritable refondation écologique et solidaire de nos sociétés. En juin 2009, la Fondation Nicolas Hulot a amorcé un virage dans son action et sa démarche en lançant « Evolution : Chapitre 2 ». Un nouveau positionnement pour signifier sa volonté de participer activement à la construction d’un autre modèle de société, à la fois écologiquement viable et socialement solidaire. Dans la lignée du Pacte écologique, 5 axes de réflexion ont alors été proposées par les experts du Comité de Veille Ecologique. 1. Réformer nos institutions, pour que le long terme soit pris en compte. 2. Désacraliser le PIB et adopter de nouveaux indicateurs. 3. Revisiter l’ensemble des outils de régulation publique pour qu’ils encouragent les acteurs à économiser les ressources naturelles. 4. Réguler le commerce mondial pour passer du « libre échange » au « juste échange ». 5. Revoir les mécanismes de financements, tant publics que privés, afin d’être en mesure de financer le long terme. Enrichies de contributions critiques lors d’un colloque organisé en novembre dernier, ces cinq axes de travail font aujourd’hui l’objet du livre, Vers une société sobre et désirable, troisième ouvrage de la collection Développement Durable et Innovation institutionnelle (DDII), dirigée par Dominique Bourg et Alain Papaux. – Pour en savoir plus ce livre, cliquez ici.
Grenelle de l’environnement : bilan et perspectives
Sympathique site, merci à vous pour votre aide et notez en 1er lieu que je suis entièrement d’accord avec vous… Hum voilà tout est dit, votre article est réellement très bon, j’affectionne votre style… PS : D’ordinaire je ne réagis jamais sur les sites, même si leur contenu est de bonne qualité, mais là vous méritiez réellement mes compliments !