2 à 3% des déplacements quotidiens : c’est la part modale du vélo aujourd’hui en France, alors que le Grenelle de l’environnement prévoyait 10% d’ici 2020. Au quotidien comme pour les loisirs, le vélo présente pourtant de nombreux avantages pour ses usagers. La Fabrique Écologique s’est penchée sur les points de blocage, individuels et collectifs, qui freinent la perception du vélo comme mode de déplacement à part entière. A partir de ce constat, trois propositions sont formulées dans cette note afin de massifier l’usage du vélo en France et lui redonner toute sa place dans les transports du quotidien.
Synthèse
En dépit de bénéfices attestés sur de nombreux plans (écologique, socio-économique, sanitaire) et d’une performance avérée sur certains trajets du quotidien, la pratique du vélo a connu un incroyable déclin après-guerre dans beaucoup de pays d’Europe. Après s’être popularisée, notamment dans les milieux ouvriers au cours de la première moitié du XXème siècle, la bicyclette a pratiquement disparu des paysages urbains et des esprits pendant les années du baby-boom. Les mobilités individuelles motorisées, sur quatre ou deux roues, favorisées par l’urbanisme, ont constitué l’incarnation du progrès et de la modernité. Certains pays du Nord de l’Europe ont pris conscience de cet effondrement dès les années 1970, et des choix de politique publique ont permis, aux Pays-Bas, en Allemagne ou encore au Danemark, de provoquer une ré-affirmation progressive, puis une massification de la pratique du vélo au quotidien. La France (comme le Royaume-Uni ou l’Espagne) n’a pas vraiment su ou voulu provoquer ce rebond et a accumulé un retard de vingt à trente ans par rapport aux pays les plus avancés, tant dans la perception du vélo comme une mobilité efficace au quotidien, que dans les politiques publiques ou les infrastructures. La réaction hexagonale dans la dernière décennie n’a pas encore permis de massifier le vélo. Nombreux sont encore les obstacles à franchir pour le vélo : la pesanteur d’un urbanisme structuré autour du « tout-voiture », le sentiment d’insécurité, la peur du vol, le manque d’infrastructures pour provoquer la « sécurité par le nombre », mais aussi l’absence de stratégie nationale, l’enchevêtrement de compétences locales et nationales, des coûts localisés pour des bénéfices à une échelle plus large, le manque d’incitations pour utiliser le vélo pour se rendre au travail. C’est pourquoi la note formule trois propositions pour soutenir l’usage massif du vélo en France et réintégrer la petite reine comme un mode de déplacement à part entière : – 1) La création d’une Mission Interministérielle pour le Vélo (MIV), dont la première tâche devra être la confection d’un plan national de sensibilisation à l’usage du vélo ; – 2) La mise en place d’un fonds d’investissement pour les mobilités actives afin de résoudre l‘insuffisance des investissements en infrastructures cyclables dans les territoires. Celui-ci pourrait être notamment alimenté par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie – CNAM, première bénéficiaire des gains financiers apportés par une réduction de la sédentarité ; – 3) Rééquilibrer les incitations financières par les employeurs pour les trajets domicile-travail de leurs salariés. Le Budget Unique Mobilité permettra de soutenir la mobilité sans distinction de mode de transport. Cette note est issue des travaux d’un groupe de réflexion réuni dans le cadre de La Fabrique Ecologique entre avril 2016 et mars 2017.Signataires
• Yoann ROUILLAC – Designer Stratégique, Président de MyWom, président du groupe de travail • Claire SCHREIBER – Chargée d’études au Club des Villes et Territoires Cyclables • Laurent DARELLIS – Consultant en stratégie de communication d’influence • Clément NICOLA – Consultant politique publique • Laurent ZIBELL – Membre de l’Adav (Lille) et de l’ADFC (Allemagne) Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, seuls les signataires de la note sont engagés par son contenu. Leurs déclarations d’intérêts sont disponibles sur demande écrite adressée à l’association. Autres membres du groupe de travail • Charles MAGUIN – Président de Paris en Selle Personnes auditionnées dans le cadre de ces travaux • Maxime GÉRARDIN – auteur du rapport « l’indemnité kilométrique vélo : les enjeux, les impacts » Relecture Cette note a été discutée par le comité de lecture de La Fabrique Ecologique, composé de Guillaume Duval, Marianne Greenwood, Géraud Guibert, Anne-Catherine Husson-Traore, Joël Roman, Guillaume Sainteny et Lucile Schmid. Elle sera relue et fera l’objet de suggestions et de conseils de la part des personnalités suivantes : • Catherine PILON – Maire-adjointe de Montreuil en charge des transports et des déplacements • Olivier SCHNEIDER – Président de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) • Pierre TOULOUSE – Adjoint de la coordinatrice interministérielle pour le vélo Elle a enfin été validée par le Conseil d’administration de La Fabrique Ecologique. Conformément aux règles de La Fabrique Ecologique, cette publication sera mise en ligne jusqu’à la fin du mois de juin 2017 sur le site de l’association (www.lafabriqueecologique.fr) afin de recueillir l’avis et les propositions des internautes.Sommaire
Introduction I L’ÉTAT DES LIEUX : UN VÉLO DÉSIRABLE, MAIS DES FREINS TENACES- A. Le vélo : horizon désirable pour la mobilité de demain – 1 Le vélo, mode de déplacement écologique – 2 Le vélo, mode de déplacement performant – 3 Un bénéfice socio-économique du vélo positif – 4 Le bilan sanitaire du vélo comme argument décisif
- B. Des freins tenaces à l’usage du vélo – 1 Le vélo hors des rues et des têtes : le « tout-voiture » comme frein collectif structurant – 2 Les freins individuels : la peur de l’accident et du vol
- C. Les enseignements de l’histoire : le vélo, choix de société et de politique publique – 1 De la massification du vélo aux « 30 piteuses » de la bicyclette – 2 Un choix politique de faire revivre (ou pas) le vélo comme un mode de transport quotidien – 3 Une stratégie nationale à développer
- D. Les infrastructures nécessaires : la compétence locale et les bénéfices nationaux – 1 Le besoin d’infrastructures du vélo – 2 Des bénéfices locaux, un impact économique essentiel au niveau national
- E. Des incitations à ne pas choisir le vélo pour aller au travail ? – 1 Deux dispositifs d’incitation au vélo modestes – 2 Des dispositifs par comparaison plus incitatifs pour d’autres mobilités
- A. La création d’un pilote national, la Mission Interministérielle Vélo – 1 La Mission Interministérielle Vélo, nouveau pilote national – 2 Lancement d’un Programme national PNSPV (Plan National de Sensibilisation Pour le Vélo)
- B. La mise en place d’un « Fonds d’investissement dans les Mobilités Actives » pour l’aménagement d’infrastructures – 1 Le mécanisme général – 2 Les infrastructures susceptibles d’être subventionnées – 3 Les arguments pour les apporteurs de capitaux (épargnants et investisseurs institutionnels) : soutenabilité et rentabilité – 4 Les difficultés éventuelles
- C. La création d’un « Budget Unique Mobilité » (BUM) dans les trajets domicile-travail – 1 Une indemnité kilomètrique vélo (IKV) qui fonctionne complètement – 2 Aller plus loin avec un budget unique à la mobilité – 3 Les critères de mise en œuvre en France
Introduction
Pour chacun d’entre nous, l’usage du vélo constitue un des actes écologiques les plus accessibles, tout en ayant un fort impact à grande échelle. Le passage à l’acte est simple et les bénéfices sont multiples, autant individuellement que pour une rue, une agglomération ou la planète. Ses bénéfices sont écologiques, mais vont bien au-delà. Une grande majorité de personnes sait faire du vélo, et beaucoup de nos concitoyens en ont déjà un dans leur garage ou leur cour. Le vélo est très accessible à l’achat et peu cher à entretenir. A une époque il était même signe de modernité. Il a cependant perdu de sa noblesse et son usage a diminué sur le long terme. Il ne représente qu’une faible proportion seulement dans l’usage des différents modes de transport, alors qu’il se marie si bien avec certains d’entre eux, qu’il offre la liberté, et que davantage de personnes savent conduire une bicyclette qu’une voiture. La composition du groupe de travail, en majorité des jeunes, montre l’intérêt de cette génération pour changer la manière de concevoir et de vivre la ville, et plus largement notre vivre ensemble. Cela montre aussi la capacité de jeunes professionnels à donner une dynamique nationale ambitieuse, avec un très grand impact possible sur la vie de dizaines de millions de Français pendant de nombreuses années. Les propositions de cette note sont ambitieuses, mais réalistes, afin de montrer la voie d’une impulsion et d’un signal forts. Leur faisabilité a fait l’objet d’une attention particulière, sur la base d’un modèle économique viable qui permette leur mise en œuvre. Ces propositions, loin d’être utopistes, sont justes et nécessaires pour tous. Cette note est destinée à un lecteur expert ou amateur éclairé sur le vélo, mais aussi aux Français dans leur ensemble. Elle est destinée notamment à celles et ceux qui sont proches de basculer dans l’usage du vélo. Des millions de citoyens peuvent et doivent être entraînés vers un changement des pratiques de mobilité, afin d’atteindre l’objectif fixé par la Stratégie de développement de la mobilité propre, à savoir une part modale vélo à 12,5% en 2030. C’est en atteignant cette masse critique que le vélo pourra être reconnu comme un moyen de transport à part entière. Nous espérons sincèrement que vous aurez autant de plaisir à la lecture, que celui que nous avons eu à débattre sur le sujet, à confronter nos points de vue et à rédiger cette note.Note intégrale
– Télécharger la Note de la Fabrique Écologique « Vivez le Vélo ! »